C’est un congrès historique dans les annales de l’ancien parti au pouvoir qui a exposé à la face du monde, ses plaies et ses bagarres sur le rôle qui revient au dictateur déchu, qui a pris ses quartiers à Abidjan et continue de lorgner sur le Burkina et de tenir la haute main sur le parti qu’il a fondé. Il aurait recommandé de surseoir à ce 8e congrès selon le « canal historique », ce à quoi « l’aile futuriste » aurait opposé une fin de non-recevoir. Eddie Komboïgo vient de livrer sa première vraie bataille politique, celle en son nom propre pour prendre le CDP et le diriger comme il veut et non comme dirigeant de société que des actionnaires ont choisi. Compte rendu d’une prise de pouvoir par un dirigeant de société.
En octobre 2014, le peuple par une insurrection a chassé Blaise Compaoré du pouvoir. Il avait dû fuir le pays grâce au soutien du pouvoir français pour lequel il avait travaillé qui lui a envoyé un avion pour le convoyer en Côte d’Ivoire. C’était vraiment une bérézina pour celui qui pensait modifier la constitution et rester au pouvoir autant de temps qu’il le désirait. Le pays devait être suspendu à sa volonté et à ses désirs. Et au sein du parti qu’il avait fondé le Congrès pour la démocratie et le progrès, c’était ainsi que l’on voyait les choses.
Tout le monde au CDP voulait modifier l’article 37 de la constitution pour qu’il puisse se présenter et se succéder à lui-même. Personne ne voyait une autre issue, un autre avenir au pays que la férule de Blaise Compaoré. Mais l’histoire réserve des surprises aux hommes forts, les éruptions insurrectionnelles des peuples qui dévastent et chassent des régimes qui les prenaient pour des volcans éteints. C’est ainsi que Blaise s’est retrouvé à mendier à Alassane Ouattara le gite et la nationalité ivoirienne pour se prémunir de la justice de son pays, alors qu’il avait obtenu une immunité pour se retirer qu’il a dédaigné pour le pouvoir à vie.
Devenu ivoirien Blaise Compaoré a gardé la main sur son parti le CDP et a voulu depuis son exil en faire l’instrument de ses ambitions. Il a méprisé ceux qui ont gardé les meubles dans la tempête et sauvé ce qui pouvait l’être pour donner le CDP à un homme inconnu du sérail politique dont les hauts faits d’armes n’étaient que affairistes et qui avait pris le chemin de l’exil au pays de l’oncle Sam dans les moments de tourmente. Ce jeune loup aux dents longues est celui qui vient de dévorer la carcasse de Blaise Compaoré en lui retirant tous les attributs de président d’honneur grâce auxquels il a pris les rênes du CDP. Blaise a eu le coup de grâce, porté par l’une de ses propres créatures Eddie Komboïgo, golden boy enrichi sous son règne. Le VIII e congrès du CDP vient de donner un gros coup de pied au dictateur déchu pour être sûr qu’il s’enfonce dans les oubliettes de l’histoire.
Cette fois-ci, Eddie Komboïgo est le patron incontesté à l’intérieur du CDP qui lui appartient totalement après le VIII e congrès des 18 et 19 décembre 2021. Les débats entre les partisans du canal historique et du canal futuriste selon les mots d’Eddie n’empêcheront pas le chef de file de l’opposition politique de conserver l’enveloppe CDP jusqu’à ce qu’elle ne lui soit d’aucune utilité. Les réformes et les débats que les militants du CDP ont refusé de mener à temps, le manque de soutien que les derniers fidèles du dictateur déchu Blaise Compaoré ont refusé de donner à ceux qui contestaient Eddie depuis son apparition sont payés aujourd’hui par ceux qui le combattent mais hélas de manière tardive alors que son offre publique d’achat agressive a réussie.
Une opposition divisée et impuissante au parlement
Eddie Komboïgo a appris vite auprès des cadors du CDP qui pour la plupart se couchaient dès que l’on prononçait le nom de Blaise Compaoré. Eddie a profité des lettres du président d’honneur pour s’imposer et maintenant qu’il a les manettes, il ne reconnaît plus les soi-disant correspondances venant des bords de la lagune Ebrié. Il ne veut pas partager le pouvoir qu’il vient de prendre au dernier congrès et Blaise Compaoré est réduit à sa plus simple expression, un président déchu du pouvoir d’Etat, du piédestal de son parti, avec pour seul vestige de son passé, le titre honorifique qui n’a aucune valeur sur le marché politique. Au moins Eddie a appris une chose de son mentor tombé en disgrâce, le pouvoir ne se partage pas.
La seule issue qui reste aux opposants d’Eddie, pour ceux qui sont députés est de quitter le groupe parlementaire CDP pour rejoindre celui de l’ADF/RDA, mais cela ne changera rien aux données du problème car le CDP doit exister pour qu’ils soient députés et Eddie en est le patron donc le chef de file de l’opposition. Nous aurons dans ce cas de figure, le destin de Zéphirin Diabré avec l’UPC qui se profile pour lui. On aura encore une opposition divisée et faible qui ne sera qu’un pot de fleur à l’Assemblée.
Sana Guy
Lefaso.net
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