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<p>Le lieutenant-Colonel Paul-Henri Sandaogo DAMIBA, 41 ans, président du Mouvement Patriotique pour la Sauvegarde et la Restauration (MPSR), a pris le pouvoir au Burkina Faso, à la suite d&rsquo;un coup d&rsquo;Etat perpétré le lundi 24 janvier 2022. Soldat de terrain, identifié comme spécialiste de la lutte anti-terroriste, il est connu pour avoir combattu aux fronts Nord et Est du Burkina Faso. <br />
Hier, le jeune président du MPSR, Chef de l&rsquo;Etat, a livré son tout premier discours à la Nation burkinabè. Je vous propose ici une analyse, à ma sauce bien particulière, de ce court discours inaugural de la nouvelle page politique qui s&rsquo;ouvre au Burkina Faso avec sa part de nombreux inconnus.</p>
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<p>â D&rsquo;abord notons sur le plan formel :</p>
<p>Une utilisation significative des verbes d&rsquo;action et des verbes dits performatifs (qui expriment des actes par et dans le langage), soit en tout 60,8% des verbes convoqués dans ce discours. On reste là dans la tonalité habituelle des discours politiques ;<br />
Un usage massif des modalisations d&rsquo;intensité (49,4% des modalisations : « tout », « tous », « chèrement », « encore plus », « également », « autant », « plus », « chaque », « surtout » …) dont la fonction est de dramatiser le discours pour le rendre plus impactant, persuasif. Là non plus, il n&rsquo;y a pas véritablement de surprise. Notons tout de même que ce discours n&rsquo;est pas significativement anti-orienté (les modalisations de négation ne représentent que 10,4% des sept types de modalisations possibles) ;<br /> Un usage significatif des adjectifs dits « objectifs » (49,4% des adjectifs : « nouveau », « unique », « durable », « inclusif », « individuel », « collectif », « publique », « progressif » …) ET des adjectifs dits « subjectifs ! » (57,5% des adjectifs : « cyniques », « lâches », « perfides », « acharnée », « triomphale », « prospère », « désintéressée », « sincère », « intraitable », « égoïstes », « nombreuses », « paisible » …). La prégnance des adjectifs subjectifs, dont le rôle est d&rsquo;exprimer un jugement de valeur ou une réaction émotionnelle, est ici une petite surprise quand on sait que le locuteur est un officier d&rsquo;élite endurci. On ne va pas se plaindre que ce discours soit, de ce point de vue, incarné et porte un souffle humain. <br /> Enfin, le discours du Lt-Colonel DAMIBA projette dans l&rsquo;univers du « NOUS » générique, nettement plus que dans l&rsquo;univers du « JE ». L&rsquo;intention d&rsquo;identification et de totalisation (à ne pas confondre avec totalitarisme) politique est ainsi manifeste. Comme dirait un frère (Sid-Lamine SALOUKA, pour ne pas le nommer), « pourvu qu&rsquo;il n&rsquo;oublie pas ce « NOUS » en chemin). Toutefois, si on regarde de plus près (voir graphique joint), on s&rsquo;aperçoit que le « NOUS » est ici plus un « NOUS possessif » (notre, nos) qu&rsquo;un « NOUS pronom personnel » sujet des verbes d&rsquo;action. En revanche, le « JE pronom personnel » sujet des verbes est plus utilisé que le « JE déterminant possessif : ma, mon, mes, …). Ce « JE sujet actif » est même nettement plus martelé que le « NOUS sujet actif ». Il y a donc là, avec l&rsquo;usage significatif des adjectifs subjectifs et des modalisations d&rsquo;intensité ci-dessus évoqué, comme une intention d&rsquo;indiquer la présence du locuteur et son implication/engagement personnel-le dans ses énoncés, peut-être pour marquer son autorité à l&rsquo;occasion de ce discours inaugural.</p>
<p><span class="spip_document_9327 spip_documents spip_documents_left"><br />
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<p>â Faisons un pas en direction des univers de références sémantiques structurantes du discours du Lt-Colonel DAMIBA.<br />
D&rsquo;abord notons la prépondérance du groupe de référence sémantique générique « Burkina, Nation, Peuple », objet de toute l&rsquo;attention du locuteur. A lui seul, il compte 63 occurrences dans le discours. Ce groupe est lesté du « NOUS possessif ». Typiquement : « notre pays le Burkina Faso », « notre peuple », « nos populations », « nos concitoyens », « nos compatriotes ». Le président Roch Marc Christian Kaboré et ses différents premiers ministres successifs mettaient de la même façon ce groupe de référence sémantique au cœur de leurs discours.<br />
Les autres références sémantiques structurantes du discours sont données dans le graphique ci-joint. Je n&rsquo;ai retenu que celles qui apparaissent au moins deux fois dans cette courte allocution du Lt-Colonel DAMIBA. Ces références peuvent être regroupées en trois champs sémantiques :</p>
<p><span class="spip_document_9328 spip_documents spip_documents_left"><br />
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<p> Le champ sémantique du redoutable défi sécuritaire : « sécurité », « force », « défense », « armée », « volontaire », … Dans ce domaine, le spécialiste de la lutte antiterroriste qu&rsquo;est le Lt-Colonel DAMIBA a eu ce propos lucide et mobilisateur qu&rsquo;il convient de rappeler : « Au-delà des indispensables moyens logistiques, il nous faudra faire appel aux valeurs qui ont fait de notre peuple ce qu&rsquo;il est. Aucun char, aucun avion de chasse, aucune arme ne vaut l&rsquo;amour pour la Patrie. Ma conviction est faite que c&rsquo;est cet amour qui fera la décision et qui nous ferra gagner cette guerre. J&rsquo;appelle toutes les composantes des Forces de Défense et de Sécurité et les Volontaires pour la Défense de la Patrie à se mettre en ordre de marche pour la reconquête de notre territoire. Dans l&rsquo;union et la cohésion, et avec le soutien de tout le peuple Burkinabè, j&rsquo;ai foi que nous relèverons ce défi. »<br /> Le champ sémantique de l&rsquo;orientation de l&rsquo;action esquissée par le Lt-Colonel DAMIBA : « refondation », « restauration », « sauvegarde », « redressement ». Les termes « restauration » et « sauvegarde » ont pu inquiéter, mais la précision est venue. Il s&rsquo;agit de « la restauration de l&rsquo;intégrité de notre Burkina Faso et la sauvegarde des acquis de notre peuple chèrement acquis. » Plus loin, il est dit : « Notre agenda est unique et il est clair : la sauvegarde de notre peuple et la refondation de notre Nation. Les indicateurs de mesure de la réalisation de cet agenda demeureront le niveau de restauration de l&rsquo;intégrité du territoire et la qualité des actions entreprises pour la refondation de notre Nation. » Ou encore : « Les fondements de notre Nation seront sauvegardés et les dossiers engagés sur le plan judiciaire seront souverainement conduits par les autorités ayant reçu compétence à cet effet. »<br /> Enfin, le champ sémantique très important de la psychologie et de la morale de l&rsquo;action : « détermination », engagement », « courage », « amour », « main dans la main », « ensemble », « sacrifice », « respect », « valeur », « désintéressement », « effort », « exigence », « défi », « référence à l&rsquo;hymne de la victoire », « référence à l&rsquo;histoire » …<br />
â Vous l&rsquo;aurez remarqué, c&rsquo;est un discours qui passe « sous silence » le champ économico-financier et social. Aucune indication programmatique précise dans ces domaines. Cela viendra peut-être plus tard. Ou faut-il y voir une intention plus ou moins manifeste de circonscrire l&rsquo;agenda et le périmètre d&rsquo;action du MPSR ? L&rsquo;avenir nous le dira.</p>
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<p>Ousmane SAWADOGO, Consultant Text Analytics &; Analyse sémantique<br />
Kaceto.net</p>
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