Le commerce ambulant est devenu une activité de subsistance pour certains Burkinabè. Partout dans la ville de Ouagadougou, et le plus souvent dans les lieux de détente, on retrouve les vendeurs ambulants avec leurs marchandises en main ou chargées sur la tête. Ils bravent pluie et soleil des journées entières pour quelques billets. La vente ambulante est une activité difficile dans laquelle de nombreux jeunes s’engagent. Mais comment cette activité est-elle appréciée par les vendeurs eux-mêmes et ceux à qui ils proposent leurs marchandises ? Ce jeudi 19 mai 2022 nous avons été à leur rencontre.
Avec la crise économique et le manque d’emploi, des centaines de jeunes burkinabè se sont lancés dans le commerce ambulant pour diverses raisons. Ces jeunes parcourent les rues, les bars et autres endroits récréatifs pour proposer une diversité d’articles allant de ceux de consommation, aux articles de maison et vêtements.
« Ce n’est pas par simple plaisir ni pour plaire à quelqu’un que nous le faisons, mais pour ne pas aller voler », lâche Séverin Dakissaga, vendeur de téléphones et accessoires à Tampouy.
Séverin dit avoir tenté de se faire embaucher comme employé, mais en vain. « Après plusieurs tentatives de me faire recruter comme un Volontaire adjoint de sécurité (VADS) et comme vigile dans une société de gardiennage, je me suis mis dans le commerce ambulant pour ne pas aller voler », dit-il. « Ce n’est pas facile de marcher sous ce chaud soleil de Ouagadougou chargé de toutes ces marchandises mais il n’y a pas une solution pour moi que de me promener », renchérit-il.
Séverin Dakissaga « Pour être vendeur ambulant, il faut du sacrifice »
Parmi ces commerçants ambulants, il y a des étudiants et Grégoire Sepeko est l’un d’eux. Étudiant en histoire à l’université Joseph Ki Zerbo, il explique qu’il fait ce commerce pour supporter la vie estudiantine avec son cortège de difficultés. Mais son souhait est d’avoir un emploi dans un futur proche. « Je pars composer les devoirs, je passe aussi les concours » nous a-t-il laissé entendre.
D’autres au contraire sont devenus commerçants ambulants parce qu’ils ne voulaient pas être sous les ordres d’un patron mais préféraient être autonomes. C’est le cas de Alassane Ouédraogo, précédemment manœuvre en maçonnerie. « J’ai décidé d’être indépendant » souffle-t-il. Raison pour laquelle, il se promène maintenant pour vendre des bracelets, des colliers, des porte-clés, etc…
Même si cette activité n’arrive pas à les tirer de la misère, ceux qui la pratiquent affirment qu’elle garantit au moins leur dignité. « Chaque jour, je peux gagner 2000 francs CFA ou 2 500 francs », nous confie Alassane.
Alassane Ouédraogo « Je publie mes articles sur les réseaux sociaux (Facebook, statut WhatsApp) pour chercher le marché ».
Séverin Dakissaga, lui dit empocher entre 3000 et 4000 francs comme bénéfice journalier. Cette somme, ajoute-t-il, sert à payer des soins de santé, de la nourriture. Il arrive quand même à en mettre de côté dans l’objectif de booster son commerce. Malgré leur mobilité, certains d’entre eux arrivent à fidéliser des clients. « J’ai des fidèles clients qui m’appellent souvent dès qu’ils ont besoin de quelque chose », nous confie Séverin.
Quelques difficultés que rencontrent les vendeurs ambulants
« Tout le monde est devenu commerçant au Burkina, il y a trop de vendeurs ambulants », affirme Grégoire Sepéko. Donc l’une des difficultés du commerce ambulant est bien la concurrence. Ils sont donc appelés à faire preuve de courage et de créativité, afin d’attirer les clients. De plus il y a le problème d’avoir un espace et les moyens financiers pour s’installer. « Pas de moyen pour s’installer ou pour ouvrir une boutique », tel est le souci majeur de la plupart de ces vendeurs ambulants. La petite Sakia Yaro le confirme. « Ma tante cherchait un lieu fixe pour exercer son commerce, mais elle n’en a pas trouvé. C’est pourquoi je me balade pour vendre des mangues », dit-elle.
Dr Désiré Coulibaly : « Les vendeurs ambulants te déconcentrent et te traumatisent »
Avis des clients
La vente ambulante est souvent considérée comme une activité envahissante par certains clients de maquis. D’autres au contraire apprécient positivement ce travail. « Les vendeurs ambulants permettent de connaître les prix des articles et de les comparer avec les commerçants au marché et dans les boutiques. Sans se déplacer, on peut tout avoir », commente Mohamed Diomandé, un des clients. Par ailleurs il les invite à plus de responsabilité et de maturité. « Au lieu de venir à chaque fois proposer leurs marchandises, il est préférable de passer silencieusement auprès des clients et tendre l’oreille. S’il y a des personnes intéressées, elles les appelleront », conseille M Diomandé. Il ajoute qu’« avec la situation sécuritaire, on ne sait plus qui est qui ».
Les vendeurs ambulants rendent service à un certain nombre de personnes mais pas à tous. Dr Désiré Coulibaly, chercheur au Centre national de la recherche scientifique et technologique (CNRST), déconseille l’activité. « Quand on quitte le travail à midi et on vient ici, c’est pour se récréer. Si je veux un livre, j’irai le payer dans une librairie avec une garantie », dit-il. Il met aussi en doute la qualité des articles que certains commerçants ambulants proposent à la clientèle.
Pour plusieurs citoyens rencontrés, le nombre des vendeurs ambulants au Burkina montre le visage du pays en ce qui concerne le manque d’emploi.
Yvette Hien/Erwan Compaoré (stagiaires)
Lefaso.net
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