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Propriété intellectuelle : « Le Burkina Faso fait partie des pays qui demandent le plus de titres de protection de marques », Dr Issoufou Kaboré

Il fait partie des nombreux Burkinabè qui travaillent dans des institutions africaines ou internationales. Dr Issoufou Kaboré est actuellement le directeur des marques et autres signes distinctifs de l’Organisation africaine de propriété intellectuelle (OAPI). Il vit depuis 2004 à Yaoundé, dans la capitale camerounaise. Dans cette interview, il parle de ses activités et se prononce également sur le coup d’Etat du 24 janvier 2022 qui a mis fin au régime de Roch Kaboré.

Lefaso.net : Pouvez-vous, vous présenter à nos lecteurs ?

Je suis Dr Issoufou Kaboré. J’ai fait des études en chimie couronnées par un PHD. J’ai aussi un diplôme de l’Université de Strasbourg en droit des brevets. A l’OPI, je suis l’un des premiers diplômés en droit des brevets. Je suis aujourd’hui en charge de la direction des marques après avoir occupé plusieurs postes à l’OAPI.
Je suis au Cameroun depuis 2004

Vous êtes en charge de la direction des marques. Quelles sont vos missions ?

La direction des marques couvre aussi les indications géographiques, les dessins et modèles industriels. Lorsqu’on parle des dessins et modèles industriels, normalement c’est connu au Burkina Faso puisqu’il y a le Faso Dan Fani qui est l’objet de demande de protection en termes de marques collectives. La direction s’occupe aussi des noms commerciaux. Nous nous assurons que tous les titres délivrés sont enregistrés dans les conditions de fonds et de formes juridiques. Notre direction est principalement chargée de préparer et d’enregistrer les titres tels que les marques, les indications géographiques, les noms commerciaux, les dessins et les modèles industriels.

Le Burkina a entrepris depuis quelques temps la protection de certains titres et marques, qu’en est-il actuellement ?

Il y a effectivement quelques activités au Burkina depuis quelques temps. Je n’ai pas les statistiques ici. Mais il faut noter effectivement que l’intérêt pour la protection de la propriété intellectuelle est croissant au Burkina Faso. La preuve en est que nous avons enregistré le chapeau de Saponé en 2021. Il était également prévu que dans le cadre du SICOT (Ndlr, Salon international du coton et du textile dont l’édition 2022 devait se tenir les 27 et 28 janvier 2022 à Koudougou), cet enregistrement soit officiellement remis aux autorités mais avec les derniers évènements la remise est reportée à une date ultérieure.

Dans le domaine des indications géographiques, il faut noter qu’un travail est en train d’être fait au niveau national. Il y a certes eu le chapeau de Saponé mais le koko dunda, le beurre de karité et le poulet bicyclette font également l’objet de protection en marques collectives. Nous avons également reçu des demandes de brevets du Burkina Faso. Il y en a pour le jatropha et ses produits dérivés et des objets mécaniques. Le Burkina Faso fait déjà beaucoup mais il reste encore à faire. Dans le domaine de la valorisation des résultats de la recherche, il est vrai qu’il y a l’ANVAR au Burkina (Ndlr, Agence nationale de valorisation des résultats de la recherche et des innovations) mais on devait avoir plus de demandes de protection de produits de recherche.

Dix-sept pays sont aujourd’hui membres de l’OAPI, quelle place occupe le Burkina dans cette structure ?

Il est un peu vaste de parler de la place du Burkina à l’OAPI. Mais il faut noter que le Burkina assure cette année la présidence du Conseil d’administration. En termes de demande de protection, le Burkina Faso fait partie des 10 pays qui demandent le plus de titres. Il existe trois pays phares que sont le Cameroun, la Côte d’Ivoire et le Sénégal mais après eux, on a des pays comme le Burkina Faso.

Comment se font les demandes de protection ?

Le Cameroun est le pays d’accueil de l’OAPI. Nous traitons et enregistrons toutes les demandes de brevets de titres, de dessins et modèles industriels. Nous sommes en fait le centre de l’activité. Une fois que c’est enregistré, on envoie aux titulaires leurs droits, leurs certificats. Le Cameroun n’est pas particulièrement plus avantagé que les autres en termes de droits. Il est vrai qu’en tant que pays hôte, il jouit de quelques avantages. Je pense notamment au personnel qui est composé de près de 90% de Camerounais.

Des conflits naissent souvent autour de certaines marques. Quels en sont les principaux ?

Après l’enregistrement de la marque, on peut effectivement aller à une opposition sur le plan juridique. Quelqu’un peut s’opposer à l’enregistrement d’une marque parce qu’il l’utilise. Il y a quelques années, un conflit avait opposé Brafaso (une société burkinabè de brasserie) à TOP. La firme camerounaise l’avait remporté et Brafaso n’était plus autorisé à utiliser la marque TOP. Les conflits sur les marques se règlent généralement sur le plan juridique. Une fois que l’édition du « DG » est prise, enregistrée et publiée, celui qui veut s’opposer peut saisir la juridiction supérieure de recours pour qu’elle statue. Je peux dire que nous avons actuellement la chance parce que beaucoup de magistrats sont formés en propriété industrielle et peuvent statuer sur ces questions.

Est-ce que vous jouez un rôle spécifique de protection de droits pour le Burkina ?

C’est trop de dire que je travaille spécifiquement pour le Burkina Faso. Dès qu’on est à l’OAPI, on travaille pour les 17 Etats membres. Mais on peut être sollicité pour intervenir rapidement afin de régler certains problèmes qui sont à notre portée. Si on doit travailler spécifiquement pour le Burkina, ce ne sera pas intéressant pour le système.

Au lendemain du Coup d’Etat au Burkina, le Lieutenant-colonel Paul Henri Sandaogo Damiba a pris le pouvoir. Quelle analyse faites-vous cette situation depuis le Cameroun ?

Je suis l’actualité du Burkina à travers la presse burkinabè qui relaie les informations. A partir de cette presse, j’ai pu suivre l’évolution politique depuis l’insurrection jusqu’à maintenant. Je salue déjà le fait que ce soit passé sans effusion de sang. Je prie que ce nouveau lever de soleil soit le meilleur pour le Burkina Faso. Je me rappelle, qu’en 1983 avec l’avènement du CNR de Thomas Sankara, nous avions jubilé et malheureusement cela a été de courte durée. Avec l’insurrection, nous avions également jubilé.

Aujourd’hui nous sommes encore là mais c’était peut-être indépendant des gouvernants parce que le terrorisme a été le principal facteur de ces évènements. J’ai suivi le discours du président du MPSR et je souhaite que pour une bonne fois, on aille dans la bonne direction. Il a parlé d’intégrité dans son discours et je crois qu’on a besoin de cela actuellement au Burkina. Il aura besoin de mettre l’accent sur la bonne gouvernance, la bonne gestion du denier public afin que cela soit comme une culture pour le peuple burkinabè. Surtout qu’à la fin de son discours, il a dit « La patrie ou la mort nous vaincrons », j’ai su que tout a été dit. Il reste maintenant à s’unir pour atteindre les objectifs communs.

Vous appelez tout le monde à soutenir les initiatives de développement, serez-vous prêt à servir le Burkina si toutefois les nouvelles autorités vous faisaient appel ?
Je ne sais pas si je suis un bon politicien mais on ne va pas se débiner si on doit apporter notre contribution à la construction du Burkina Faso. Certains ont donné de leur vie pour le pays, s’il faut perdre des avantages pour la nation, je pense qu’il est nécessaire de le faire. Personnellement, je pense que ceux qui accepteront de participer à cette œuvre, devront accepter le faire sans calculs. Dans ce sens, nous sommes prêts à y aller mais si c’est pour des calculs politiciens, nous refusons d’y aller.

Jacques Théodore Balima
Lefaso.net

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