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Flux financiers illicites en Afrique: Les pertes plus élevées que l’aide au développement

L’impact des flux financiers illicites sur les économies africaines et burkinabè en particulier a fait l’objet d’une étude réalisée par le Centre d’études et de recherche appliquée en finances publiques, en collaboration avec l’ONG OXFAM. Il ressort qu’à travers ce fléau, l’Afrique perd des ressources que l’aide au développement lui rapporte.

Les Flux financiers illicites (FFI) sont un phénomène mondial qui impactent négativement le développement des pays, en l’occurrence les plus pauvres. Les FFI se définissent comme étant de l’argent reçu, transféré ou utilisé de façon illégale. Ils proviennent généralement de l’évasion fiscale, la falsification des factures dans le commerce international, des prix de transfert abusifs, des activités criminelles organisées telles que le trafic des drogues, la traite des personnes, le commerce illégal d’armes, le blanchiment des capitaux, le terrorisme, la contrebande, la corruption active et la concussion de fonctionnaires corrompus. La société civile s’attaque de plus en plus à ce fléau.

Le Centre d’études et de recherche appliquée en finances publiques, avec l’accompagnement de l’ONG OXFAM, a réalisé en août 2021, une étude sur l’ampleur et l’impact des FFI sur les économies de l’Afrique et du Burkina Faso en particulier. L’étude vise à mettre en lumière les pertes des ressources budgétaires liées au phénomène des flux financiers illicites, susciter des débats publics sur la question, proposer des mesures de mitigation et à influencer les décideurs pour des politiques fiscales justes. Il ressort du rapport que les FFI occasionnent des pertes énormes de ressources budgétaires pour l’Afrique.

« Les estimations les plus récentes de la Commission économique pour l’Afrique (CEA) indiquent qu’au cours de la période 2000-2015, les flux financiers illicites nets entre l’Afrique et le reste du monde se sont élevés en moyenne à 73 milliards de dollars US par an (prix de 2016), rien qu’en raison de la fausse facturation. Ce qui est sensiblement plus que le montant moyen de l’aide publique au développement reçue chaque année par l’Afrique durant la même période.

Actuellement, on estime que l’Afrique perd plus de 50 milliards de dollars par an du fait des flux financiers illicites alors qu’elle a reçu sur la même période, 46 milliards de dollars au titre de l’aide au développement », indique le rapport.

Le Burkina perd 1,58 milliard F CFA par an

Toujours selon cette étude, les multinationales transfèrent chaque année 2,8 millions de dollars américains du Burkina Faso vers les paradis fiscaux, soit l’équivalent de 1,58 milliard F CFA. Mais les chiffres sur les FFI sont loin de refléter la réalité.

Par définition illicite, les activités liées aux FFI, sont pour la plupart dissimulées et difficiles à repérer. Au niveau de l’exploitation minière artisanale, selon l’Institut national de la statistique et de la démographie (INSD), les 500 à 700 sites d’orpaillage au Burkina Faso produiraient 9,5 tonnes d’or par an ; cette production a généré en 2016, 232,2 milliards de FCFA en termes de revenus tirés de cette activité. Pourtant, l’étude du Centre d’études et de recherche appliquée en finances publiques (CERA-FP) a révélé que les acheteurs installés sur les sites ont acheté pour 66,3 milliards FCFA d’or représentant une quantité de 2,7 tonnes d’or.

« Ce qui suppose qu’il y a un écart de 6,8 tonnes d’or correspondant à 165,9 milliards FCFA d’or qui n’est pas acheté par les acheteurs présents sur les sites. Ainsi, le Burkina Faso perd plusieurs milliards francs CFA chaque année à cause de la fraude dans le secteur de la production artisanale de l’or », conclut le rapport. Il ressort que les FFI liés au secteur extractif en Afrique se chiffrent au minimum à 40 milliards de dollars américains et trouvent leurs sources dans la sous-facturation lors des exportations des produits extractifs, dont 77 % du secteur de l’or, 12% du diamant, 6% du platine et 5% des autres produits.

Le rapport fait également savoir que les exonérations fiscales, encore appelées dépenses fiscales en vigueur au Burkina Faso ont fait perdre au Trésor public environ 87 milliards F CFA en 2017, 68 milliards F CFA en 2018 et 76 milliards F CFA en 2019. Ces exonérations fiscales ont représenté en moyenne 6,99% des recettes fiscales pour la période 2017-2019 et sont constituées principalement de droits de douane, de taxes sur la valeur ajoutée et d’impôts sur les sociétés.

Les manœuvres des grandes sociétés

Le rapport indique également que les flux financiers illicites sont pratiqués pour la plupart par les grandes sociétés qui se livrent à des pratiques abusives en matière de prix de transfert, de facturation des transactions commerciales, de services et de biens immatériels, qui concluent des contrats inégaux, et qui donc sont à l’origine de flux financiers illicites.

Ces grandes entreprises, poursuit le rapport, exploitent le manque d’information et l’insuffisante capacité des administrations nationales pour susciter une érosion de l’assiette fiscale et se livrer à des activités de déplacement des bénéfices. L’évaluation précise qu’au Burkina Faso, les sociétés minières utilisent souvent les failles du dispositif fiscal pour, soit se soustraire du paiement de l’impôt, soit éroder la base d’imposition.

Elles procèdent alors par des opérations de paiements excessifs des frais de siège et d’assistance technique à leurs maisons-mères, ou/et à des versements excessifs d’intérêts sur des emprunts contractés auprès de la maison-mère ou de toute autre filiale du même groupe, souligne le rapport. Les conséquences économiques et sociales de ces fuites illicites de capitaux ont un effet dévastateur sur les pays africains.

« Au Burkina Faso, la baisse des recettes fiscales induites par les comportements inciviques des contribuables ralentit forcément les investissements de l’Etat dans des domaines tels que la santé, l’hygiène, l’éducation, l’alphabétisation, la sécurité sociale, l’allocation des bourses d’études », souligne l’étude. Sans oublier son impact négatif sur l’affaiblissement de la gouvernance, la dépendance de l’aide extérieure, la lutte contre le terrorisme. Face à ces conséquences désastreuses des flux financiers illicites, les évaluateurs ont formulé des recommandations.

Il s’agit, entre autres, du renforcement de la législation fiscale et minière, notamment de la limitation des frais de siège et d’assistance technique versés à la maison-mère à 10% des frais généraux, la limitation de la déduction des commissions ou courtages portant sur les marchandises achetées pour le compte d’entreprises exploitées au Burkina Faso à 5% du montant des achats effectués par les centrales d’achats ou les intermédiaires. L’étude a également recommandé l’application effective de la loi anti-blanchiment des capitaux, la rationalisation des mesures fiscales dérogatoires, le renforcement de la transparence dans le secteur minier.

Mahamadi SEBOGO

Windmad76@gmail.com

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