Le Burkina Faso n’a pas connu seulement un coup d’État au mois de janvier 2022, les prix des produits de consommation connaissaient déjà une hausse. La hausse des prix a trouvé dans le coup d’État, un allié circonstanciel qui a permis sa progression, du fait de l’absence de pouvoir de décision central. L’appareil d’État était dans l’attente de savoir les orientations et qui sont les nouveaux décideurs.
Les agents économiques pour certains d’entre eux ont répercuté l’inflation importée et personne ne leur a demandé des comptes. Le gouvernement de transition est resté attentiste et n’a pas anticipé les problèmes de hausse des prix qui arrivaient. Après avoir lui-même augmenté les prix de l’essence comment le gouvernement va sortir le pays de la spirale inflationniste ? Quel est le plan du gouvernement de transition pour contenir la hausse des prix ?
Dans l’UEMOA, l’inflation était à 6,6% en mars 2022 et le Burkina avait une inflation de 13,5%. Depuis janvier, le pays des hommes intègres avait une inflation élevée de 7,2% qui est passée à 10,1% en février pour arriver en avril à 15,1%. Avec l’augmentation de l’essence en mai de plus de 16% le niveau de l’inflation va atteindre des sommets quand on connaît le poids de ce produit dans son calcul.
Ce n’est pas parce qu’on lutte contre le terrorisme, qu’on ne doit pas lutter contre l’inflation. La hausse des prix des produits de première nécessité qui existait depuis le dernier gouvernement de Christophe Dabiré s’est installée durablement depuis le mois de janvier 2022. Les augmentations de prix ne concernent pas seulement un bien mais l’ensemble du panier de la ménagère.
La hausse des prix est même plus élevée pour les produits locaux notamment les légumes (tomates, concombre etc.) Ces augmentations peuvent s’expliquer par l’absence des produits due à la mauvaise pluviométrie qui a créé un manque d’eau dans les barrages et retenues d’eau pour les produire. L’huile est introuvable et le prix a plus que doublé (1500 F le litre). On peut créer une augmentation des prix par la raréfaction d’un produit et c’est une hausse des prix générée par la demande.
Quelles sont les quantités d’huile et de sucre produites dans notre pays et celles importées pour que ces produits disparaissent comme par enchantement et les prix montent. Le ministère du commerce ne semble pas être en capacité de lutter contre ce phénomène, plusieurs fois dans ce pays on a connu une disparition du sucre produit localement, alors que la société Sosuco qui le produit crie à la mévente parce que ses stocks sont abondants dans ses magasins. Que fait le gouvernement sur ces aspects de l’inflation ?
Nous sommes dans une économie de marché, et il est normal que les prix varient en fonction des coûts de production, mais quand tous les prix augmentent globalement, les consommateurs perdent du pouvoir d’achat. Notre gouvernement semble connaître cela très bien, c’est son argumentaire pour l’augmentation des salaires des ministres. Comme on ne peut pas demander au plus de vingt millions de Burkinabè de venir prendre un salaire au trésor public, il faut pour un gouvernement digne de ce nom, savoir anticiper les hausses de prix et pouvoir penser une politique de plafonnement des prix et l’appliquer pour que chacun conserve son pouvoir d’achat du ministre au cultivateur, de l’étudiant à l’ouvrier.
Le prix du pain peut-il augmenter ?
Un débat a cours sur le prix de la baguette du pain. Pendant que la faîtière des boulangers et pâtissiers argumentent sur un réajustement des prix à cause des coûts de production (farine de blé, levures…), le gouvernement est braqué sur la procédure de l’augmentation des prix et ne dit pas ce qu’il met sur la table pour ne pas augmenter les prix, comme si la guerre de la Russie contre l’Ukraine, les deux principaux producteurs de blé, n’avait pas influencé les prix, comme si cette guerre n’avait pas surenchéri les coûts de transports, avec l’augmentation du baril du pétrole. Le gouvernement prétend que les concertations sont en cours depuis plus de deux semaines, alors qu’avec les transporteurs moins d’une journée avait suffi pour aboutir à une augmentation homologuée.
Qu’est-ce qu’y coince et qui en est responsable ? Si l’augmentation des coûts de fabrication du pain est réelle le gouvernement devrait se ranger, car le contrôle des prix c’est aussi pour protéger la filière, qui est sensible et contribue à l’alimentation du peuple des villes. La farine de blé et le pain ne sont pas seulement pour les privilégiés comme certains le disent. Soit le gouvernement a quelque chose à proposer soit il n’a rien.
S’il n’a aujourd’hui rien à proposer aux boulangers, le ministère du Commerce devrait associer celui de l’Agriculture aux discussions pour développer une filière de production locale de blé qui à terme peut remplacer le blé ukrainien ou russe. Le ministère de l’Agriculture fournirait des semences subventionnées aux producteurs de la vallée du Sourou qui connaissent les itinéraires techniques et les faîtières de boulangers et pâtissiers s’engageraient à acheter la production.
En agissant ainsi on garantit des revenus aux producteurs qui produiront ainsi pour un marché et sont assurés de ne pas se trouver avec du blé invendu. Les boulangers ont la garantie d’avoir du blé à un prix convenable, que des facteurs exogènes ne vont pas augmenter. Si les trois parties (gouvernement, boulangers, producteurs) respectent leur engagement, notre pays peut ne plus dépendre du blé importé et les guéguerres sur l’augmentation du prix du pain sont finies. Il faut que le gouvernement arrête d’être buté sur l’augmentation du prix du pain, une entreprise privée est faite pour faire du profit, si elle ne peut pas en faire elle va fermer.
Le gouvernement préfèrerait peut être que les boulangeries ferment et qu’elles augmentent le nombre de chômeurs plutôt que de concéder l’augmentation du prix du pain ? Du reste certaines boulangeries ont augmenté le prix de leur pain, les fermer c’est user de l’argument de la force et non celui de la raison.
Dans un pays comme le nôtre où tous les jours on parle de cohésion sociale, de pardon, le gouvernement ne donnerait pas le bon exemple puisqu’il est resté sourd à des requêtes pressantes sans offrir une solution. La coordination des faîtières menace de fermer toutes les boulangeries du pays. Nous voilà dans le casus belli comme on n’aime le faire au Burkina et aujourd’hui c’est le ministère du commerce qui a mis le feu par son absence d’écoute, son indécision, et son incapacité à anticiper les problèmes.
Sana Guy
Lefaso.net
Comments
comments