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« Je suggère au MPSR d’ouvrir la voie de la réconciliation en autorisant le retour des exilés politiques » (Léonce Koné).

Le président du Conseil Exécutif du mouvement Rupture positive RP/3R, Léonce Koné analyse le discours du président du MPSR à la nation le 27 janvier dernier.

J’ai relu le texte de ce discours à tête reposée et je dois dire qu’il m’a laissé une meilleure impression que lors de sa première écoute. Cela est compréhensible, parce que les attentes et les questionnements des burkinabè au sujet du MPSR sont nombreux et variés. Et je crois qu’en voulant aborder tous ces sujets, sans les approfondir, le discours a pu créer un sentiment d’imprécision. Sur la forme, j’ai apprécié le ton engagé et déterminé du chef du MPSR, notamment pour ce qui a trait à la mobilisation de la Nation et de l’armée dans la lutte contre le terrorisme. On peut regretter qu’il ait été un peu rigide et statique dans son attitude et dans son phrasé. J’ai vu un commentaire amusant mais justifié dans lequel il lui était reproché de n’avoir pas su faire un bon usage du téléprompteur, en restant naturel. Mais c’était sa première intervention et ses prédécesseurs ne nous ont pas habitués à de meilleures prestations oratoires. Sauf Thomas Sankara… et Maurice Yaméogo, si on remonte plus loin et cela peut même aller jusqu’à Ouezzin Coulibaly. Mais ceux-là avaient incontestablement un don naturel de la parole, qui n’est pas offert à tout le monde. Donc on peut dire qu’il a une marge de progrès sur ce plan, si on veut se montrer taquin. Cet aspect a l’air secondaire, mais il n’est pas négligeable, parce que c’est ce qui fait que la parole d’un leader dans les situations graves inspire confiance ou pas. On se souvient que sous la gestion précédente, les actes comme les paroles n’inspiraient que de la défiance.

Sur le fond, qui est l’aspect le plus important, le contenu du discours me semble positif, en ce sens qu’il est annonciateur d’une meilleure gestion de la crise multiforme que traverse notre pays. J’y ai vu d’abord l’affirmation ferme d’un nouvel engagement de nos forces armées dans la guerre contre le terrorisme. A force de voir les terroristes contraindre l’Etat à déserter des zones de plus en plus vastes de notre territoire, nous en étions arrivés à désespérer de la capacité de nos unités de défense et de sécurité à faire face à cette situation, malgré les pertes évidentes qu’elles subissaient sur le terrain. Le Président du MPSR dit avoir pris conscience de l’ampleur de ses responsabilités et de l’exigence des burkinabè, en promettant de remobiliser toutes les franges de l’armée pour reconquérir et défendre le territoire national. Il prend le risque (naturel au demeurant) de rendre le peuple burkinabè juge du respect de cet engagement, en précisant que le succès de l’action militaire du MPSR pourra être évalué sur un indicateur précis : le niveau de la reconquête des territoires perdus. Cela n’a l’air de rien, mais c’est un changement fondamental par rapport à l’approche du régime déchu, qui nous promettait un « changement de paradigme », en prenant prudemment un engagement sur l’objectif, mais pas sur le résultat ! Ce que dit le MPSR est le signe du courage, de l’audace et de l’engagement patriotique dont le pays a besoin dans les circonstances actuelles.

Il ressort aussi du discours que le MPSR adoptera une démarche de réconciliation, de recherche de l’unité nationale qui inclut même les membres du régime sortant. Cela ne manquera pas de faire grincer des dents, mais c’est leur choix, avec lequel je suis d’accord a priori. On ne peut pas faire de réconciliation solide et durable en disant qu’elle concerne tout le monde, sauf un tel et tel autre qui doivent être bannis du consensus national. Je ne suis pas mécontent que cette approche inclusive des nouveaux dirigeants montre aux tenants de la précédente transition et à leurs suivants que l’on pouvait faire autrement. Cela dit, le monde politique étant ce qu’il est, je ne doute pas que les responsables du MPSR sauront prévenir et contrecarrer les tentatives de noyautage. Le Président du MPSR a eu raison de se montrer lucide et ferme à cet égard, en prévenant qu’il serait « intraitable » face à ce type de manœuvres.

On a beaucoup spéculé sur le terme de « restauration » qui figure dans la dénomination du nouvel organe dirigeant de notre pays. Certains se sont empressés d’y voir l’annonce d’un retour possible de l’un ou l’autre des régimes qui ont dirigé antérieurement le Burkina Faso. Il est clair maintenant que telle n’est pas l’intention du MPSR et que la restauration dont il s’agit concerne les valeurs, les vertus et les principes sur lesquels doit reposer la vie de la Nation : la sauvegarde du territoire national, l’intégrité dans la vie sociale et dans la gestion publique, le désintéressement, la cohésion nationale, le courage, etc. Au moins les dirigeants du MPSR auront appris qu’en politique certains mots doivent être utilisés avec prudence, si on ne veut pas enflammer les esprits sur de simples quiproquos.

J’ai noté aussi la volonté du MPSR de promouvoir l’unité et la cohésion des burkinabè, tout en préservant l’indépendance de la justice dans la poursuite et le règlement des dossiers judiciaires à caractère politique qui sont en cours. On ne peut qu’approuver cette démarche. Quoique, pour changer des professions de foi en faveur de la réconciliation qui ont été multipliées par le régime précédent, sans être suivies d’aucune action décisive, j’aurais aimé voir quelques signes tangibles montrant la détermination du nouveau pouvoir d’agir dans ce sens. L’unité, la cohésion, la réconciliation doivent cesser d’être utilisés comme des mots qui servent à embellir un discours, tandis que leur réalisation est reportée aux calendes voltaïques (étant admis que la Haute Volta a cessé d’exister !). Pour aller droit au but, je suggère au MPSR d’ouvrir la voie de la réconciliation en autorisant le retour des exilés politiques et la libération des prisonniers politiques dont les cas ont déjà été jugés, afin que ces fils et filles du Burkina Faso apportent leur pierre à l’effort collectif de résistance et de redressement du pays. Cela est encore plus nécessaire pour ceux de ces compatriotes qui ont la capacité de contribuer à la lutte armée et dont rien ne permet de mettre en doute la volonté de servir la patrie en danger. De telles mesures ont été prises au Mali et en Guinée, sans que ces pays aient eu à en pâtir, bien au contraire.

Enfin, je me réjouis de l’esprit de responsabilité avec lequel le Président du MPSR a abordé la question cruciale de l’organisation de la période de transition qui précèdera le retour du pays à un régime constitutionnel normal. Quelles que soient les préventions (souvent justifiées) que l’on peut avoir concernant nos systèmes électoraux et les pratiques qui en découlent, il me semble aller de soi que la volonté commune des démocrates est que notre pays revienne, aussi rapidement que possible, à des institutions politiques dont la légitimité et la légalité sont fondés sur un processus électoral libre, transparent, inclusif et crédible. Le Président du MPSR a prévu de consulter les forces vives de la Nation (dont la composition reste à définir) pour arrêter les modalités de cette transition. Et il a souhaité que celles-ci soient raisonnables, ce qui veut dire qu’elles doivent être jugées par l’opinion burkinabè comme répondant aux besoins actuels du pays, tout en étant approuvées également par nos partenaires et pays frères de la CEDEAO, en vertu des conventions sur le respect de la démocratie auxquelles nous nous sommes engagés dans le cadre de cette organisation.

Nous avons la chance (ou le malheur) d’avoir vécu une transition dans un passé récent, dont nous pouvons tirer des leçons. Nous connaissons les défis auxquels sont confrontés la Guinée et le Mali qui ont connu avant nous un changement de régime brutal. Nous connaissons l’environnement sous-régional et international dans lequel s’inscrivent tous ces évènements. Tous ces facteurs devraient nous permettre de définir les contours d’une transition acceptable pour tous, en faisant l’économie d’un nouveau psychodrame qui s’ajouterait aux difficultés que connaît déjà notre pays.

Je crois que les premières décisions de la CEDEAO concernant le Burkina Faso sont « raisonnables ». Certes, elles condamnent le changement de régime anti-constitutionnel intervenu dans le pays et suspendent sa participation aux instances de l’Organisation. Mais ce qui est important c’est ce qu’elles ne disent pas. Elles ne mettent pas le pays au ban des Nations, ne demandent pas le retour de celui-ci aux institutions antérieures et ne prononcent pas de sanctions économiques. Les voies de la négociation et de l’entente demeurent donc ouvertes, pour peu que nos propositions soient elles-aussi raisonnables. Pour ma part, je ne vois pas l’utilité d’aborder cette discussion dans un esprit antagoniste, avec la volonté d’en découdre avec la CEDEAO. J’entends les critiques qui sont faites à cette organisation, y compris sur les questions qui ont trait au respect de la démocratie. Elles sont souvent justifiées. Mais ce dont nous avons besoin aujourd’hui, c’est de maintenir de bonnes relations de coopération avec nos voisins, afin d’unir nos efforts dans la lutte contre le terrorisme, avant de continuer à marcher sur le chemin de l’intégration. Nous devons garder à l’esprit que notre expérience d’intégration, qui a été longue à se consolider, est la plus avancée sur le continent et elle reste la voie la plus réaliste vers l’idéal d’unité africaine.

Voilà en gros les réflexions que m’inspire la déclaration du Président du MPSR. Je m’excuse d’avoir été long. C’est ce qui arrive quand on interroge des politiciens, encore que je n’aime pas être assimilé à ce terme, mais je suppose que c’est ainsi que vous me voyez.

Léonce Koné, Président du Conseil Exécutif du mouvement Rupture positive RP/3R

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