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Violence basé sur le genre : Le foyer Maria Goretti de Kaya accueille plus d’une centaine de jeunes filles

Au cœur de la ville de Kaya, un centre accueille des jeunes filles victimes de mariage forcé et précoce. Le foyer sainte Maria Goretti est né de la volonté du diocèse de Kaya d’accueillir des enfants qui sont victimes de mariage précoce ou forcé. Elles sont au total cent dix filles (110) vivant dans ce centre. Nous sommes allés à leur rencontre. Elles nous retracent leur vécu.

Mariéé à un vieux père dès son bas âge, Christine raconte comment elle a quitté en pleine nuit Pissila, son village, pour rejoindre la capitale du centre Nord :  » J’ai perdu mon père à l’âge de quatorze (14) ans. Par la suite, mon petit papa m’a donné en mariage forcé. Il m’a contraint à quinze (15) ans de me marier à un vieux père. Elle continue :  » J’ai parlé à ma mère qui m’a demandé également d’aller car la femme ne choisi pas son foyer. Dès ce moment, j’ai compris que j’étais devenue seule. Pendant leur sommeil, j’ai pris la route seule la nuit pour rejoindre Kaya à pied. A mon arrivée à Kaya on m’a parlé du foyer des sœurs, et j’y suis allé. Ici, je suis bien accueilli et j’espère trouver mon homme qui va m’épouser.

Annette et Annie, des jumelles viennent de Pissila. Elles ont également échappé à un mariage forcé. Toutes âgées de la vingtaine d’années, elles racontent comment elles ont subi la colère de leur père :  » Le papa et le grand père nous ont contraint d’aller chez un homme que nous ne connaissons pas », nous, dit Annette. Sa jumelle Annie poursuit en ces termes : « Mon école a été interrompue à cause de la situation que j’ai vécue :  » je devrais passer en classe de troisième. Mais mon papa nous a fait fuir de la cour. Nous avons subi des humiliations de sa part.

C’est pourquoi nous sommes ici aujourd’hui il y a une semaine. Je veux continuer l’école mais je ne sais pas si cela sera possible » Plus loin, nous rencontrons Clarisse, jeune fille de vingt un (21) an :  » quand je venais dans ce foyer, j’avais, dix sept (17) ans », témoigne la jeune fille. Elle nous dit:  » Ma maman m’a dit que lorsqu’elle était enceinte, mon grand père a reçu une calebasse de dolo (bière local) comme cadeau. Et il a fait la promesse que sa belle fille est enceinte et lorsqu’elle va enfanter, si c’est une fille ce sera une récompense. Donc à quatre ans , on m’a donné en mariage, mais je ne savais pas. Il a fallu seize (16) ans pour que je comprenne. Quand j’ai appris cela, j’ai pris la fuite pour me retrouver ici .

Clarisse rend grâces au centre pour les bienfaits

Justine, elle, a reçu des coups et blessures de la part de son père : Mon géniteur m’a frappé et blessé. J’ai fait des semaines avec un coup tordu. Je n’arrivais pas à bien tourner mon coup ni manger quelques choses. Pour moi, ce fut inimaginable de croire qu’un père puisse faire cela à sa fille. Aussi, après que j’ai refusé d’arrêter mon école pour me donner à cet homme, mon père a chassé ma mère et mes autres sœurs. Il a refusé de payer ma scolarité et celle de mes sœurs. Ce que je demande à Dieu, c’est de m’aider à réussir afin de prendre soin de ma mère et mes sœurs, car leur souffrance est ma souffrance. Elle continue : « quand je suis dans ce centre, et je pense à ma maman, je pleure souvent »
Agnès une autre fille affirme qu’elle devrait être la coépouse d’une femme mariée à un septentrionnaire : » mon grand père m’a dit d’aller comme deuxième épouse d’un homme, et j’ai refusé. Grâce au centre, je suis sauvé. Ma formation en couture est presque finie. Ce que je demande c’est le matériel pour ouvrir mon propre atelier. »

Dans la région du Centre Nord, le mariage forcé a la peau dure

Si le centre Maria Goretti reçoit les jeunes filles de cette pratique depuis 1952, force est de constater que de nos jours, le mal persiste.
La sœur directrice ne cache pas son inquiétude sur l’évolution du phénomène: « depuis la création du centre, nous avons accueilli plusieurs filles. D’autres sont mariées aujourd’hui. D’autres ont une vie stable. Mais ce qui nous inquiète, c’est la persistance du phénomène. Il n’arrive pas plus de six mois, sans qu’on ne soit alerté de ces cas. On ne sait pas à quand la fin de cette pratique » poursuit sœur Véronique.

Les filles internées reçoivent des formations

En parcourant le centre nous avons vu qu’au delà de méditer sur leur sort, ces jeunes filles travaillent. Parmi elles, il y en a une dizaine qui ont repris le chemin de l’école. Certaines bénéficient de la formation en tissage, couture ou la coiffure.
D’autres font également la maraîcheculture.
Pour la sœur directrice, c’est leur contribution à l’éducation de ces jeunes filles : » Ce sont nos enfants. Et en venant, ici, nous avons voulu leur apprendre plusieurs métiers afin qu’à leur sortie, elles ne soient pas bredouille. C’est aussi notre manière d’apporter l’éducation nécessaire.

Annie espère reprendre son cursus scolaire interrompu

Éduquer une centaine de filles n’est pas aisée

En débit de la bonne volonté des sœurs d’assurer un mieux être à ces jeunes filles, force est de constater que les difficultés subsistent. Pour la soeur, il y a beaucoup de difficultés : »
Quand les jeunes filles viennent les premiers moments, elles viennent sans vêtements. Nous sommes obligés d’aller payer pour elles.
Ensuite, sur le plan alimentaire, il y a beaucoup de bouches à nourrir, ce qui n’est pas simple » Elle poursuit : » certaines viennent avec des séquelles psychologiques, d’autres sont souvent malades. Nous sommes contraints de leur trouver des soins. Sur le plan socio-professionnel quelques difficultés existent également notamment le matériel d’atelier après leur formation. Nous sommes à bout de souffle malgré notre volonté. C’est pourquoi nous sollicitons les bonnes volontés qui souhaitent venir à notre aide, de ne pas hésiter, car nous faisons ce que nous pouvons, mais nos moyens sont limités, foi de la sœur directrice du foyer.

Les témoignages de ces filles ne sont pas complets au regard de leur nombre. Toutefois, il importe d’affirmer que ce centre est un avantage pour notre société, car il a sauvé plusieurs filles, dont les anciennes pensionnaires forment aujourd’hui une association dénommée sainte Maria Goretti. Nous pensons que ce phénomène nous interroge tous sur le regard que la société a sur la femme. Il nous faut changer de paradigme car éduquer une jeune fille c’est éduquer toute une nation.

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