Le 26 juin 2009, le Burkina Faso, lors de la 33e session de l’organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), inscrivait son premier site, les ruines de Loropéni, sur la liste du patrimoine de l’humanité. L’inscription de ce site touristique situé dans la région du Sud-Ouest (Gaoua) et vieux d’un millier d’années a ouvert un pan du tourisme burkinabè au monde. Plus d’une dizaine d’années après (mars 2022), Sidwaya s’est rendu sur le site qui, du fait des crises sanitaire et sécuritaire, perd chaque année, des centaines de touristes occidentaux notamment, qui venaient à la découverte de ces merveilles du pays Lobi.
Loropéni est un département de la province du Poni, dans la région du Sud-Ouest, avec pour chef-lieu Gaoua. A la sortie sud de cette commune rurale de quelques 30 000 âmes, à une dizaine de kilomètres, au milieu d’une forêt, se dressent de grandes murailles de 105 mètres de longueur sur 106 avec une superficie de 11 130 m² : ce sont les ruines de Loropéni. L’épaisseur de ces murailles, à en croire le guide touristique et agent du ministère de la Culture, des Arts et du Tourisme, Oumarou Yonaba, mesure 1,40 centimètre qui se rétrécit au fur et à mesure vers le sommet jusqu’à 0,25 centimètre.
Dans l’enceinte de la bâtisse, se trouvent plusieurs vestiges de constructions de forme carrée et rectangulaire, laissant penser à des habitations. Cette forteresse, selon les explications du guide touristique, datent de plus de 1 000 ans. « Des fouilles sur ce site ont permis de découvrir des objets tels qu’une lame de daba, des pointes de flèche, de la poterie, des mobiliers lithiques, du charbon de bois prouvant une vie humaine sur les lieux.
C’est ce dernier élément, le charbon de bois, qui a permis aux archéologues de déterminer la période d’occupation humaine de cette enceinte. Grâce à la datation du charbon de bois, il revient que ces vestiges, dénommées ruines de Loropéni, datent du 11e siècle », détaille le guide touristique. Les fouilles, poursuit M. Yonaba, ont aussi déterminé qu’il y a eu plusieurs niveaux d’occupation et c’est la plus ancienne qui date du 11e siècle et la dernière occupation correspond à la fin du 17e siècle, période à laquelle le site a été abandonné.
Cette « merveille » touristique qui est l’œuvre d’une civilisation locale, selon Oumarou Yonaba, a été révélée au public en 1902 par un lieutenant de l’armée française. « Contrairement à certaines opinions qui laissent entendre que les ruines de Loropéni seraient l’œuvre des Egyptiens, des Portugais ou même des Phéniciens, les ruines de Loropéni, du point de vue architecturale, sont l’émanation d’une civilisation locale Lobi.
Il est certes vrai qu’il y a eu une civilisation après le 17e siècle mais les objets découverts lors des fouilles appartiennent aux Loron, aux Koulango et aux Touni qui sont les ancêtres des Lobi », précise le guide touristique. Qui a construit les ruines de Loropéni ? A quelles fins ? Quelle est la porte principale de l’enceinte ? Ce sont autant de questions « mystérieuses » qui n’ont pas encore de réponse, malgré l’inscription de ce site sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité.
Une fierté nationale
Une dizaine de siècles après sa découverte, les ruines de Loropéni sont le premier site du Burkina Faso à avoir été inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO). C’était lors de la 33e session de l’organisme onusien, le 26 juin 2009.
« L’inscription des ruines de Loropéni sur la liste du patrimoine de l’humanité, premier site touristique du Burkina Faso, a été une fierté nationale. Elle est vue comme un miroir ouvert au monde », lance avec enthousiasme le guide touristique Oumarou Yonaba. Depuis lors, la commune de Loropéni enregistre de nombreux visiteurs chaque année, foi du président du comité de gestion des ruines de Loropéni, Lambila Auguste Anselme Ouédraogo, par ailleurs préfet du département de Loropéni.
« Il y a des Occidentaux qui ne savaient pas que le nom Burkina Faso existait. Certains touristes ont affirmé que c’est sur internet, lorsqu’ils ont cliqué sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, qu’ils ont découvert l’existence des ruines de Loropéni », confie-t-il. Directrice régionale de la culture, des arts et du tourisme du Sud-Ouest, Séraphine Somé explique que l’inscription du site au patrimoine mondial de l’UNESCO lui a donné une large visibilité parce qu’il n’était connu que localement.
L’inscription du site au patrimoine mondial de l’UNESCO a boosté
le tourisme interne, selon la directrice régionale de la culture
du Sud-Ouest, Séraphine Somé.
Autrefois visitées par des chercheurs et des étudiants pour des fins de recherches, les ruines de Loropéni sont ainsi devenues une attraction touristique sur le plan national et mondial, précise Mme Somé. « Les ruines de Loropéni sont désormais connues sur le plan national et international. L’inscription de ce premier site a boosté le tourisme interne si bien que malgré les crises sanitaire et sécuritaire qui ont freiné la fréquentation des ruines par les expatriés, nous enregistrons de nombreux visiteurs nationaux », affirme-t-elle.
De nombreux visiteurs de diverses catégories socioprofessionnelles, tels que des élèves, des étudiants, des chercheurs, des travailleurs … fréquentent à toutes les périodes de l’année ce site. Ce flux de visiteurs, aux dires du président du comité local de gestion des ruines de Loropéni, permet d’engranger des revenus pour la commune. « En terme de retombées pour la commune, il faut préciser que la visite est organisée par l’Office national du tourisme du Burkina Faso (ONTB) qui délivre des tickets aux visiteurs.
Sur ces tickets, un pourcentage revient à la commune », indique le président du comité local de gestion du site de Loropéni. Les acteurs de l’hôtellerie, de la restauration et du commerce trouvent également leurs comptes dans ce flux de visiteurs du premier site classé patrimoine mondial de l’humanité du Burkina Faso. « Les nombreuses visites sont l’occasion pour les tenanciers de restaurants, d’hôtels et les commerçants d’objets d’art et d’autres objets, de faire de bonnes affaires. Chacun trouve son compte dans cette attraction touristique», soutient Oumarou Yonaba.
La rareté des touristes
Pour réserver un meilleur accueil aux nombreux visiteurs qui défilent chaque fois à la découverte de cette merveille touristique du Sud-Ouest, les premiers responsables en charge du tourisme ont créé la Direction des sites classés au patrimoine mondial (DSC-PM). Sur le plan local, un comité a été mis en place pour sensibiliser, entretenir et promouvoir le tourisme dans la région. Des infrastructures d’accueil ont été aussi érigées par le ministère en charge de la culture sur le site pour faciliter l’hébergement et la restauration des touristes et des chercheurs.
Si le site des ruines de Loropéni refusait du monde dès les premiers moments de son inscription sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, les crises sécuritaire et sanitaire, marquées par les attaques terroristes et la pandémie à coronavirus sont venues plomber cet engouement autour de ce joyau touristique de la région du Sud-Ouest. « N’eut été les crises sécuritaire et sanitaire, ce sont 300 à 350 visiteurs par mois, que l’on enregistrait. Depuis 2014, le taux de fréquentation par les internationaux a commencé à baisser.
Le guide touristique Oumarou Yonaba : « actuellement, nous n’enregistrons plus de visites de touristes étrangers ».
Aujourd’hui, l’on n’enregistre pratiquement plus de touristes étrangers à cause de la situation sécuritaire dans notre pays », raconte avec amertume le guide touristique qui scrute vainement l’horizon à longueur de journée dans l’attente d’éventuels visiteurs. Outre les crises sécuritaire et sanitaire, d’autres facteurs, selon le guide touristique, constituent une menace pour les ruines de Loropéni. Il s’agit notamment des actions anthropiques (les feux de brousse, la coupe du bois …), des intempéries, de la divagation des animaux, de la poussée des arbres et de la chute du bois mort dans l’enceinte du site et qui menacent la vitrine du patrimoine burkinabè mondial.
« Les chutes de bois morts et la forte pluviométrie de septembre 2021 ont provoqué l’effondrement d’une partie de la muraille au côté nord des ruines. Aussi, les racines des arbres favorisent le déchaussement des pierres », déplore Oumarou Yonaba.
Manque de moyens financiers
Pour limiter ces menaces, des rencontres de sensibilisation avec les populations locales impliquées dans la gestion du site sont régulièrement tenues, à en croire le président du comité local de gestion, Lambila Auguste Anselme Ouédraogo. « L’une des missions du comité local de gestion consiste à l’entretien et à la sauvegarde des ruines de Loropéni. Mais le comité à lui seul ne peut rien faire.
C’est pourquoi nous tenons en permanence des rencontres avec les populations riveraines pour leur faire comprendre que le site leur appartient et que c’est à elles de nous aider à le conserver », indique M. Ouédraogo. C’est dans ce sens que des maçons ont été formés au sein du comité local pour des actions de stabilisation. « En 2010, avec l’apport de ces maçons qui maitrisent déjà les techniques de construction Lobi, nous avons fait une stabilisation avec de l’argile pétrie à base de bouse de vache et du son de maïs pour maintenir les murailles tout en gardant l’authenticité des ruines », explique Oumarou Yonaba.
Malgré la bonne volonté du comité local de gestion et des populations impliquées dans la restauration et la sauvegarde des ruines de Loropéni, les moyens financiers manquent pour mener à bien les différentes activités. « Depuis que le comité local a été mis en place, aucun fond ne lui a été transféré pour son fonctionnement », regrette son président Lambila Auguste Anselme Ouédraogo.
Et c’est l’absence de textes règlementaires, poursuit M. Ouédraogo, qui explique cet état de fait. « La direction chargée des sites classés au patrimoine mondial avait promis d’élaborer ces textes pour permettre de gérer ces questions. Mais jusqu’à présent, nous sommes dans l’attente », fait-il savoir.
Kamélé FAYAMA
Ouamrou Yonaba, guide touristique
« Les ruines de Loropéni sont un lieu sacré »
« Les ruines de Loropéni sont un lieu sacré pour certains qui viennent souvent faire des sacrifices. Ils viennent formuler des vœux. Une fois exaucés, ils reviennent pour la récompense. Nous recevons très souvent des gens avec des moutons, des chèvres, de la volaille, qui nous disent qu’ils étaient venus telle ou telle année solliciter le concours des mânes des ruines pour tel ou tel projet. De même, parfois en pleine visite avec des touristes, nous surprenons d’autres en train de faire leurs sacrifices. D’autres encore font leurs sacrifices et ils abandonnent la volaille, les chèvres ou les moutons qu’ils attachent. Il n’est pas aussi rare de ramasser des pièces d’argent déposées en sacrifice ».
Propos recueillis par K.F.
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