Pr Frédéric Ouattara à propos du satellite « Burkina Sat1 » : « Nous sommes à la phase critique »
A la tête de l’Université Norbert-Zongo (UNZ) de Koudougou depuis juin 2019, Pr Frédéric Ouattara se prononce, à travers cette interview accordée à Sidwaya, sur divers sujets, notamment les solutions pour un retour à une année académique normale, l’évolution du Satellite « Burkina Sat1 » et la suite du dossier du drame survenu sur le chantier de l’UNZ qui avait fait quatre morts et un blessé.
Sidwaya (S) : L’Université Thomas- Sankara a abrité la cérémonie officielle de la rentrée académique 2021-2022 des universités publiques du Burkina Faso, le vendredi 15 octobre 2021, sous le sceau de la normalisation des années académiques. Quelle est la situation du chevauchement à l’Université de Koudougou ?
Frédéric Ouattara (F.O.) : Les statistiques montrent qu’à l’Université Norbert-Zongo (UNZ) de Koudougou, nous sommes entre quatre et cinq mois de retard académique, ce qui fait environ un semestre. Il était donc de notre devoir de regarder les poches ou les niches de résorption de ce retard. Vu le nombre d’étudiants, la correction des copies et le temps de réclamation des étudiants constituent entre autres les causes du retard dans l’enseignement supérieur.
Un enseignant qui a 9 000 copies à corriger et qui doit enseigner et faire des travaux de recherches, ce n’est pas toujours aisé. Nous avons donc entrepris l’acquisition des machines à correction pour alléger la tâche des enseignants à ce niveau. Les étudiants seront formés sur les questions à choix multiples (QCM).
La programmation semestri-elle sera également réadaptée afin de réduire les pertes de temps liées à la programmation et nous envisageons la construction de nouvelles infrastructures notamment des salles modulables en préfabriquées pour faire face aux contraintes dues aux infrastructures. L’UNZ compte plus de 50 000 étudiants et cette année nous attendons environ 13 000 nouveaux étudiants. Nous pensons que toutes ces mesures doivent nous permettre de résoudre le problème du chevauchement des années académiques dans les deux ans à venir.
S : Certains doutent de la fiabilité des machines à correction. Que leur répondriez-vous ?
F. O. : Nous ne serons pas les premiers à expérimenter cette correction. Elle est déjà utilisée à l’Université Félix Houphouët Boigny d’Abidjan, à l’Université Cheick Anta Diop de Dakar au Sénégal. Même s’il peut y avoir des erreurs, elles sont minimes et ne doivent pas nous empêcher d’aller vers l’innovation technologique surtout au regard de l’urgence.
S : Qu’est-ce qui est fait au sein de l’Université de Koudougou en termes de management et de gouvernance vertueuse en vue de relever les défis de la communauté universitaire ?
F. O. : Sur le plan administra-tif, nous avons toujours travaillé à l’instauration d’un climat de paix et de franche collaboration. Et je saisis l’occasion pour saluer l’engagement et la compréhension de la commu-nauté universitaire. Aussi les textes régaliens qui gouvernent l’administration universitaire sont mis à la disposition des agents afin qu’ils en prennent connaissance.
Cela permet d’éviter les difficultés liées à la méconnaissance des textes. Sur le plan financier, le ministère en charge de l’économie et des finances nous a félicité pour la bonne gestion des ressources mises à notre disposition, ce qui est une première à l’UNZ. Nous sommes en train de définir les fiches de poste et les profils afin que désormais les gens soient là où ils doivent être pour les rendre plus productifs.
S : Vous avez fait rêver les Burkinabè avec votre projet de satellite dénommé « Burkina Sat1 ». Où en êtes-vous aujourd’hui ?
F. O. : Ce fut un rêve, mais il est devenu une réalité aujourd’hui. Nous sommes à la phase que j’appelle ‘’critique’’. Vous savez, quand un satellite est dans l’espace, si les données qu’il reçoit ne sont pas transmises à la station au sol, il n’a pas sa place là-bas puisqu’il ne sert à rien. Nous sommes en train de tester les différentes possibilités de transmissions des données stockées dans l’ordinateur placé dans le satellite.
Par exemple, si le satellite prend une image dans l’espace, elle est stockée dans l’ordinateur et il faut faire en sorte que cette image soit transmise à la station au sol. Les résultats sont très bons, les informations sont transmises toutes les 15 minutes automatiquement. Aussi dans l’espace, la camera du satellite doit être toujours tournée vers la terre.
Et comme la terre a un champ magnétique, il y a des magnétomètres qui sont placés dans le satellite mais si vous n’arrivez pas à contrôler l’orientation de la camera, elle peut être dirigée vers le soleil ou dans n’importe quel sens et vous n’aurez aucun résultat. Il reste à vérifier la réponse des panneaux solaires une fois le satellite dans l’espace pour boucler la série des tests. Et nous aurons terminé l’assemblage et le satellite sera prêt à être envoyer dans l’espace.
Toutes les étapes sont faites avec des Burkinabè. Cette formation continue, va permettre de parachever « Burkina Sat1 ». Nous sommes en discussion avec des partenaires chinois pour les contrats de lancement du satellite qui interviendra incessamment.
S : Qu’est-ce que « Burkina Sat1 » va apporter au pays des Hommes intègres ?
F. O. : Ce projet va aider le pays dans le domaine de l’agriculture à travers des informations sur la pluviométrie, la qualité des sols, l’avancée du désert, les changements climatiques. Au niveau de la santé, à long terme, nous allons mettre en place un autre appareil qui va permettre de contrôler l’évolution de la quantité de l’air au sol en vue de lutter contre les problèmes et autres maladies respiratoires.
S : Un drame est survenu sur l’un des chantiers de l’Université en septembre 2021 faisant quatre morts dont trois étudiants stagiaires en génie civil. Quelle est la situation sur ce chantier ?
F. O. : Après ce drame, l’une des mesures conservatoires était le retrait de tous les étudiants stagiaires des chantiers de l’UNZ. Le chantier était sous assurance tout risque, le ministre en charge de l’enseignement supérieur, le Pr Alkassoum Maïga a donc demandé d’activer rapidement la procédure afin que les victimes soient indemnisées. Le procureur s’est autosaisi, le chantier est sous scellé, les travaux suspendus et les enquêtes sont toujours en cours.
Pour une question de sécurité, il a en outre demandé à l’expert burkinabé en matière de construction, le Laboratoire national du bâtiment et des travaux publics (LNBTP), d’expertiser les autres bâtiments non concernés par l’effondrement. Le délégué général des étudiants de l’UNZ et un autre de l’Institut universitaire de technologie (IUT) seront admis au sein de cette commission, exceptionnelle-ment, bien que n’étant pas experts du domaine. A terme nous envisageons donner les noms des victimes à certains bâtiments.
S : Avez-vous un message à l’endroit de la communauté universitaire au début de cette rentrée académique ?
F. O. : Je voudrais d’abord remercier les différents acteurs pour les efforts qu’ils ont toujours su consentir. Je les invite à plus de responsabilité et à maintenir la dynamique afin que nous puissions achever l’année académique qui commence dans la paix et la sérénité. C’est ainsi que chacun de nous va contribuer à l’atteinte des résultats et des missions assignées à l’Université Norbert- Zongo de Koudougou.
Entretien réalisé par Beyon Romain NEBIE
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