Cette fois, j’écris au Christ !
Ça y est, l’enfant Jésus est là et nous sommes sauvés ! Bienvenue doux Jésus dans ce monde de fou où certaines de tes brebis ont déserté le pâturage verdoyant pour brouter entre les épines du désert. Bienvenue à toi, petit enfant innocent, dans l’univers du mal où ta parole peine à se fossiliser dans le cœur des hommes. Je sais que depuis ton berceau de fortune, tu leur enseigneras l’amour du prochain, mais une fois de plus, tu perdras ton temps ; ces hommes ne sont pas faits pour aimer.
Quand ils décident d’aimer, c’est pour prendre sans donner en retour. Leur amour se consomme, s’achète, se vend et se négocie parfois avec des pourcentages en termes de plaisir et de déplaisir, en termes de faveurs et de défaveurs. Regarde un peu toute cette ferveur autour de ta venue : arbre de Noël 100 000 F CFA, bière de Noël 200 000 F CFA, viande de Noël 200 000 F CFA, les habits de Noël, sans lesquels on taxera ton avènement de moche et digne des mioches.
C’est pourquoi, tu entendras certains dire que leur Noël était nase, parce qu’ils ne se sont pas bien goinfrés ou parce qu’ils n’ont pas pu bien s’habiller. Quand je pense que toi-même tu es venu sans habit ni chaussure et que ton berceau était une mangeoire, entourée de vaches, de chevaux et de moutons. Ton symbole n’a pas fait école. Tu es né presque à même le sol, mais seulement 2000 ans après, je me demande si tu reconnaîtras ta crèche. Elle a même poussé des étages, R+3, R+4 et même R+5.
Fais donc attention aux escaliers quand tu voudras descendre ou monter. On appelle ça des crèches duplex, version Ouaga 2000. Et si seulement tu savais que ta maison est même devenue un fonds de commerce. Ta crèche peut couter plus de 50 000 F CFA. Excuses-moi de tous ces chiffres, tu ne sais peut-être pas ce que l’argent représente pour nous, mais parfois, c’est plus que le Christ. Tiens, j’oubliais !
Surtout ne t’aventure pas dehors en ce jour de la Nativité ; tu diras à maman qu’il y a trop de brebis égarées dans les rues, trop de pétards et de klaxons étourdissants, trop d’accidents sponsorisés par l’alcool, c’est ça Noël ! Mais pardonne-leur, il y a des siècles qu’ils ne savent pas ce qu’ils font. Pendant que certains mangeront et boiront à satiété ce jour au nom du Christ, leur voisin immédiat peinera à mettre la marmite au feu, au nom du même Christ.
Pendant que certains se tordent de douleur sur un lit d’hôpital en ce jour béni, d’autres ricanent dans la joie, à haute voix, sans foi ni loi. Pendant que des innocents croupissent derrière les barreaux pour des peccadilles et des broutilles, loin d’une liberté toujours espérée, les vrais coupables vaquent à leurs occupations en toute liberté.
Parfois, ils volent d’église en église au nom du Christ ; ils sont toujours assis devant les autres et portent une croix qui pèse plus que leur propre poids, plus que leur foi ; ils font des offrandes devant les caméras et se vantent d’être les plus généreux des fidèles ; quand ils donnent aux pauvres ils donnent toujours avec la main gauche ; ils s’assurent toujours que leur générosité passera au journal télévisé de 20 heures et que tous les journaux en feront leur Une.
Après Noël, ils chasseront le mendiant qui se lamente à leur porte avant de jeter à la poubelle le reste de vermicelle inutile. Après Noël, ils ne paieront pas leurs employés, mais se paieront le luxe de s’envoler pour des vacances méritées en méditerranée. Parce qu’ils ont perdu leur foi dans les joies du monde. Doux Jésus, c’est ça Noël ! Mais merci quand même d’être venu. Si tu reçois ma lettre, lis-la avec beaucoup de tolérance et surtout, pardonne-moi d’avoir jugé sans préjugé. Amen !
Clément ZONGO
clmentzongo@yahoo.fr
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