Culture maraîchère à Ouahigouya : les producteurs dans la tourmente
Ouahigouya est une zone à forte production maraîchère, en témoigne les rendements positifs de la campagne sèche de 2020-2021. Malheureusement, à cause de la mauvaise pluviométrie, le niveau de remplissage du barrage de Goinré, la principale retenue d’eau, a baissé. Pourtant 25% de l’approvisionnement en eau potable de la ville découle de celui-ci. Au regard du manque d’eau, l’Office national de l’eau et de l’assainissement (ONEA) de commun accord avec les usagers demande l’arrêt de toute activité maraîchère à partir de la fin du mois de janvier 2022. Mais cette « pilule » a du mal à passer chez les maraîchers Constat !
Sur le barrage de Goinré, ce sont 354 ha de terre qui sont exploités pour la production maraîchère. Sur les berges de la retenue, Abdoul Fataho Ouédraogo cultive de la pomme de terre, du piment, du poivron et des concombres depuis 2003. Il vient tout juste de commencer son activité à la fin du mois d’octobre. « Je compte récolter dans 3 mois au minimum voire plus », indique-t-il. A l’entendre c’est probablement au mois de février qu’il doit récolter le fruit de son labeur. Comme lui, Soumaïla Ouédraogo est aussi un autre maraîcher. Il produit du poivron et de la pomme de terre, et ce, depuis 2017. « Je viens juste de repiquer mes plants. Il me faut au moins trois mois avant d’espérer récolter les fruits », soutient-il. Karim Ouédraogo fait, lui aussi, de la production maraîchère depuis son jeune âge (près de 25 ans). Il est dans la tourmente aujourd’hui, car sa production ne sera pas prête avant la fin du mois de janvier.
« C’est uniquement les choux que je pourrai récolter avant la date butoir », nous explique-t-il. A l’image de ces maraîchers, ils sont nombreux ceux qui font des nuits blanches depuis la décision, du 18 novembre 2021, d’arrêter toute activité maraîchère aux abords du barrage à partir de la fin du mois de janvier 2022. Ils sont inquiets car la saison humide a été très mauvaise. « Comment faire pour nourrir ma famille, les récoltes ont été très mauvaises ? », s’interroge Karim Ouédraogo. Mais cette inquiétude n’est rien quand toute une population pourrait manquer de l’eau potable pour la boisson, rétorque la directrice régionale de l’ONEA du Nord, Kiswensida Ouédraogo. C’est pourquoi, pour elle, il faut rationner « l’or bleu ». Il a été décidé de l’arrêt de mener toute activité maraichère d’ici la fin du mois de janvier 2022 et de l’utilisation des motopompes, de l’ouverture des vannes d’eau (les lundis et jeudis de 7h à 16h au lieu de 6h à 17h30) et de l’interdiction aux camions citernes de faire des prélèvements d’eau dans le barrage.
Manque d’eau dans le Nord
« L’eau va nous manquer. C’est pourquoi, il faut mesurer son utilisation et inviter les préleveurs de l’eau à aller désormais dans le barrage de Guitti en attendant que nous puissions avoir l’adduction d’eau », souligne le Secrétaire général de la région du Nord, Kouka Jérémie Ouédraogo. Mais certains exploitants ne sont pas d’avis avec cette décision. « Si nous faisons de la culture maraîchère, ce n’est pas pour chercher de l’argent mais juste pour nourrir nos familles. Avec ce spectre de famine qui plane sur nous, on nous demande de ne pas faire du maraichage. Ce que nous avons récolté ne peut pas nous permettre de tenir un mois. Actuellement, nous avons contracté des crédits pour travailler. Et dans cette situation on nous demande d’arrêter. Nous n’avons pas d’autres alternatives car c’est tout ce que nous savons faire », affirme Karim Ouédraogo tout désemparé.
Selon lui, il n’est pas question de quitter sa parcelle en attendant la saison pluvieuse prochaine. « Chaque année, nous faisons face à cette situation mais il n’a jamais été question d’arrêt de production. Pourquoi cette année c’est différent ? », s’interroge Karim. Soumaila Ouédraogo est du même avis. « Je ne peux pas arracher mes plantes d’ici la fin du mois de janvier. Dieu pourvoira à notre approvisionnement en eau de boisson », renchérit-il. Quant à Abdoul Fataho Ouédraogo, le puits est une alternative même si l’eau est à des profondeurs. « Les années antérieures, je faisais ma production avec des puits. J’ai trouvé qu’avec la retenue, non seulement l’accès à l’eau est facile mais aussi le travail est plus facile grâce à la motopompe. Qu’à cela ne tienne, je vais retourner à mes vieilles habitudes en attendant la pluie », souligne-t-il. Mais le Directeur régional en charge de l’agriculture du Nord, Abdou Karim Ouédraogo rassure les producteurs que 35 forages à haut débit à vocation agricole seront construits au cours de cette année 2022 pour remédier à cette situation de sècheresse dans le Yatenga dont 11 à Ouahigouya. « Ces forages, à haut débit de 40m3 d’eau par heure, permettront aux maraichers de mener à bien leurs activités », précise-t-il. Il reste donc à espérer que ces forages soient réalisés à temps pour sauver les cultures déjà mises en terre.
Fleur BIRBA
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