Dans un contexte national marqué de plus en plus par des crises foncières, le titre foncier joue un rôle central dans la sécurisation des propriétés foncières. Mais quelle définition donne-t-on à ce document ? Qui peut en disposer ? A quel prix et à quelles conditions ? Dans cette tribune, l’économiste fiscaliste Amos M. Zong- Naba, par ailleurs inspecteur des impôts, apporte des éléments de réponse à ces interrogations.
La question foncière au Burkina Faso fait couler beaucoup d’encre et de salive. Pour ne pas avoir des soucis et sécuriser davantage les terrains, la loi portant réorganisation agraire et foncière ainsi que ses décrets d’application ont prévu le titre foncier. Qu’est-ce que c’est, le titre foncier ? Qui peut l’acquérir et comment ? Ils sont nombreux à se poser ces questions et cet article se propose de vous donner quelques éclaircissements sans prétendre épuiser la question.
1- Qu’est-ce qu’un titre foncier et à quoi sert-il ?
Le titre foncier est un document signé par le ministre en charge de l’économie et des finances qui consacre l’aliénation définitive d’un terrain au profit de son détenteur. Il est obtenu après mise en valeur de son terrain ou sans mise en valeur et après avoir rempli certaines conditions. Ces conditions sont notamment le paiement des droits et taxes dus ainsi que celui du prix du terrain.
Le prix du terrain est fonction de l’usage, selon qu’il est à usage d’habitation ou autre que d’habitation (commercial, artisanal, industriel, établissement d’enseignement ou de santé, hôtel, ferme agricole..). L’arrêté de cession définitive est publié au bureau de la publicité foncière territorialement compétent, après établissement d’une copie du titre foncier et paiement des droits et taxes y afférents.
Une copie du titre foncier est délivrée au cessionnaire. L’arrêté de cession définitive consacre ainsi la cession définitive du terrain qui quitte le domaine de l’Etat ou celui des collectivités au profit d’un particulier (personne physique ou morale). Le titre foncier est très important pour la sécurisation foncière ou immobilière, car il confère au titulaire les droits de propriété sur le terrain. C’est le document le plus souvent prisé sinon exigé par les institutions bancaires comme garantie pour accéder au crédit bancaire.
2-Qui peut acquérir ou demander un titre foncier ?
Aux termes des dispositions de la réorganisation agraire et foncière, peuvent prétendre au titre foncier les personnes physiques (comme vous et moi) ou morales (sociétés, associations, groupements et associations à but non lucratif) ainsi que les promoteurs immobiliers.
Pour ce faire, ils doivent adresser le dossier de demande de titre foncier au ministre en charge des domaines (MEFP) sous couvert du ministre chargé de l’habitat et de l’urbanisme tout en joignant les pièces requises. Cependant, il est important de noter que selon le décret d’application N°2014-481 de la RAF, tout terrain faisant l’objet de cession par le promoteur immobilier à son client doit être individualisé par un titre foncier et le contrat de cession en la forme authentique.
Ledit contrat est soumis à la formalité de l’enregistrement conformément aux textes en vigueur pour la délivrance du titre foncier. Tous les détenteurs d’arrêtés de cession définitive s’étant acquittés de l’intégralité des droits et taxes peuvent se faire délivrer une copie du titre foncier.
3- Quelles sont les pièces constitutives du titre foncier ?
Selon l’article 431 et suivants du décret N°2014-481 portant application de la Réorganisation agraire et foncière (RAF), les pièces suivantes sont nécessaires :
Demande en double exemplaire adressée au ministre sur imprimé fourni par l’administration fiscale dont un timbre fiscal à 1 000f ;
Procès-verbal (PV) d’évaluation des investissements du terrain ;
Deux (02) photocopies légalisées de la CNIB, passeport ou récépissé de reconnaissance ou registre de commerce et statuts pour les personnes morales ;
Original du titre : PUH, permis d’exploiter, arrêt de mise à disposition, attestation d’attribution ou de cession provisoire, APFR, copie de l’arrêté de cession provisoire ;
Reçus de paiement de la taxe de jouissance (s’il y a lieu) ;
Plan de bornage en quatre (4) exemplaires ;
Un procès-verbal de bornage en deux (2) exemplaires ;
Pour les terrains nus situés en zone non aménagée, l’acte de cession amiable constatant l’accord des propriétaires coutumiers dressé par le service chargé des domaines et signé par les parties, le receveur des domaines et le maire ou leurs représentants ;
L’avis du service technique compétent s’il y a lieu pour les terrains non mis en valeur ;
Quittances de paiement de la Taxe de résidence et/ou de la contribution foncière des 03 dernières années. Le dossier de demande de cession définitive est déposé auprès du service chargé des domaines territorialement compétent ou au Guichet unique du foncier (GUF) pour les localités qui en disposent notamment Ouaga et Bobo Dioulasso.
Il est instruit par lesdits services jusqu’à la signature de l’arrêté de cession définitive par le ministre en charge des domaines (MEFP). Une fois signé, l’arrêté de cession définitive est retourné aux services de base qui l’ont instruit pour retrait par son titulaire contre paiement des droits dus.
4- Quelles sont les conditions minimales de mise en valeur ?
Le titre foncier peut être obtenu après mise en valeur du terrain ou sans mise en valeur pour certains usages. Pour les terrains nus c’est-à-dire non mis en valeur, objet de titre foncier, ils doivent être mis en valeur dans un délai de cinq (05) ans, faute de quoi, le retrait du titre foncier et donc du droit de propriété. Pour que la demande soit recevable et prétendre à l’obtention du titre foncier, des conditions minimales de mise en valeur sont nécessaires pour les terrains mis à valeur. En d’autres termes, le montant des investissements sur le terrain, comparé au montant de la taxe de jouissance, doit atteindre un minimum pour demander un titre foncier. Ainsi, pour :
Terrain à usage d’habitation : le montant des investissements doit être minimum égal à 30 fois le montant de la taxe de jouissance
Exemple 1 : Pour un terrain d’habitation construit situé à Saaba dont la taxe de jouissance est de 200 000f. Pour que son propriétaire demande le titre foncier, il faut que l’évaluation des investissements soit au moins égale à 30 fois la TJ c’est-à-dire 30X200 000f= 6 000 000f.
Terrain à usage autre que d’habitation (santé, enseignement, artisanat, commerce, industries,…) : le montant des investissements doit être au minimum égal à 15 fois la Taxe de jouissance.
Exemple 2 : Soit un terrain mis en valeur et abritant une clinique située à Gounghin dont la taxe de jouissance est de 500 000f. Pour que son propriétaire demande le titre foncier pour ce terrain, il faut que l’évaluation des investissements atteigne au moins 15 fois la TJ c’est-à-dire 15X500 000f= 7,5 millions FCFA.
Terrain à usage agricole et pastoral : le montant des investissements doit être minimum égal à 20 fois Taxe de jouissance.
Exemple 3 : Soit un terrain mis en valeur à usage de ferme avicole situé à Koubri dont la taxe de jouissance est de 800 000f. Pour que son propriétaire demande le titre foncier pour ce terrain, il faut que l’évaluation des investissements atteigne au moins 20 fois la TJ c’est-à-dire 20X800 000f = 16 millions de FCFA.
5- Combien coûte un titre foncier ?
Les coûts sont également fonction de la destination du terrain, selon qu’il est à usage d’habitation ou autre que d’habitation ou selon que le terrain est mis en valeur ou pas. Ces coûts sont également fonction du type de la commune (Ouaga et Bobo, chefs-lieux de région et les autres).
Les coûts forfaitaires ci-après sont applicables aux personnes morales et physiques dans les communes de Ouagadougou et Bobo Dioulasso :
• Terrains à usage d’habitation : Trois cent mille (300 000) FCFA pour les terrains mis en valeur et les terrains bâtis à usage social, professionnel, culturel ou de culte lorsqu’ils sont attribués aux groupements et associations à but non lucratif ;
• Terrains à usage de commerce ou de profession libérale : Mille sept cents (1 700) FCFA le mètre carré pour les terrains mis en valeur et deux mille cinq cents (2 500) FCA pour les terrains non mis en valeur ;
• Terrains à usage d’industrie et d’artisanat : quatre cents (400) FCFA le mètre carré pour les terrains mis en valeur et huit cent (800) FCFA pour les terrains non mis en valeur ;
• Terrains à usage d’enseignement ou d’établissement de santé : Trente (30) FCFA le mètre carré pour les terrains mis en valeur et trois cent (300) FCFA le mètre carré pour les terrains non mis en valeur ;
• Terrains à usage agricole, sylvicole ou pastoral : Trente (30) FCFA par mètre carré pour les terrains mis en valeur uniquement. Ces coûts sont réduits d’un tiers (1/3) pour les terrains sis dans les communes abritant les chefs-lieux de régions autres que Ouagadougou et Bobo Dioulasso et de moitié (½) pour ceux situés dans les autres communes.
Il est à préciser que pour les terrains à usage d’habitation, agricole, sylvicole ou pastorale, social, professionnel, culturel, ou de culte, la valeur préalable est une condition sine qua none pour prétendre au titre foncier. On peut se faire délivrer un duplicata de la copie de titre foncier en cas de perte ou détérioration de l’ancien.
En conclusion, le titre foncier reste le document essentiel et utile pour la sécurisation des terrains. Son utilité n’est plus à démontrer et de ce fait, j’invite les usagers à s’adresser aux services des domaines et du guichet unique de fonciers de la direction générale des impôts pour de plus amples informations.
Amos M. ZONG-NABA
Economiste-fiscaliste,
inspecteur des impôts
zongmamos@gmail.com
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