Mon voisin a pris un nouveau chien et il veut l’appeler WAGNER ! Je ne sais pas pourquoi je parle de cela mais je trouve qu’il exagère quand même un peu. Je lui ai fait d’autres propositions de prénoms plus en vogue mais, il m’a dit que sa décision était irrévocable. Comment peut-on appeler son chien Wagner sur un coup de crise de nerf du nerf vague et au moment même où on a le vague à l’âme ? J’ai vite dis voisin, pas de vague, point de nerf ! Il m’a dit qu’il voulait un chien très enragé, pardon, un chien très engagé pour tenir la dragée haute. Son premier chien était un adoré berger allemand au pelage doré. Quand il aboyait, c’était comme un lion qui rugissait. Son simple regard faisait fuir son vis-à-vis et les autres chiens du quartier n’osaient même pas aboyer sur la même gamme que lui. Il s’appelait Boby « Boby la terreur » et c’est d’ailleurs grâce à Boby que ma locale femelle a eu sa portée de chiots métis.
Quand Boby sortait chaque soir pour sa traditionnelle promenade, c’était une véritable parade d’élégance. Tout le quartier sortait pour l’admirer pendant que les autres chiens s’effaçaient de son sillage, la queue entre les pattes. Boby pissait son arrogance sur tous les arbres et les murs comme pour marquer son territoire et rappeler à ses semblables canidés sans queue qu’il était le seul maître des lieux. Et puis pendant la saison de la monte, Boby se jouait le ponte dans la meute des cocus vagabonds qui bavaient de honte et de rage. Ah, Boby a fait son temps ! Quand j’ai demandé de ses nouvelles à mon voisin, il n’a pas daigné piper mot. Mais je voyais sur son visage un poil de malaise sur un front de dépit. Mais finalement, il me répondit que Boby jouait à Iron Biby, mais en vérité c’est un tigre en papier qui a peur de sa propre silhouette et n’a jamais bondi sur une vraie cible. Mais voisin, il nous tenait tous en respect ton Boby ! « Oui mais ce n’était qu’un impressionnant leurre sans valeur. Il n’a jamais eu un seul heurt avec un malfaiteur. Il ne se passe pas une semaine sans qu’un voleur ne visite ma demeure. Quand je pense à ce qu’il me coûtait par mois et à ce que son incapacité m’a fait perdre, je préfère nos lévriers locaux ». Mon voisin parlait de son chien comme on parle d’un ami d’enfance, d’un partenaire ou d’un coéquipier. Il se sentait abusé et trahi par un animal qu’il a acheté à prix d’or et qu’il a entretenu plus et mieux que son propre parent.
Ce chien faisait partie des siens et il tenait à ce lien plus qu’à ses biens. Boby n’était pas qu’un chien. C’était le meilleur ami du voisin. Il faisait partie de la famille et était traité comme tel. Sa niche était un cocon douillet de confort qui insultait sans remords la pauvreté du voisinage. Son régime alimentaire n’était pas un sommaire bol de ratatouille rudimentaire. Des boulettes de croquettes aux pâtés fourrés de délices en passant par les spécialités importées, Boby avait sa propre cuisine. Sa santé était plus une priorité qu’une simple formalité de routine. Mais entre nous, à quoi sert un véloce chien baraqué qui aboie sans mordre ? Le chien est le meilleur ami de l’homme, mais à quoi sert l’amitié qui ne prémunit pas de l’inimitié ? Un fidèle compagnon veille et surveille les arrières de son ami. Bref, depuis que Boby a perdu sa place dans le cœur et la cour du voisin, c’est un lévrier sahélien élancé et athlétique qui prend la garde devant la porte. Son pelage sombre gris bariolé lui sert de camouflage naturel et il est tellement discret qu’il mord avant d’aboyer. Lui, il ne se complait pas dans des marches d’exhibition en laisse. Chaque nuit, il fait le guet à la porte et patrouille même en solitaire dans le quartier. C’est une véritable terreur taillée sous une fourrure d’agneau. Depuis qu’il est là, le bled est à l’abri des racailles de la plèbe ; le quartier dort en paix et le voisin ronfle parfois la porte ouverte. Boby aura certainement compris qu’il ne suffit pas d’être présent mais de valider sa présence. Il ne suffit pas d’être un ami, il faut le prouver et la meilleure preuve d’amitié repose sur la sincérité. Rien ne sert d’aboyer, il faut mordre ! Rien ne sert de se contenter d’être l’ami, il faut traquer l’ennemi de l’ami. Rien ne sert de ruser avec la mention « Attention, chien méchant ! » ; parfois il suffit d’avoir du nerf pour compenser le nerf de la guerre et survoler la guerre des nerfs des nervis démunis tout en surfant sur les vagues qui apaisent les nerfs. Le chien de mon voisin s’appelle Wagner !
Clément ZONGO
clmentzongo@yahoo.fr
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