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Procès Thomas Sankara : Hyacinthe Kafando préparait le coup d’Etat, selon le témoin Alexis Ouédraogo

Neuf personnes ont comparu en qualité de témoins à l’audience du procès de l’assassinat de Thomas Sankara et ses douze compagnons, le mardi 21 décembre 2021, à Ouagadougou, devant la Chambre de jugement du Tribunal militaire délocalisé à la salle des banquets de Ouaga 2000.

La comparution des témoins pour la manifestation de la vérité dans l’affaire Thomas Sankara et ses douze compagnons assassinés le 15 octobre 1987 au Conseil de l’Entente se poursuit à la barre de la Chambre de jugement du Tribunal militaire. A l’audience du mardi 21 décembre 2021, à Ouagadougou, neuf témoins ont fait leur déposition. Le premier témoin, l’adjudant à la retraite Emile Nakoulma (67 ans) a achevé son interrogatoire entamé la veille. Sergent-chef au moment des faits, il était le chef du groupe qui a assuré la sécurité de Sankara dans la nuit du 14 au 15 octobre 1987 avant de passer la main à Eugène Somda.

Répondant à une question du président de la Chambre, Urbain Méda, concernant l’accusé Bossobé Traoré, il a soutenu qu’il ne sait pas de quel groupe il était. Par rapport à l’objet de la réunion du 15 matin, il a affirmé qu’elle visait à rétablir l’ambiance entre les gardes rapprochées de Blaise Compaoré et Thomas Sankara à cause des problèmes de primes qui ont provoqué de la jalousie. En quoi des problèmes de primes et de jalousie peuvent-ils entrainer un coup d’Etat ?

Pour Emile Nakoulma à cette question du juge, l’assassinat de Sankara est « hautement politique ». En réponse à une interrogation de Me Olivier Yelkouny de la défense, il a déclaré que Salif Diallo et l’adjudant Abderrahmane Zétiyenga (témoin) ont fouillé le bureau de Sankara après son assassinat. Administrateur civil à la retraite et secrétaire de direction au moment des faits, Anne Berthe Oubida/ Dembélé (67 ans), 2e témoin, était à la présidence du Faso quand le drame est survenu. Elle a déclaré que dans la matinée du jour fatidique, Thomas Sankara l’a appelée vers 11h30 pour lui dire de lui envoyer des feuilles.

« J’ai apprêté en même temps les courriers du jour. Arrivée, il était en train de rédiger un document et il m’a demandé de l’aider », a-t-elle témoigné. Aidant son patron, celui-ci a reçu une première visite d’une courte durée et une seconde plus longue. A 12h30, a-t-elle fait savoir, Mariam Sankara est venue et elle est rentrée et il devait poursuivre sa rédaction avec son épouse. A la reprise à 15h, elle a indiqué que Sankara est venu au bureau au moment où elle n’était pas encore arrivée. A son arrivée, a-t-elle poursuivi, elle a préparé des courriers et Thomas Sankara lui a dit qu’il allait revenir après sa rencontre.

« Quand il est parti, quelques minutes après, il y a eu des coups de feu », a-t-elle précisé en relevant qu’elle est allée au bureau militaire pour comprendre ce qui se passait. Selon le témoin Oubida, elle n’a pas perçu un problème qui pouvait présager un tel dénouement. Cité en qualité de témoin par les parties civiles comme étant celui qui a aidé Hyacinthe Kafando à fuir selon les déclarations du général Gilbert Diendéré, le sergent Madi Pafadnam (33 ans) en service au 30e Régiment de commandement, d’appui et de soutien à Ouagadougou a été appelé à la barre où il a indiqué ne rien savoir du décès de Sankara.

Pour la fuite de l’accusé Kafando, il a dit également ne rien savoir, car il était en prison quand celui-ci a quitté le pays. Appelé pour une confrontation, Diendéré a affirmé que c’est l’ex-Premier ministre, Yacouba Isaac Zida, qui lui a fait cette confidence au moment de sa libération, le 21 septembre 2015, en disant que Madi Pafadnam a déposé son oncle à la frontière. Salif Diallo a passé sa journée chez Blaise Compaoré Les soldats de première classe, Daniel Noaga Tenkodogo (63 ans) et Nonganéré Sawadogo étaient de garde au domicile de Blaise Compaoré quand le coup d’Etat est intervenu. Dans leurs témoignages, ils ont relevé que Salif Diallo qui est venu vers 7h au domicile de leur chef de corps et y a passé toute la journée.

« Vers 15h – 16h, on entendait des tirs et Salif Diallo et le chef de corps sont sortis demander là où ça tirait. On a dit que c’est vers le Conseil et ils sont rentrés », a dit le soldat Tenkodogo. Interrogé sur le nombre de postes sur place, il a laissé entendre qu’il y en avait un les jours et trois les nuits. Il a confié avoir appris qu’après les tirs, Amidou Pathé Maïga est venu chercher son patron Compaoré avec la 205 noire du président Sankara.

Par rapport aux événements dramatiques, Nonganéré Sawadogo a déclaré ne rien savoir. Le 6e témoin, le sergent-chef Dimassé Sosso (61 ans) était soldat de 2e classe en 1987 à la garde présidentielle. Selon lui, le 15 octobre, il était avec son chef Famoro Ouattara vers le rond-point des Nations unies quand il y a eu les tirs. Revenu au palais, il a appris que Sankara est mort.

A l’entendre, il y avait des tensions entre les deux leaders et une semaine avant les faits, un vieux lui a dit que le sang allait couler. Le 7e témoin, Alexis Ouédraogo (68 ans), est contrôleur général de police à la retraite et chef de division à la Direction de la surveillance du territoire en 1987. A l’entendre, un certain nombre de renseignements rassemblés dans une note faisait ressortir cinq à six jours avant qu’un coup d’Etat était en préparation. Qui préparait le coup d’Etat ?

« Le sergent-chef Hyacinthe Kafando était celui qui préparait le coup. Il contactait des militaires et cherchait à avoir des explosifs et des munitions », a-t-il répondu à l’interrogation de Urbain Méda. Il a aussi apporté des éléments de réponse sur la violence des événements et le complot de 20h qui n’en existait pas. Conducteur au garage du Conseil de l’Entente, le soldat de 1re classe à la retraite, Gérard Sompoudougou (62 ans), était à Gounghin et a soutenu ne rien savoir de l’assassinat de Sankara.

« Le 15 octobre, je ne sais rien. C’est zéro », a-t-il déclaré à la barre.

« Sankara a été cueilli à bout portant »

Le 9e témoin du jour a été Alouna Traoré (64 ans), le seul rescapé du drame du 15 octobre. Administrateur civil de formation et responsable chargé de la propagande et de l’agitation politique à la présidence du Faso, il a indiqué qu’il venait d’être nommé conseiller spécial au cabinet du Conseil national de la Révolution.

A ce titre, il a été envoyé le 14 octobre à Cotonou pour avoir de la documentation sur un parti d’avant-garde en projet. Revenu, il devait faire le point de sa mission à la rencontre de 16h le lendemain. En voulant prendre la parole, des tirs se faisaient entendre et Sankara s’est mis debout en disant que c’est lui qu’ils ont besoin lorsque les assaillants criaient : « Sortez, sortez ». « Sorti les mains en l’air, il a été cueilli à bout portant. A la queue leu-leu, les autres sortaient et étaient systématiquement abattus.

Sorti en dernière position, je me suis jeté en faisant le mort », a-t-il précisé. A l’en croire, c’était Nabié N’Sony qui a remarqué qu’il n’était pas mort et il a été conduit dans une salle où il a passé la nuit avant d’être libéré le lendemain. Interrogé par le parquet militaire sur les relations entre Compaoré et Sankara, il a confié que l’atmosphère était pourrie et tendue avec des tracts. Est-ce qu’on pouvait s’attendre à un coup d’Etat ?

A cette relance, il a déclaré : « Le 15 octobre, quand j’ai enjambé les corps de mes camarades, je me suis posé des questions. Mon Dieu, qu’a-t-il fait pour mériter un tel sort ? Qu’avons-nous fait pour mériter un tel sort ? Mon Dieu, que me veux-tu en me faisant voir cela ? Mais le temps m’a donné des débuts de réponses », a-t-il relaté. Qui étaient ceux-là qui sont venus tirer sur vous ? « C’est la garde rapprochée de Blaise Compaoré qui nous a tirés dessus », a-t-il informé.

Est-ce qu’il y avait une autre réunion le 15 ? « Oui mais c’était pour parler de la création du parti d’avant-garde et pour resserrer les liens au sein du CNR », a-t-il relevé. Interrogé par Me Prosper Farama des parties civiles sur la présence de l’accusé Nabonswendé Ouédraogo parmi le commando, il a dit ne pas avoir souvenance. Etonné par cette réponse, Me Farama relance : « Vous l’avez vu oui ou non ? ».

Il a répondu par l’affirmative. Pour l’avocat, cette réponse sème le doute dans l’esprit du tribunal, car devant le juge d’instruction, il avait été très clair en disant qu’il l’a reconnu nommément comme ce dernier est son parent. Pour l’avocat des parties civiles, Me Séraphin Somé, l’attitude du témoin Traoré montre qu’il a une dette envers Nabonswendé Ouédraogo qui lui aurait sauvé la vie.

Pour preuve, a-t-il fait observer, il a fait des déclarations devant le juge d’instruction et en présence de l’accusé, il se dédit. « Je ne dois pas ma vie à quelqu’un qui m’aurait épargné », a-t-il estimé. Pour le conseil de l’accusé Ouédraogo, c’est par déduction que Alouna Traoré a affirmé que comme son client était scotché à Hyacinthe Kafando et par conséquent, il était du commando.

Appelé pour une confrontation, l’accusé a indiqué que ce n’est pas exact. A son tour, le général Diendéré est aussi appelé pour des précisions sur des déclarations de tireur d’élite attribuées à l’accusé Ouédraogo par Alouna Traoré. Pour le général, celui-ci ne l’était pas. Suspendue, l’audience reprend, le mercredi 22 décembre 2021, avec la comparution des témoins Bachirou Sanogo, Issouf Tiendrébéogo, Famoro Ouattara, Eric Palm, Idrissa Zampaligré.

Timothée SOME

timothesom@yahoo.fr

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