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Politique : le texte intégral de la Charte de la Transition

Débutées le matin du 28 février, les assises nationales sur la Transition se sont achevées au petit matin du 29 février par l’adoption de la Charte de la Transition et sa signature par le chef de l’Etat, Paul Henri Sandaogo Damiba. C’est désormais la boussole de l’action politique qui nous conduira aux prochaines élections et au retour de l’ordre constitutionnel.

CHARTE DE LA TRANSITION

PRÉAMBULE

Nous, Forces vives de la Nation ;

Nous fondant sur la Constitution du 02 juin 1991 ;

Considérant le péril auquel est exposée la Nation Burkinabè du fait de la dégradation continue de la situation sécuritaire depuis 2015 qui menace la souveraineté nationale, l’intégrité du territoire national et la survie de l’État ;

Considérant la détérioration de la cohésion sociale provoquée par la crise multidimensionnelle que connaît le Burkina Faso ;

Considérant les événements des 23 et 24 janvier 2022 ayant conduit à la démission du Président du Faso ;

Considérant la proclamation du Mouvement Patriotique pour la Sauvegarde et la Restauration du 24 janvier 2022, l’Acte Fondamental du 29 janvier 2022 et les actes subséquents ;

Considérant la nécessité d’une transition politique, démocratique, apaisée, inclusive, non partisane, et l’urgence de doter le Burkina Faso d’organes de transition afin de combler le vide institutionnel dans la conduite des affaires publiques ;

Tirant leçon de l’expérience politique de notre pays et engagées à construire un véritable État de droit ;

Prenant acte des propositions et recommandations des différentes composantes des Forces vives de la Nation ;

Considérant notre attachement au panafricanisme, aux valeurs et principes démocratiques contenus dans les instruments internationaux, ainsi que les autres engagements internationaux auxquels le Burkina Faso a souscrit ;

Conscientes de la nécessité d’un consensus national autour des priorités de la Transition, notamment la reconquête de l’intégrité du territoire national, le retour des personnes déplacées internes et la refondation de l’État ;

Considérant la nécessité d’un retour à une vie constitutionnelle normale ;

Approuvons et adoptons la présente Charte qui complète la Constitution du 02 juin

1991etdont le présent préambule est partie intégrante.

TITRE I : DES VALEURS, PRINCIPES ET MISSIONS DE LA TRANSITION

CHAPITRE I : DES VALEURS ET PRINCIPES

Article 1 : La présente Charte consacre les valeurs et principes pour conduire la Transition, que sont notamment :

le patriotisme, l’intégrité, la dignité ;
la discipline, le civisme, l’exemplarité ;
la justice , la vérité, l’impartialité ;
la tolérance, le pardon, la réconciliation ;
la solidarité, la fraternité, l’inclusion ;
la transparence, la responsabilité, la redevabilité ;
le sacrifice, le respect, l’humilité ;
le courage, l’amour du travail, le mérite ;
le dialogue, le consensus et la culture démocratique.

CHAPITRE II : DES MISSIONS DE LA TRANSITION

Article 2 : Les principales missions de la Transition consacrées par la présente Charte consistent à :

lutter contre le terrorisme, restaurer l’intégrité du territoire national et assurer la sécurité dans une dynamique participative, progressive et de consolidation ;
apporter une réponse efficace et urgente à la crise humanitaire et aux drames socioéconomiques et communautaires provoqués par l’insécurité ;
renforcer la gouvernance, la lutte contre la corruption et les infractions connexes par la mise en œuvre de réformes hardies requises dans tous les secteurs ;
assainir et refonder la vie politique en la débarrassant des dérives et pratiques contraires aux valeurs et principes ci-dessus cités ;
assurer un retour à une vie démocratique portée par une nouvelle République au service des idéaux et aspirations profondes du peuple ;
œuvrer à la réconciliation nationale et à la cohésion

TITRE II : DES ORGANES DE LA TRANSITION

Article 3 : Les organes de la Transition sont :

le Président de la Transition ;
le Conseil d’Orientation et de Suivi de la Transition ;
le Gouvernement de Transition ;
l’Assemblée Législative de transition

CHAPITRE I : DES DISPOSITIONS COMMUNES

Article 4 : Dans la composition des organes de la Transition, il sera tenu compte du genre.

Article 5 : Dans un délai de trente jours pour compter de leur prise de fonction, tous les membres des organes de la Transition, font une déclaration d’intérêts et de patrimoine conformément à la loi.

En cas de non-respect de cette formalité dans les délais requis, il est mis fin aux fonctions de l’intéressé par le Président de la Transition, sans préjudice des poursuites judiciaires.

Dans un délai d’un mois suivant la fin de la Transition et conformément aux textes en vigueur, une seconde déclaration écrite avec les justificatifs de l’augmentation éventuelle des patrimoines des membres des organes de la Transition est transmise aux institutions compétentes. Celle-ci est publiée au journal officiel.
CHAPITRE II : DU PRÉSIDENT DE LA TRANSITION

Article 6 : Le Président du Faso ayant prêté serment à la date du 16 février 2022 est le Président de la Transition.

Article 7 : Le Président de la Transition incarne et symbolise l’unité nationale.

Il veille au respect de la Constitution et de la Charte de la Transition. Ses pouvoirs et prérogatives sont ceux définis par la présente Charte et le Titre III de la Constitution du 02 juin 1991 à l’exception de ceux incompatibles avec la conduite de la Transition.

Article 8 : Le Président de la Transition est investi lors d’une cérémonie au cours de laquelle il reçoit les attributs de sa fonction.

Article 9 : Le Président de la Transition assure, par son arbitrage institutionnel, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État.

Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire national, de la sécurité des personnes et des biens sur l’ensemble du territoire national, et du respect des engagements internationaux.

Article 10 : Le mandat du Président de la Transition prend fin avec l’investiture du Président issu de l’élection présidentielle.

Le Président de la Transition n’est pas éligible aux élections présidentielle, législatives et municipales qui seront organisées pour mettre fin à la Transition.

La présente disposition n’est susceptible d’aucune révision.

Article 11 : En cas d’empêchement temporaire du Président de la Transition, ses pouvoirs sont provisoirement exercés par le Premier Ministre.

En cas d’empêchement absolu du Président de la Transition, par décès, démission ou incapacité définitive constatée par le Conseil constitutionnel , ses pouvoirs sont dévolus au Président de l’Assemblée Législative de Transition pour la durée restante de la Transition.

Avant d’entrer en fonction, le nouveau Président de la Transition prête devant le Conseil constitutionnel, le serment suivant :« Je jure devant le peuple burkinabè et sur mon honneur de préserver, de respecter, de faire respecter et de défendre la Constitution, la Charte de la Transition et les lois, de tout mettre en œuvre pour garantir la justice à tous les habitants du Burkina Faso ».

Au cours de cette cérémonie, le Président du Conseil constitutionnel reçoit la déclaration écrite d’intérêts et de patrimoine du Président de la Transition.

Le Président du Conseil constitutionnel transmet copie de ladite déclaration à l’Autorité Supérieure de Contrôle d’État et de Lutte contre la Corruption dans un délai de sept jours. Cette déclaration est publiée au journal officiel dans un délai de quinze jours.

Dans le mois suivant la fin de la Transition, le Conseil constitutionnel reçoit une seconde déclaration écrite avec des justificatifs de l’augmentation éventuelle de son patrimoine. Celle-ci est publiée au journal officiel.

Article 12 : Les fonctions de Président de la Transition sont incompatibles avec celles de membre de l’Assemblée Législative de Transition, avec l’exercice de toute autre fonction politique et juridictionnelle, de tout autre mandat électif, de toute fonction de représentation professionnelle.
CHAPITRE III : DU CONSEIL D’ORIENTATION ET DE SUIVI DE LA TRANSITION

Article 13 : Le Conseil d’Orientation et de Suivi de la Transition est l’organe de définition et d’orientation des questions de paix, de stabilité et de sécurité nationale. Il fixe les grandes orientations de la politique de l’Etat en la matière.

Il assure le suivi de la mise en œuvre des missions de la Transition.

Article 14 : Le Conseil d’Orientation et de Suivi de la Transition est composé de personnalités militaires et civiles du Mouvement Patriotique pour la Sauvegarde et la Restauration, et toute autre personne épousant les idéaux dudit mouvement et remplissant les conditions suivantes :

être de nationalité burkinabè ;
jouir de ses droits civiques et politiques et ne pas être dans un cas d’incapacité prévu par la loi ;
n’avoir jamais fait l’objet d’une condamnation pénale pour crime ou délit touchant à l’honneur et à la probité ;
avoir les compétences requises ;
être intègre, impartial et de bonne moralité.

Le Président de la Transition préside le Conseil d’Orientation et de Suivi de la Transition .

Une loi organique fixe la composition, l’organisation et le fonctionnement du Conseil d’Orientation et de Suivi de la Transition.

La présente disposition n’est susceptible d’aucune révision.
CHAPITRE IV : DU GOUVERNEMENT DE TRANSITION

Article 15 : Le Gouvernement de Transition est composé d’un Premier Ministre et de vingt-cinq ministres au maximum.

Le Premier ministre est une personnalité civile.

Article 16 : Le Premier Ministre est nommé par le Président de la Transition. Il exerce les prérogatives définies par la présente Charte par le Titre IV de la Constitution du 02 juin 1991, à l’exception de celles incompatibles avec la conduite de la Transition.

Article 17 : Le Premier Ministre et les autres membres du Gouvernement doivent remplir les conditions suivantes :

être de nationalité burkinabè ;
jouir de ses droits civiques et politiques et ne pas être dans un cas d’incapacité prévu par la loi ;
n’avoir jamais fait l’objet d’une condamnation pénale pour crime ou délit touchant à l’honneur et à la probité ;
avoir les compétences requises ;
être intègre, impartial et de bonne moralité.

Article 18 : Sur proposition du Premier Ministre, les membres du Gouvernement de Transition sont nommés par le Président du Faso.

Dans un délai de trente jours après la formation du Gouvernement, le Premier Ministre présente la feuille de route de la Transition devant l’Assemblée Législative de Transit ion. Cette présentation ne donne pas lieu à un vote.

Chaque semestre, le Premier Ministre fait le bilan de l’action gouvernementale devant l’Assemblée Législative de Transition .

Article 19 : Les fonctions de membre du Gouvernement de Transition sont incompatibles avec celles de membre de l’Assemblée Législative de Transition, l’exercice de toute autre fonction politique et juridictionnelle, de tout mandat électif, de toute fonction de représentation professionnelle.

Un décret présidentiel fixera un taux unique de rémunération des membres du gouvernement .

La présente disposition n’est susceptible d’aucune révision.

Article 20 : Le Gouvernement de Transition peut, pour l’exécution de son programme, demander à l’Assemblée Législative de Transition l’autorisation de prendre par ordonnance, pendant un délai limité ou en dehors des sessions, des mesures qui relèvent du domaine de la loi. Les ordonnances sont soumises à ratification à la session suivante.
CHAPITRE V : DE L’ASSEMBLEE LEGISLATIVE DE TRANSITION

Article 21 : L’Assemblée Législative de Transition est l’organe législatif de la Transition.

L’Assemblée Législative de Transition exerce les prérogatives définies par la présente Charte et au titre V de la Constitution du 02 juin 1991 à l’exception de celles qui sont incompatibles avec la conduite de la Transition.

Article 22 : L’Assemblée Législative de Transition est composée de personnalités qualifiées et compétentes, remplissant les conditions suivantes :

être de nationalité burkinabè ;
jouir de ses droits civiques et politiques et ne pas être dans un cas d’incapacité prévu par la loi ;
être âgéd’au moins vingt et un ans ;
n’avoir jamais fait l’objet d’une condamnation pénale pour crime ou délit touchant à l’honneur et à la probité ;
avoir les compétences requises ;
être intègre, impartial et de bonne moralité.

Article 23 : Un décret du Président du Faso fixera les émoluments et indemnités dus aux membres de l’Assemblée Législative de Transition.

La présente disposition n’est susceptible d’aucune révision.

Article 24 : L’Assemblée Législative de Transi tion est composée de soixante-onze membres répartis comme suit :

vingt et une personnalités désignées par le Chef de l’État ;
treize personnalités non affiliées à un parti ou mouvement politiques désignées par les forces vives des Régions, soit une par Région ;
huit personnalités représentant les partis et mouvements politiques dont deux de l’ex-Alliance des partis politiques de la majorité présidentielle, deux membres des partis du cadre de concertation autour de l’ex-Chef de File de !’Opposition Politique, deux de l’ex-Opposition Non Affiliée et deux des autres partis ;
seize personnalités représentant les Forces de Défense et de Sécurité ;
treize personnalités représentant les Organisations de la Société

Article 25 : L’Assemblée Législative de Transition adopte son Règlement intérieur et procède à la mise en place de ses organes.

Article 26 : Le Président de l’Assemblée Législative de Transition est élu par ses pairs

à la session inaugurale.

La fonction de membre de Bureau de l’Assemblée Législative de Transition est incompatible avec l’exercice de toute autre fonction politique et juridictionnelle, de tout autre mandat ou responsabilité au cours de la Transition.

Le Président de l’Assemblée Législative de Transition n’est pas éligible aux élections présidentielle, législatives et municipales qui seront organisées pour mettre fin à la Transition.

La présente disposition n’est susceptible d’aucune révision.

Article 27 : Les fonctions de membre de l’Assemblée Législative de Transition sont incompatibles avec celles de Président de la Transition, l’exercice de toute autre fonction politique, juridictionnelle et de tout autre mandat électif.

Article 28 : L’Assemblée Législative de Transition se réunit de plein droit chaque année en deux sessions ordinaires. La durée de chacune des sessions ne saurait excéder quarante-cinq jours.

Article 29 : L’Assemblée Législative de Transition se réunit en session extraordinaire à la demande du Président de la Transition sur un ordre du jour déterminé. La session extraordinaire est close sitôt l’ordre du jour épuisé sans toutefois excéder dix jours.
TITRE III : DE LA RÉVISION DE LA CHARTE DE LA TRANSITION

Article 30 : L’initiative de la révision de la présente Charte appartient concurremment au Président de la Transition et au tiers des membres de l’Assemblée Législative de Transition .

Article 31 : La révision de la présente Charte intervient après un vote à la majorité des deux tiers des membres composant l’Assemblée Législative de Transition.

Le Président de la Transition procède à la promulgation de l’acte de révision.

TITRE IV : DES DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET FINALES

Article 32 : La durée de la Transition est fixée à trente -six mois à compter de la date de l’investiture du Président de la Transition.

Article 33 : En attendant la mise en place de l’Assemblée Législative de Transition , le Président de la Transition légifère par ordonnance.

Article 34 : Les institutions de la période de la Transition fonctionnent jusqu’à l’installation effective des nouvelles institutions marquant le retour à la vie constitutionnelle normale.

Toutefois, l’investiture du Président élu met fin aux fonctions des membres du Gouvernement de Transition.

Article 35 : En cas de contrariété entre la Charte de la Transition et la Constitution du

02 juin 1991, les dispositions de la présente Charte s’appliquent.

Article 36 : Jusqu’à l’investiture du Président de la Transition, le Président du Mouvement Patriotique pour la Sauvegarde et la Restauration prend les mesures nécessaires au fonctionnement des pouvoirs publics, à la vie de la Nation, à la protection des citoyens et à la sauvegarde des libertés.

Article 37 : Le Mouvement Patriotique pour la Sauvegarde et la Restauration cesse d’exister dès la mise en place effective des organes de la Transition.

Article 38 : Dès son entrée en vigueur, la présente Charte abroge l’Acte fondamental du 29 Janvier 20 2 2 .

Article 39 : La présente Charte entre en vigueur dès sa promulgation et sera publiée au Journal Officiel du Faso.

Ouagadougou, le 1er mars 2022


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