Patrimoine culturel : La vieille mosquée « méconnue » de Koundougou
A Koundougou, une commune rurale située dans la province du Houet, existe une vieille mosquée construite au milieu du XIXe siècle. Bâtie en terre cuite argileuse, elle a su résister au temps. Même si cet édifice de plus de 150 ans fait la fierté des populations locales, elle demeure jusque-là méconnue par grand nombre de Burkinabè. Allons à sa découverte.
Jeudi 18 novembre 2021. Il est 12 heures 30 minutes à Koundougou, commune rurale située à 80 km de Bobo-Dioulasso dans la province du Houet. L’heure de la prière du Zhour (2e prière quotidienne musulmane) s’approche. Perché sur le toit d’une mosquée, le muezzin, Sidiki Diaby, appelle les fidèles, comme à l’accoutumée, pour la prière. Des fidèles, après leurs ablutions, convergent vers la « maison d’Allah ».
Nous sommes au pied de la « vieille » mosquée de Koundougou. Situé dans le quartier Bobotchi, l’édifice religieux est géré par la famille Diaby depuis sa construction, confient les maîtres des lieux. La famille Diaby a des liens de parenté à celle de Dioulassoba bâtisseur de la « vieille » mosquée qui fait la fierté de Bobo-Dioulasso.
Entièrement en banco, la mosquée serait construite par l’un des premiers musulmans du village, Waliyou Diaby. Depuis sa construction, sa structure n’a jamais été modifiée. « Elle
L’imam de la mosquée de Koundougou, Brahima Diaby :
« délabrée, vétuste, la mosquée est en danger ».
garde toujours son lustre d’antan », ajoute le muezzin. La longévité de ce « Saint des Saints » musulman tire sa source dans les matériaux et les techniques de construction. De couleur ocre, la mosquée, comme toutes les autres de son époque, a été entièrement bâtie à la main avec des matériaux traditionnels.
Fruit d’un mélange de terre cuite et de bois, l’édifice est soutenu par plusieurs piliers à l’intérieur et est subdivisé en plusieurs rangées, dont un espace dédié aux femmes. Coiffée de plusieurs cônes, la plus haute porte le symbole de la religion révélée par le Prophète Mohamed (Psl) : les minarets. La cime de la « maison d’Allah » de Koundougou est entièrement construite en terre cuite et en bois.
Du haut de son siècle et demi, son architecture, qui est restée longtemps intacte du fait d’un entretien régulier, a toutefois subi les affres du temps. « Délabrée, vétuste, la mosquée est en danger », alerte Brahima Diaby, celui qui assume le rôle d’imam principal de la mosquée depuis 14 ans.
L’ainée de la mosquée de Dioulassoba ?
Ce dernier est convaincu d’une chose : « l’édifice doit être sécurisé et mis en valeur, et son histoire doit être contée aux générations futures, parce que cette mosquée représente véritablement un pan de la culture de l’histoire de la commune rurale de Koundougou ».
Et parlant d’histoire, l’époque de la construction de la mosquée, selon nos différents interlocuteurs, se confond avec les débuts de l’islam à Koundougou. Ce temple de Dieu, de style néo-soudanais serait érigé au milieu du XIXe siècle, selon plusieurs témoignages. Même si sa date exacte de construction reste méconnue, il constitue incontestablement le plus vieux symbole de l’islamisation de Koundougou.
Le directeur provincial en charge de la culture du Houet, Siaka Sanou : « Nous allons œuvrer à la préservation et la valorisation de ce joyau, si toutefois il est ancien ».
L’imam Bourahima Diaby dit ignorer la date exacte de la construction de la mosquée, mais ce septuagénaire affirme qu’elle est l’ainée de celle de Dioulassoba à Bobo-Dioulasso. A l’époque de sa construction, rapporte-t-il avec approximation, il y avait déjà trois mosquées célèbres dans la sous-région : celles de Djenné au Mali, de Kong en Côte d’Ivoire et de Kankan en Guinée.
Même son de cloche chez le chef de la communauté musulmane de Koundougou, El Hadji Zakaria Ouédraogo. Âgé d’environ 95 ans, il a quitté son Ouahigouya natal dans les années 50 pour s’installer à Koundougou. « Quand je m’installais à Koundougou, la vieille mosquée était la seule mosquée », témoigne le nonagénaire.
De ce que l’iman de la mosquée à l’époque, Siaka Diaby, lui aurait raconté, la mosquée de Koundougou a été bâtie à la même époque que celles de Djenné, Kong et Kankan. Zakaria Ouédraogo a connu tous les imans qui sont passés à la tête de la mosquée de Koundougou, de Siaka Diaby à Brahima Diaby en passant par Siriki Diaby, Fatogoma Diaby et Souleymane Diaby. Le maire de la commune de Koundougou, Bimbé Barro, quant à lui, préfère jouer la carte de la prudence sur l’histoire de la mosquée, même s’il reconnait son ancienneté.
« Les parents nous disaient que la mosquée existait avant l’arrivée des colons. A l’époque, il n’y avait que la mosquée de Bobo-Dioulasso et celle-là. C’est dire qu’elle est l’une des plus vieilles mosquées de la région des Hauts-Bassins ? », confie-t-il. Cependant, il est difficile pour lui, de situer la date de construction de l’édifice.
Pour le directeur provincial de la Culture, des Arts et du Tourisme du Houet, Siaka Sanou, d’après des sources non formelles, cette mosquée à l’architecture « exclusivement » traditionnelle serait encore plus vieille que celle de Dioulassoba. Cependant, pour lui, il faudra rassembler des informations et discuter avec des témoins afin de faire ressortir la date de construction et l’historique de la mosquée. Car, selon lui, prouver son historicité est un paramètre « important ».
Une mosquée méconnue
La « vieille dame » a, certes, su traverser le temps et conserver sa fonction de lieu de culte, mais elle demeure méconnue de bon nombre de Burkinabè. Sa mémoire n’existe que
Selon le maire de Koundougou, Bimbé Barro, ce « patrimoine culturel » doit être protégé et préservé.
dans la tête de quelques vieux sages de Koundougou.
« Les informations concernant notre mosquée n’ont jamais été écrites. Personne ne s’était intéressée à cette mosquée », regrette l’iman Brahima Diaby. Pour Issouf Diaby, maitre coranique de la ville, cette méconnaissance de la mosquée se justifie aussi par le fait qu’elle n’ait pas, au même titre que d’autres de la sous-région, été valorisée par les colons.
« Aucune autorité nationale ou journaliste ne s’est jamais intéressé à cette mosquée », déplore Karim Dosso, un sage du village. Faux, rétorque le directeur provincial en charge de la culture du Houet, Siaka Sanou. « Nous avons été interpellés par le maire de Koudoungou », poursuit-il.
Ce qui a valu une visite du site pour échanger avec les communautés qui gèrent le patrimoine, pour recueillir des informations afin de les transmettre à la Direction générale de la valorisation de l’aménagement touristique (DGVAT), l’organe au sein du ministère, chargé de la promotion des sites touristiques.
« Le maire a promis de réunir les anciens du village qui détiennent la bonne information pour que le site puisse être inscrit comme un patrimoine national et pourquoi pas au patrimoine mondial de l’UNESCO», ajoute-t-il. Depuis lors, silence radio, foi de Siaka Sanou.Il poursuit, avoir rappelé en juin dernier (ndlr : 2021) au bourgmestre la nécessité de protéger ce joyau, pour le compte de la commission communale de l’urbanisation.
Un patrimoine touristique
Selon certaines croyances de la localité, la mosquée détient une vertu suprême. « Les parents disaient qu’à défaut de faire le pèlerinage à la Mecque, si quelqu’un arrivait à prier pendant sept jours dans la vieille mosquée, c’est comme s’il effectue le pèlerinage, un pilier de l’islam », déclare le maire. Mais, précise-t-il, c’est ce que les parents relataient. « Il y a des personnes de Djenné qui viennent prier ici parce qu’ils savent que c’est une vieille mosquée », souligne Karim Dosso, ajoutant que ceux qui vont à la Mecque viennent aussi prier surtout à l’approche de leur départ.
Le chef du village de Koundougou, Lamine Tanou : « cette mosquée montre réellement que notre village date de l’antiquité ».
Des personnes viennent prier pour demander de l’aide à Dieu et pour la réussite de leurs projets, ajoute l’iman Diaby. Ce « patrimoine culturel » doit être protégé et préservé, selon le maire. « C’est un patrimoine culturel de la commune qui nous tient à cœur.
Même s’il y a d’autres mosquées, celle-là aura toujours sa place vu son histoire et son importance pour la commune », fait-il comprendre. Cet instrument de tourisme, s’il est bien valorisé, peut donner de la visibilité à la commune et lui faire des recettes, estime-t-il. « Nous ne manquons pas de visiteurs (…) Il y a souvent des voyageurs qui s’arrêtent pour prier », confie l’iman Brahima Diaby.
Les touristes qui s’aventurent, photographient juste l’édifice en souvenir de Koundougou, sans piper mot, foi de Issouf Diaby. Pour le directeur provincial en charge de la culture, si l’historicité de la mosquée est vérifiée, le ministère va œuvrer à sa préservation et à sa valorisation.
Boudayinga J-M THIENON
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