Le procès du dossier Thomas Sankara et 12 autres victimes s’est poursuivi, le lundi 25 avril 2022, au Tribunal militaire de Ouagadougou. L’audience du jour a concerné les intérêts civils du dossier. Les ayants droit de Thomas Sankara réclament un franc symbolique au titre des dommages et intérêts.
Après deux semaines de suspension, le procès du dossier Thomas Sankara et 12 autres victimes a repris, hier lundi 25 avril 2022, au Tribunal militaire délocalisé à Ouaga 2000. L’audience du jour a concerné les plaidoiries des différentes parties sur les intérêts civils du dossier. Et c’est Me Bénéwendé Stanislas Sankara qui a ouvert le bal pour le compte des ayants droit de feu Thomas Sankara. Dans sa plaidoirie, l’avocat a, au nom de ses confrères, indiqué que l’objectif recherché par les ayants droit du président Sankara était la manifestation de la vérité. « Nous ne réclamons rien sinon que justice soit rendue dans le cadre de cette affaire », a-t-il précisé. A cet effet, Me Stanislas Sankara a soutenu que la famille de la victime demande un franc symbolique au titre du préjudice moral. Il en est de même de l’ensemble des avocats locaux de la famille Sankara inscrits au barreau du Burkina. « Notre engagement aux côtés des ayants droit du président Sankara n’a pas de prix. Par conséquent, nous réclamons un franc symbolique », a-t-il confié. Néanmoins, les avocats de la famille Sankara inscrits aux barreaux dans d’autres pays tels que Me Ferdinand N’Zepa, Me Anta Guissé et Me Olivier Badolo (inscrit au barreau du Canada) réclament 50 millions FCFA, a expliqué Me Sankara. L’homme de droit a signifié que le président Thomas Sankara a perdu des biens au cours des tragiques évènements du 15 octobre 1987. Il s’agit, entre autres, d’un téléviseur en état neuf, un carnet contenant des notes importantes, le pistolet de Sankara, son album photos de souvenir et sa bague d’alliance. « Pour l’ensemble de ces biens, les ayants droit exigent leur restitution à la veuve du défunt. Ils veulent aussi que le certificat de décès qui porte des mentions inaptes soit conforme à la réalité des faits », a-t-il précisé.
A la suite de Me Sankara, Me Jean Patrice Yaméogo et Me Prosper Farama sont intervenus pour plaider en faveur d’autres clients victimes dans le dossier. Me Yaméogo a relevé que la défense estime que les ayants droit de la victime Christophe Saba se sont constitués tardivement partie civile. « Nous vous avons transmis nos écritures et vous ne trouverez pas de peine à constater que cet argument de prétendue forclusion ne peut prospérer devant votre juridiction », a signifié Me Yaméogo au président de la Chambre du Tribunal militaire. Dans la même veine, Me Farama intervenant pour le compte des ayants droit de Abdoulaye Gouem, Noufou Sawadogo, Paténéma Soré, Der Somda et Bonaventure Compaoré a dit avoir également remis au tribunal des conclusions d’écritures.
Des demandes « fantaisistes » de l’AJE
Pour certains des clients, l’Agence judicaire de l’Etat (AJE) pense qu’ils l’ont pas cité à comparaitre. Par conséquent, ces derniers ne peuvent pas demander sa condamnation. Pour Me Farama, cet argumentaire n’existe pas en droit. « C’est une interprétation et c’est du faux en droit. L’article 104 du code de justice militaire précise que c’est au parquet de citer le prévenu à comparaitre », a-t-il soutenu. A son avis, l’AJE se contredit en formulant des réclamations aux prévenus alors qu’elle ne les a pas cités à comparaitre. Me Farama a, en outre, expliqué que les avocats du général Gilbert Diendéré évoquent une indemnisation de certains de ses clients en 2001. Selon l’avocat, il ne s’agit pas d’une indemnisation. « Nous avons demandé à l’AJE qu’on nous fournisse ce document qui montre qu’il s’agit d’une indemnisation mais nous n’avons pas encore eu copie », a-t-il confié. L’AJE dans sa plaidoirie a indiqué qu’elle s’est constituée partie civile. Selon elle, dans cette affaire, les préposés de l’Etat ont agi contrairement à la légalité. « L’Etat a souffert de ce coup d’Etat. Il y a donc un préjudice financier, matériel et moral et par conséquent, l’Etat burkinabè réclame aux condamnés la somme de 1milliard 145 millions FCFA, a soutenu l’AJE. L’institution a, par conséquent, fait savoir qu’elle n’est pas civilement responsable dans cette affaire. Une défense qui a surpris le parquet militaire. « Nous sommes étonnés de l’attitude de l’AJE qui considère l’Etat comme victime. Elle sait que les réparations dans cette affaire peuvent coûter très cher », a-t-il laissé entendre.
Le parquet militaire, à l’occasion, a invoqué une jurisprudence sur l’affaire du militaire de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP), Alphonse Lompo qui a tiré à bout portant sur sa copine. « En juin 2015, l’Etat a été condamné au paiement des ayants droit de la famille de Bernadette Tiendrébeogo. Si pour une affaire privée, l’Etat est condamné, il n’y a pas de doute qu’il ne soit pas civilement responsable dans le dossier Thomas Sankara », a-t-il précisé. Les avocats de la défense se sont aussi attaqués à la somme que l’AJE demande à leurs clients. Pour Me Olivier Yelkouni, avocat du général Diendéré, l’infraction est d’intérêt général et en pareille situation, elle se confond à l’intérêt social. « Les demandes de l’AJE sont fantaisistes et mal fondées. Pour son inaction, l’Etat demande qu’on condamne des individus. Nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes », a-t-il conclu. Et Me Abdoul Latif Dabo de préciser que certaines factures de l’AJE confirment le caractère fantaisiste de sa requête. L’on retrouve des factures de bière (Beaufort), de poulets, de costumes abacost des éléments de sécurité du juge d’instruction, a-t-il détaillé. Au regard de ces faits, les avocats de la défense ont demandé au tribunal de ne pas tenir compte de la requête de l’AJE mais plutôt de déclarer l’Etat civilement responsable. Ils en veulent pour preuve le fait que l’Etat lui-même a pris l’initiative d’indemniser les victimes des évènements politiques de 2001 et 2002.
Outre ces ayants droit, l’adjudant-chef à la retraite, Denis Bicaba, a formulé 3 réclamations au Tribunal militaire dans le cadre de cette affaire. Il a dit avoir été radié dans le cadre de cette affaire, ce qui lui a causé des dommages comme perte de sa villa n°17 à la cité An II. En plus de la villa, M. Bicaba a réclamé une indemnité de reconstitution de carrière et une indemnité de séquestration. Le procès qui a débuté à 9 heures a été suspendu à 13 heures 55 minutes. Le dossier est mis en délibéré pour le 10 mai 2022 à 10 heures.
Abdoulaye BALBONE
Moussa KAYDA (Stagiaire)
L’article Indemnisation des victimes du 15 octobre 1987 : la famille Sankara réclame un franc symbolique est apparu en premier sur Quotidien Sidwaya.
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