Construite par le Programme d’appui au développement des économies locales (PADEL) à plus de 600 millions F CFA, puis rétrocédée à la commune de Dori, la nouvelle gare routière a été occupée par les transporteurs avant d’être « désertée ». Conséquences, sept gares informelles se sont créées dans la ville et la commune perd plus de trois millions F CFA par an. Selon la mairie, tout est mis en œuvre pour trouver des solutions aux préoccupations.
Le SG de la mairie de Dori, Saidou Guigma : « Lorsque la nouvelle gare sera opérationnelle et occupée par les transporteurs, la commune mobilisera plus de recettes ».
Il est 10 heures, ce 1er mars 2022, à Dori, chef-lieu de la région du Sahel. Nous sommes à la gare de fortune de Sebba située devant la direction régionale en charge des ressources animales et halieutiques du Sahel. C’est sous un gros arbre ombragé que les transporteurs en partance pour Sebba, province du Yagha, donnent rendez-vous à leurs passagers et à toute personne qui désire envoyer une commission. Des petits commerces se sont très vite développés autour de cette gare de fortune. Chauffeurs, convoyeurs et autres voyageurs se côtoient. Des petits mendiants, sébile en main, se faufilent entre les gens en quête de leur pitance journalière. Quelques minutes après notre arrivée, nous entendons une voix féminine : « Siimilla-ma Dicko » signifiant en langue nationale fulfuldé « Bonne arrivée Dicko ». Il s’agit de Kader Dicko, le vice-président de la section du Sahel du Haut conseil des transporteurs du Burkina, qui venait d’arriver avec le premier minicar appelé communément « Dina », en provenance de Sebba.
Couvert de poussière de la tête aux pieds, notre chauffeur vient de parcourir une centaine de kilomètres de route non bitumée. Le temps de donner des directives à son convoyeur, M. Dicko fait savoir qu’à la fermeture de l’ancienne gare routière située au centre-ville, les transporteurs ont rejoint la nouvelle à la périphérie sud de Dori. De ses explications, il ressort que la nouvelle gare a été inaugurée le 20 février 2020 et occupée par les transporteurs le 3 juin 2021. Mais trois mois plus tard, explique M. Dicko, la gare a été abandonnée par ces mêmes transporteurs du fait de certaines difficultés. A ce sujet, le président de la section provinciale de l’Organisation des transporteurs routiers du Burkina (OTRAF) du Séno, Mamoudou Cissé, soutient que ce sont des préoccupations liées à l’inadéquation des toilettes, au défaut d’éclairage du site, au manque de raccordement à l’eau potable, l’inaccessibilité du site en saison des pluies … « Les toilettes ont été mal construites à telle enseigne qu’après chaque pluie, les fosses septiques se remplissent, rendant difficile l’utilisation desdites toilettes. Par ailleurs, l’eau stagne au sein de la gare rendant du coup difficile toute manœuvre de véhicule du fait de la boue. Il en est de même pour accéder à la gare », renchérit Kader Dicko.
Trois difficiles mois dans la nouvelle gare
A la gare de Gorom-Gorom, les transporteurs ne se plaignent pas du manque de passagers.
A en croire le chef de la gare de Gorom-Gorom, Ibrahim Cissé, les trois mois passés dans la nouvelle gare routière ont été pénibles pour diverses raisons. De prime abord, souligne-t-il, tous les occupants étaient obligés de parcourir au moins 500 mètres pour avoir de l’eau à boire. Ensuite, il a évoqué le manque de restaurant pour avoir de quoi à se mettre sous la dent. Les départs pour Gorom-Gorom, explique-t-il, étaient organisés avec les passagers restés au centre-ville pour faire des courses. « Donc, nous partions faire acte de présence avec nos véhicules à la nouvelle gare.
Dès qu’il est 11 heures, certains de nos passagers, surtout les fonctionnaires, appellent pour des réservations », nous apprend Ibrahim Cissé. Raison pour laquelle quand les transporteurs de Gorom-Gorom quittaient la gare, ils faisaient des arrêts pour prendre des passagers, soit au rond-point de la Vache, soit à côté du service de la météo ou encore vers l’agence de l’Office national de l’eau et de l’assainissement (ONEA). La fermeture de l’ancienne gare routière et l’abandon de la nouvelle par les transporteurs ont entrainé la création de sept petites gares informelles dans la ville de Dori. A l’intersection de la voie de Gorom-Gorom et celle menant au quartier Wendou de Dori, se trouve une gare temporaire située à côté d’une station d’essence en construction. Un petit hangar et deux bancs font office de guichet de vente des tickets et de salle d’attente avant le départ pour Gorom-Gorom, dans l’Oudalan. Juste à proximité, des vendeuses de laitue et de carottes écoulent quotidiennement leurs produits. C’est la même ambiance entre les différents acteurs du transport à l’image de la gare informelle de Sebba. Adossé à son car de 60 places, le chauffeur d’un car, Abdoulaye Mamoudou Dicko, empruntant l’axe Dori-Gorom-Gorom (57 km) explique sa mésaventure dans la nouvelle gare de Dori. « J’ai été le dernier chauffeur à quitter la nouvelle gare routière avec un seul passager pour un car de 60 places. J’ai été obligé de faire de multiples arrêts afin d’avoir plus de passagers pour rallier Gorom-Gorom.
Le président de l’OTRAF/Séno, Mamoudou Cissé : « Nous demandons également la sécurisation du site ».
Depuis lors, je n’ai plus remis les pieds là-bas parce qu’en plus des problèmes déjà connus, les passagers ne s’y rendent pas », relate-t-il. Dans la même lancée, le président de l’OTRAF/Séno, Mamoudou Cissé, justifie cette situation par le fait que les compagnies de transport en commun qui empruntent l’axe Dori-Ouagadougou ne s’arrêtaient plus à la nouvelle gare pour soit prendre ou descendre des passagers continuant à Sebba ou à Gorom-Gorom. Par conséquent, Abdoulaye Mamoudou Dicko fait savoir qu’au moment de l’occupation de la nouvelle gare, les passagers qui voulaient aller à Gorom-Gorom se rendaient à la lisière de la ville de Dori pour espérer avoir un moyen de déplacement (motos, camions de marchandises et véhicules double cabine). Et de déplorer cette situation qui fut un manque à gagner pour les transporteurs de l’axe Dori-Gorom-Gorom. Avec un visage jovial, il nous rassure que cette gare temporaire lui convient en ce sens qu’il arrive à faire le plein de passagers avant de démarrer pour Gorom-Gorom. Une initiative louable mais Les transporteurs et les passagers rencontrés estiment que dans l’ensemble, la construction de la nouvelle gare est une bonne initiative. En revanche, à l’unanimité, ils déplorent le fait que le joyau soit éloigné du centre-ville. Ils évoquent même une distance de cinq kilomètres à parcourir pour rejoindre la nouvelle gare routière.
Fadima Dicko, une passagère rencontrée à la gare de Gorom-Gorom, dit s’être rendue plusieurs fois à la nouvelle gare qu’elle trouve spacieuse, bien construite et répondant aux normes d’une gare moderne. Cependant, elle regrette la grande difficulté qui est la distance. « Quand les transporteurs avaient intégré la nouvelle gare, nous avions des problèmes parce que la gare est loin de la ville. Sans moyen de déplacement, c’est difficile de rejoindre cette gare. Lorsqu’ on a beaucoup de bagages, on se contente des taxis-motos qui coûtent entre 2 000 FCFA et 2 500 FCFA alors que le transport pour se rendre à Gorom-Gorom est de 1 500 FCFA », fulmine-t-elle. Abondant dans le même sens, une autre passagère en partance pour Sebba, Marie Combasséré, commerçante, se rend régulièrement à Ouagadougou pour acheter des marchandises qu’elle revend à Sebba. Pour cela, elle dit débourser plus d’argent notamment entre 1 000 F CFA et 1 500 F CFA pour envoyer ses bagages à la nouvelle gare. Toute chose qui augmente le prix unitaire des marchandises qu’elle revend. Pour le moment, elle estime que la gare de fortune lui convient, vu qu’elle dépense moins.
Décongestionner la ville
En lien avec les préoccupations évoquées par les transporteurs ainsi que les passagers, le secrétaire général de la mairie de Dori, Saidou Guigma, fait comprendre que le choix du site répond à une vision à long terme. Pour sa part, le chef d’antenne régionale du Programme d’appui au développement des économies locales (PADEL), Tayoub Ould Targui, par ailleurs directeur régionale de l’économie et de la planification du Sahel, confie que les anciennes autorités municipales de Dori ont souhaité avoir une gare moderne qui réponde aux besoins actuels de la commune parce que l’ancienne gare routière posait de nombreuses difficultés. « Elle était dans une zone inondable, difficilement accessible, exigüe et cela causait tout un désordre au centre-ville. D’où la volonté de décongestionner la ville par la réalisation d’une infrastructure moderne », indique Tayoub Ould Targui. Si les anciennes autorités communales ont voulu joindre l’utile à l’agréable en décidant de désengorger la ville en offrant une gare routière plus moderne aux acteurs du transport, ceux-ci se sentent lésés de n’avoir pas été impliqués dans le choix du site.
En effet, Mamoudou Cissé de l’OTRAF a rappelé que c’est un après-midi que des agents de la mairie l’ont appelé pour lui demander de les accompagner afin de lui montrer le site retenu pour réaliser la nouvelle gare routière. « Nous avons été non seulement pris au dépourvu mais également, nous n’avons pas été impliqués dans le choix du site. Autrement dit, nous avons été mis devant le fait accompli », se lamente-t-il, avant de reconnaître que l’OTRAF a été impliquée dans le suivi des travaux de construction de l’infrastructure. Quant aux autres préoccupations, le secrétaire général de la mairie de Dori a rassuré que toutes les dispositions ont été prises avec l’entreprise Saint Albert en vue de remblayer la nouvelle gare de peur que les cars ne s’y embourbent et de construire des caniveaux pour faciliter l’évacuation des eaux pluviales. « Pour le défaut d’éclairage et le raccordement en eau potable, les dépenses ont été prévues dans le budget de 2022. A cet effet, des correspondances ont déjà été envoyées à la SONABEL et à l’ONEA Dori pour faire un devis avant de procéder à l’exécution des travaux sur le terrain », précise M. Guigma. Pour ce qui concerne les toilettes, informe-t-il, un camion-vidangeur a été commandé pour vider les fosses septiques qui ont été remplies d’eau de pluie.
Un manque à gagner de plus de trois millions F CFA
Lorsque la nouvelle gare routière sera opérationnelle, avertit-il, chacune des sociétés de transport en commun formellement installées dans la ville de Dori aura un guichet dont elle va payer mensuellement le loyer. « Pour ces compagnies, le point de départ sera la nouvelle gare routière de Dori. En clair, l’embarquement des passagers se fera au niveau de cette gare », prévient Saidou Guigma. Selon le régisseur de la mairie de Dori, Boubacar Dicko, 323 000 F CFA étaient perçus mensuellement au titre des taxes d’occupation du domaine public sur les boutiques construites au sein de l’ancienne gare routière. A l’écouter, annuellement, cette recette est estimée à 3 876 000 F CFA. Malheureusement, déplore M. Dicko, c’est un manque à gagner pour la mairie parce que ce montant n’est plus collecté du fait de la fermeture de l’ancienne gare routière depuis mars 2021 et l’abandon de la nouvelle par les transporteurs. Concernant les recettes annuelles provenant des taxes de stationnement des véhicules dans la commune de Dori, son secrétaire général précise qu’en 2021, 6 437 500 F CFA ont été recouvrées sur une prévision de 7 000 000 F CFA. Pour 2022, Saidou Guigma a évoqué une prévision de 10 000 000 F CFA. Hormis ces recouvrements, la commune perçoit des taxes de stationnement des compagnies de transport installées depuis belle lurette. A cet effet, le régisseur a confié que quatre sociétés burkinabè et trois nigériennes s’acquittent annuellement pour un montant de 7 220 000 FCFA.
Souaibou NOMBRE snombre29@yahoo.fr
L’article Nouvelle gare routière de Dori : un joyau de plus d’un demi milliard F CFA à l’abandon est apparu en premier sur Quotidien Sidwaya.