Achat de véhicules neufs : Un bon investissement à long terme, selon Camille Ndessoko, directeur général de CFAO
En dépit du dynamisme du marché des véhicules d’occasion dits « France au-revoir » au Burkina Faso, le circuit de vente des véhicules neufs reste aussi important. Pour comprendre cette nouvelle tendance et les opportunités qui s’offrent aux citoyens de s’offrir des véhicules exclusivement neufs, Lefaso.net est allé à la rencontre du directeur général du groupe CFAO Motors, Camille Wassom Ndessoko. Dans cette interview, il revient sur les détails de ce marché et les facilités mises en place pour attirer les clients. Lisez plutôt !
Lefaso.net : On remarque que les Burkinabè s’intéressent de plus en plus aux véhicules neufs. Est-ce que vous pouvez nous en dire plus ?
Camille Wassom Ndessoko : Votre remarque est exacte. Ce qu’il faut dire, c’est qu’en règle générale, l’engouement que nous pouvons remarquer pour les véhicules d’occasion, pour parler de cela d’abord, relève plus d’un comportement d’achat lié aux moyens limités que d’une réelle préférence. Mais depuis quelques années déjà, il y a trois motifs essentiels qui concourent au développement de la vente des véhicules neufs notamment aux particuliers au Burkina Faso. Le premier motif, c’est qu’il y a de plus en plus d’offres de véhicules neufs à des prix bas. Le deuxième, c’est que les banques de la place sont de plus en plus disponibles à offrir des financements.
Dans ce sens, on a vu récemment les différents concessionnaires qui ont mis en place un certain nombre d’opérations. Et chez nous à CFAO, nous sommes en relation avec plusieurs banques de la place et nous avons mis en place un plan de financement pour permettre aux particuliers et aux entreprises de payer des véhicules neufs, avec des mensualités qui peuvent descendre jusqu’à 99 000 F CFA. Le troisième et dernier motif, c’est que, de plus en plus, les acheteurs qui ont les moyens de s’offrir les voitures neuves comprennent les avantages qu’il y a justement à acheter les voitures qui sont conçues par les concessionnaires, qui sont fiables et qui ont peu de coût d’entretien.
Est-ce une nouvelle tendance ?
Je pense que chez nous comme ailleurs, le développement du marché du neuf est un parcours. Il est démontré que le développement de la classe moyenne induit de nouveaux modes de consommation, y compris dans l’automobile. Le développement du routier également fait en sorte que la population urbaine ne recherche pas forcement les 4×4 et comprend l’intérêt qu’il peut y avoir d’aller vers les voitures urbaines. Il faut savoir que les pays voisins comme le Togo, la Côte d’Ivoire et le Bénin ont décidé dernièrement d’aider leurs populations à accéder plus facilement aux véhicules neufs en baissant substantiellement les taxes et droits de douane, et en régulant l’importation des véhicules d’occasion pour faire en sorte qu’il n’y ait pas de véhicules beaucoup trop anciens qui entrent sur leur marché. Ça, c’est un autre levier que ces États utilisent qui, peut-être demain, sera un levier qui va booster davantage la vente des véhicules neufs dans nos pays en plus des autres aspects que j’ai cités : la classe moyenne, le réseau routier et le développement par les concessionnaires de véhicules à petits prix. Pour faire court, c’est une tendance qui a débuté et qui va se poursuivre certainement.
A quel moment cette tendance a-t-elle débuté ?
Il y a toujours eu un marché des véhicules neufs qui, dans le passé, était beaucoup plus un marché pour les entreprises, les administrations et quelques privilégiés qui avaient les moyens. Mais la réalité, c’est que tous ceux qui ont un véhicule d’occasion se rendent bien compte, au bout de plusieurs pannes, que le neuf est préférable. Je pense qu’il y a une prise de conscience générale que les véhicules d’occasion polluent davantage. Aussi, avec la disponibilité des pièces détachées qui vont avec, les gens préfèrent se tourner vers les véhicules neufs. Mais pour être plus précis, je peux dire que cette tendance s’est accrue dans ces deux ou trois dernières années. En tout cas, vu de notre fenêtre à nous. Surtout, c’est à partir du moment où notre fabricant majeur, qui est Toyota, a décidé de travailler sur la mise en place de véhicules à petits prix. Et nous l’avons très bien vu, dès le moment où nous avons lancé la Toyota Rush qui est l’une des voitures ayant eu le plus de succès au Burkina Faso. Les particuliers se sont rués et ça n’a plus cessé.
Grosso modo, peut-on dire que le secteur se porte bien ?
Selon les chiffres à notre possession, qui restent une approximation, en 2021, moins de véhicules neufs ont été immatriculés qu’en 2020 au Burkina. Cela peut relativiser cette perception que nous avons du développement. Sur les deux premiers mois de cette année, on voit aussi que le marché continue de se rétrécir par rapport à l’année d’avant. Bien entendu, nous sommes dans un contexte particulier qui a notamment contraint le gouvernement à être mesuré dans les dépenses. Donc, il y a une espèce d’austérité et on peut imaginer que le secteur de l’automobile va être également touché, puisque l’Etat est un acteur majeur de la consommation sur nos marchés.
Néanmoins, il faut dire qu’il est important de regarder dans ce rétrécissement, quelle est la part des consommations ou des achats de l’administration et des entreprises, et quelle est la part des particuliers. Notre satisfaction est de constater que la part des particuliers n’a pas cessé de s’accroître, et notre stratégie commerciale est de nous reconcentrer plus sur ces particuliers, parce que c’est là où il y a le vivier le plus important. Oui, il y a une embellie sur ce secteur, même si de façon générale le marché de l’automobile n’est pas dans une croissance folle, comme on peut le penser.
On constate que dans les pays voisins, même si on n’a pas la même structure économique ni le même niveau de développement des villes, qu’il y a un dynamisme exceptionnel du marché de l’automobile ces dernières années. Quand on analyse de façon fine, on constate que cette croissance exponentielle, notamment en Côte d’Ivoire et au Togo, a coïncidé avec les mesures d’accompagnement prises par l’Etat, et il faut dire que ces mesures n’impliquent pas forcement une diminution globale des recettes de l’Etat. On peut imaginer une croissance importante du marché au Burkina demain, si l’Etat décide d’accompagner les entreprises qui travaillent dans ce secteur à l’image de ce qui s’est passé dans au moins trois de nos pays voisins.
Est-ce que c’est votre souhait ?
Evidemment (rires). C’est notre souhait d’abord pour les utilisateurs, parce qu’il faut pouvoir accéder à des voitures moins chères. Et ensuite pour notre environnement et même pour l’Etat. C’est un pari à prendre, parce qu’effectivement, lorsqu’on a un marché qui vend 2 000 véhicules en payant tant de milliards de douane, on peut se contenter de ça. Mais si ce marché passe à 5 000 véhicules neufs avec des droits de douane mieux étudiés, il est possible que les droits de douane soient beaucoup plus importants. Après, même si les recettes de douane devraient diminuer un tout petit peu, il y a la TVA qui est payée par l’ensemble des acheteurs. En tout cas, nous, on travaille sur un projet qu’on doit soumettre au gouvernement afin de voir ce qui marche comme dans les pays voisins, et qui pourra profiter aux populations ; bien entendu que les entreprises prendront leur part.
Quels sont les avantages à acheter du neuf ?
Les avantages sont nombreux. Quand vous avez un véhicule neuf, il y a plus de sécurité et de fiabilité. Vous faites un investissement qui va durer de très nombreuses années, contrairement à un véhicule qui a déjà 10 ou 15 ans d’ancienneté. Pour l’environnement, c’est moins de pollution, parce qu’avec les concessionnaires, il y a des technologies plus avancées qui sont développées pour lutter contre les émissions des gaz à effet de serre. Vous avez des garanties de la part des constructeurs, de faibles coûts d’entretien ; parce que souvent, ce que les gens ne voient pas, c’est que quand vous achetez un véhicule d’occasion, c’est une mise minimale au départ mais à l’entretien, ça vous coûte beaucoup plus cher que si vous aviez acheté un véhicule neuf. Quelque part aussi, c’est mieux d’avoir une voiture neuve qu’une voiture d’occasion qui est d’une autre époque, parce que nous sommes dans un domaine où les choses évoluent rapidement.
Camille Ndessoko, directeur général de CFAO
Les gens ont un certain cliché concernant les voitures des concessionnaires comme CFAO Motors. Est-ce qu’un simple citoyen peut se payer le luxe d’acheter un véhicule à CFAO ?
C’est vrai que pendant longtemps, le véhicule a été vu comme étant un instrument de luxe. Nous avons très bien intégré cela, parce qu’on a la chance d’appartenir à un groupe important qui a des rapports très privilégiés avec des constructeurs que sont Toyota, Suzuki et Peugeot pour les véhicules légers. Ce sont les constructeurs qui prennent en compte les retours du marché et qui sont résolument tournés vers un partenariat à long terme avec l’Afrique. Et cette donnée permet de créer des véhicules qui correspondent aux attendes de nos clients. C’est vrai que nous avons des clients qui arrivent chez nous et qui voient que nos showrooms leur offrent des véhicules neufs qu’ils peuvent avoir à 8 millions de francs CFA toutes taxes comprises, et ça n’existe que chez nous.
C’est une révolution mais c’est notre responsabilité à nous de porter cette information en permanence auprès du public pour qu’il le sache. Aujourd’hui, le Burkina Faso est un pays de motos et vous avez des motos qui coûtent le tiers du prix d’un véhicule, mais il y a des gens qui les achètent et nous devons continuer de travailler pour casser ce regard qui est posé sur les concessionnaires. Et nous invitons les utilisateurs de motos qui veulent changer ou les acheteurs des véhicules d’occasion à aller voir les concessionnaires pour découvrir tout ce que l’évolution récente leur propose.
Pouvez-vous nous expliquer comment sont calculés les taxes et droits de douane pour un véhicule neuf ?
Il y a une grille douanière qui indique, pour chaque catégorie de véhicule, quels sont les taxes et les taux de douane à payer, selon qu’il y ait des droits d’assise ou pas, en fonction des moteurs. Donc, on a cette partie qui est payée quand le véhicule est mis en consommation, qui est un élément important du prix de revient. Ensuite, lorsque nous vendons, il y a la TVA qui est de 18 % qui est un autre élément constitutif du prix, et tout cela associé fait qu’on arrive plus facilement à plus de 40 % du prix du véhicule qui relève de nos obligations fiscales et douanières. Contrairement à ce que les gens peuvent penser, on a une marge qui n’est pas aussi importante.
On joue sur les économies d’échelle pour arriver à des entreprises rentables. Il y a nos coûts qui sont constitués des coûts d’achat, mais aussi de tous les coûts induits par nos obligations fiscales et douanières, plus la marge que nous prenons. Il faut savoir qu’il y a un certain nombre d’organisations qui, du fait des contrats spécifiques avec l’Etat, ont la possibilité d’acheter hors taxes. En ce moment, il y a l’occasion de voir la différence entre le prix d’un véhicule acheté hors taxe et le prix TTC. L’Etat a besoin de ça pour fonctionner. Mais c’est une mission importante pour nous de discuter afin de voir, dans quelle mesure, l’Etat peut mettre les mesures incitatives qui vont permettre de baisser les prix pour avoir des volumes plus importants.
Quels sont les moyens mis en œuvre pour attirer plus de clients ?
C’est d’abord la communication. Que les gens sachent ce que nous proposons, ce sont des contrats à consigne pour trouver des financements. Mais il arrive aussi à un certain moment de faire des campagnes sur des prix. C’est le travail quotidien de commerçant que nous faisons.
A quel type de clients avez-vous à faire ? Des personnes de la haute société ?
(Eclat de rires). Disons tout le monde. Je vous disais tout à l’heure que vous avez des entrées de gamme à 8 millions TTC, mais vous avez aussi des voitures à plusieurs dizaines de millions. Ça dépend de l’usage qu’on veut faire du véhicule. Est-ce un véhicule professionnel ? Est-ce pour déposer les enfants ? … Mais, je crois que la vraie question à se poser, c’est pourquoi j’achète le véhicule. Comme je le disais, si c’est un véhicule de représentation ou de travail, il faut ce qu’il faut. Mais quelques fois, nous avons des particuliers qui, pour partir au travail ou aller au restaurant le soir, plutôt que d’acheter une petite berline neuve, préfèrent acheter des voitures qui ont dix ou douze ans d’ancienneté, des voitures dont ils n’ont pas vraiment besoin.
Nous avons un levier pour procéder à des échanges avec le client afin de lui faire comprendre que le budget qu’il met dans le véhicule d’occasion pourrait suffire à acheter un véhicule neuf qui pourra faire ce pour quoi il veut acheter le véhicule. Pour répondre directement à votre question, nous avons du tout : des particuliers, des salariés, des seniors qui ont fait leur vie et qui veulent profiter du fruit de leur labeur, des entreprises, des institutions et l’Etat qui est un acteur majeur. Certes, nos parts de marché ont beaucoup baissé avec l’Etat ces dernières années, mais nous avons encore des sociétés du secteur parapublic qui achètent chez nous.
Quels sont les marques et les modèles les plus prisés ?
Il faut dire que les véhicules utilitaires sont très prisés, notamment les pick-up. Les Toyota sont les voitures les plus vendues sur le marché burkinabè. Les entreprises et les administrations optent pour les SUV que nous avons en marques Toyota, Suzuki et Peugeot. On a aussi beaucoup de succès avec tout ce qui est récent comme la Toyota Crow qui est un petit SUV, mais aussi des valeurs sûres comme les RAV4, les Rush. Il y en a pour toutes les catégories en fonction des besoins. Mais le leader incontestable, c’est le pick-up Linux double cabine en plusieurs versions.
Combien coûte le véhicule le plus moins cher à CFAO ?
C’est la citadine de marque Suzuki qu’on appelle « Spresso », que nous vendons aujourd’hui en partenariat avec les banques à 99 000 F CFA par mois, sous certaines conditions. Si vous voulez l’acheter en payant comptant, ça sera 8 millions de francs CFA TTC. Pour les Toyota, puisque c’est la marque la plus connue au Burkina, nous avons la Toyota starlette créée récemment, restylée et très spacieuse, que nous vendons en prix d’entrée de gamme à 10 millions de francs CFA TTC.
Votre mot de fin ?
Nous avons un marché dynamique. Je voudrais relever ici une mesure récente du gouvernement qui vise à faciliter le rajeunissement du parc automobile, notamment du parc des camions de transport de marchandises. C’est une initiative salutaire, parce qu’on est un pays d’hinterland, et tout ce qui nous parvient ici est transporté. En discutant avec les transporteurs, ils disent que le prix du fret aujourd’hui ne leur permet pas d’acheter des camions neufs. Donc le projet lancé par le gouvernement qui donne cette possibilité de renouveler une partie du parc est salutaire. Je pense que le pays gagnerait à le dupliquer et je suis d’ailleurs très heureux, parce que le nouveau ministre des transports a travaillé sur ce projet avec les concessionnaires. Donc, nous avons l’espoir que cette préoccupation va être prise en compte et qu’il y aura des mesures susceptibles de développer le marché des véhicules neufs. Nous sommes prêts à prendre notre part dans ce combat, et nous serons tous gagnants.
Interview realisée par Yvette Zongo
Lefaso.net