En dépit de la chute du pouvoir Roch Kaboré, qu’elle a combattu à travers le Mouvement Sauvons le Burkina Faso, Anaïs Drabo ne semble pas classer ses ‘’armes » de combat. Selon l’activiste, le système Kaboré demeure avec la transition et va être combattu, si … Entretien !
Lefaso.net : Qui est Anaïs Drabo et comment est-elle arrivée sur le front du combat ?
Anaïs Drabo : Anaïs Drabo est une citoyenne burkinabè, mère de trois enfants. Elle a pour devise : FDS un jour, FDS toujours. Les FDS (Forces de défense et de sécurité) et moi, c’est une histoire d’amour. C’est aussi une histoire d’amour, en tant que mère.
D’où vient cet amour ?
C’est un amour qui ne date pas d’aujourd’hui, il date de 17 à 18 ans. Et de cette histoire, il y a de jolies filles (rires).
C’est lequel des amours qui vous a poussé sur le terrain de combat-là ?
C’est l’amour de mère, le cœur de mère, qui m’a conduit à ce combat. Déjà, j’étais dans un parti politique, en tant que secrétaire chargé de la jeunesse. Mais je n’étais pas active, pour des raisons personnelles. C’est dans cette condition que les élections de novembre 2020 se sont déroulées, je n’ai pas pris part aux campagnes.
Un autre motif qui m’a poussé à la lutte, ce sont les interpellations des jeunes ressortissants de ma localité, la Boucle du Mouhoun, sur la dégradation de la situation. Ils m’interpellaient parce que j’étais un peu active sur les réseaux sociaux. Ils m’interpellaient chaque fois pour dire que : « ils (des groupes armés, ndlr) nous ont chassé de la vallée (bassin agricole, ndlr), on n’a plus de champs, on ne sait où aller », etc. J’ai commencé d’abord par la collecte de vêtements, de vivres à travers les réseaux sociaux. Je me suis ensuite déplacée à Tougan pour remettre ce que je récoltais et pour vivre la réalité.
Quand j’ai vu ce que ces enfants (jeunes, ndlr) vivaient, je me suis posé plusieurs questions. Je me suis demandé s’il faut vraiment croiser les bras. Quand je suis revenue à Ouaga, il se trouvait que mon grand-frère Mamadou Drabo était sur le point de créer le Mouvement Sauvons le Burkina Faso. Avec Ibrahim Maïga qui avait son mouvement « Roch doit partir », les choses sont ainsi parties.
Vous étiez dans un parti politique, qu’est-ce qui n’a pas marché ?
Comme j’étais active sur les réseaux, un jour, une de mes cousines m’appelle pour me dire que tel parti politique a besoin d’un secrétaire chargé de la mobilisation des élèves et étudiants. C’était juste avant les élections, les partis politiques couraient donc derrière les gens dont la voix porte. On cooptait les gens. Je suis partie, on a fait deux à trois réunions. Mais je ne me sentais pas du tout, parce que je n’aime pas me retrouver dans une organisation où on vous rassemble, mais vous ne pouvez rien dire.
Heureusement pour moi, et pour des raisons propres, je ne participais plus aux rencontres du parti, je n’ai pas pris part aux campagnes de novembre 2021. C’est dans cette position qu’un jour, il y a eu un drame (je ne me souviens plus), j’ai téléchargé la photo du président du Faso, Roch Kaboré, et fait un écrit que j’ai balancé sur les réseaux sociaux. Quand le président de mon parti a vu la publication, les appels ont commencé, pour me dire de la retirer.
… c’était donc un parti de la majorité présidentielle ?
Oui, il était de la majorité. J’ai refusé de retirer ma publication. Je lui ai dit que si je suis dans un parti politique, que ma voix ne porte pas, je ne peux pas m’exprimer librement, ce n’est pas la peine. Quand un système n’est pas bon, il faut interpeller. Si je suis du parti et n’arrive pas à interpeller mon président, c’est que ce n’est pas la peine.
Et là, tout de suite, on m’a éjecté du BEN (Bureau exécutif national, ndlr), le même jour. J’ai ri et j’ai dit : c’est mal me connaître. Je suis repartie faire un écrit pour dire que je viens de me faire éjecter de mon parti politique, parce que j’ai osé interpeller le président Kaboré. Le président du parti m’a rappelé, pour me dire de retirer également cette publication. J’ai refusé. Je n’interpelle jamais quelqu’un sur son dos, je télécharge ta photo, je dis ce que je pense et je mets sur ma page. Et c’est ce que j’ai fait.
Quelle a été la suite des rapports avec les responsables de ce parti, lorsque vous vous êtes retrouvée sur le terrain de lutte contre le système Kaboré ?
Je ne vous dis pas, ils m’ont suivi après ; puisqu’ils ont quitté, eux-mêmes, la majorité, juste après mon départ. Ils n’ont même pas fait trois mois après mon départ. C’est pour dire que des fois, le temps est la réponse à certaines situations. C’est comme si mon départ a été un déclic.
Vous êtes ainsi entrée dans le combat, de plain-pied … !
Effectivement, les choses se sont succédé avec la création du mouvement Sauvons le Burkina Faso, en novembre (2021). Avec l’attaque de Inata, le 14 novembre, nous sommes sortis dans la rue, le 27 novembre 2021.
Des moments difficiles pour vous ?
Oui, difficile. J’ai reçu beaucoup de menaces, d’intimidations. On m’a filée, on m’a pourchassée, on m’a menacée au téléphone. Je crois que depuis lors, mon téléphone est sur écoute. Mais ce n’est pas cela qui m’effraie, je ne me cache pas pour dire ce que je pense. Ce que je pense, je l’écris et le dis publiquement.
Concrètement, quel est le rôle que vous avez joué au sein du mouvement ?
Je suis entré dans cette lutte parce que j’avais mon avenir hypothéqué. J’avais perdu pratiquement toute la vallée du Sourou, je ne pouvais plus retourner chez moi. Je n’avais que Ouagadougou où j’habitais. Je n’ai pas d’appartement ailleurs. Où j’allais partir, si Ouagadougou étais prise.
Donc, tout ce qui me restait, c’est de me battre pour préserver le reste. Quand l’instinct de survie vous habite, la peur n’a plus sa place. J’ai des enfants, je m’interrogeais sur leur avenir. En tant que mère, je ne pouvais pas rester les bras croisés. Je crois que c’est cela aussi qui m’a donné la détermination. Si je n’avais pas d’enfants, je ne pense pas que j’aurais eu cette détermination. On doit se battre pour donner un avenir à nos enfants.
Un combat qui vous a coûté votre travail, dit-on !
J’ai été chassé de mon travail, en décembre 2021. Je suis comptable de formation, je servais en cette qualité dans une institution. Toute ma prière, c’est de rencontrer l’ancien président Roch Kaboré, et je vais lui dire : à cause de vous, on m’a chassé de mon boulot. Pour avoir demandé la sécurité pour moi et pour mes enfants, on me chasse de mon travail. Le jour que je verrai le président Kaboré, je lui dirai cela avant qu’on entame tout autre sujet.
Avez-vous l’intention de le rencontrer ?
Ah oui ! J’ai demandé à le rencontrer, mais jusque-là, je n’ai eu aucune réponse.
Après ce message de licenciement à lui porter, qu’est-ce qui vous tient tant pour que vous veuillez rencontrer Roch Kaboré ?
Je vais lui dire que je ne suis pas sortie parce que c’est sa personne que je n’aimais pas. Je suis sortie parce que son système qu’il a mis en place n’était pas bon. Ce système, il fallait le combattre, sinon on périssait tous.
Vous partagez donc l’avis de ceux qui pensent que Roch Kaboré était mal entouré ?
Absolument ! Il n’était pas du tout bien entouré. Pour chacun de ses collaborateurs, c’est le moi qui comptait. Alors que moi, je n’aime pas le moi. Mon combat, c’est pour le nous et non le moi. Or, ceux qui entouraient Roch Kaboré, ce qui les intéressait, c’est l’intérêt personnel et ça, je ne tolère pas. Voilà pourquoi j’ai combattu le système. Et tant que le système va demeurer, je vais le combattre.
Estimez-vous que le système n’existe plus ?
Le système n’est pas encore parti, malheureusement. S’il persiste, je vais le combattre.
Le 20 novembre 2021, à la faveur de la conférence de presse que votre mouvement animait pour annoncer la marche du 27 novembre, les journalistes présents découvraient une Anaïs Drabo très convaincue que le président Kaboré va bouger de Kosyam. Qu’est-ce qui fondait votre conviction ?
Soit le système changeait, soit je périssais. Moi, j’ai foi dans tout ce que je fais. Et quand j’ai foi, rien ne me retient. Même pas la peur. J’avais foi qu’on allait venir à bout du système. Quand ? C’était cela la question. Malheureusement, nous n’étions pas habités de la même conviction au sein de notre organisation. Mais, nous avons continué avec les convaincus.
Des gens vous ont-ils lâché en cours de route ?
Ce n’est pas qu’ils nous ont lâchés, ils nous ont infiltrés. Ils étaient-là pour donner nos positions, des informations et ils étaient payés pour cela. Mais c’est malheureux, comment on peut vendre toute sa nation pour de l’argent ? C’est petit comme esprit. Et ce sont des pères de familles qui agissent ainsi. J’ai honte à leur place.
Des gens diront aussi que vous avez reçu de l’argent pour mener le combat du départ de Roch Kaboré !
Si je reçois de l’argent de toi, je sors et je te remercie publiquement. Jusqu’à aujourd’hui, mon nom n’a été traîné dans une histoire d’argent. Je me connais, je n’aime pas la honte. J’ai beaucoup de bouche (faire la bouche, ndlr), et quand tu as la bouche, tu fais attention.
Je n’aime pas la honte. Aujourd’hui, personne ne peut te donner de l’argent sans avoir de traces. Ce n’est pas possible. Les gens te tentent même avec l’argent. Moi, si tu me donnes de l’argent, je vais sortir te remercier publiquement et dire que tu m’as donné tel montant.
Ainsi, le 24 janvier 2022, survient le coup d’Etat. Vous attendiez-vous au lieutenant-colonel Paul-Henri Damiba au pouvoir ?
Moi, dans ma garde-à-vue, même si c’était le diable qui avait pris le pouvoir, j’allais l’applaudir. Le 24 janvier, c’est le jour où on devait me déférer à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou. Je ne voulais même pas savoir qui a pris le pouvoir, ça ne m’intéressait pas.
Si j’avais été transférée, c’était jusqu’à la fin du mandat de Roch Kaboré. Donc, mon problème de qui a pris le pouvoir était où ? Là où j’étais, ce que je cherchais, c’était de sortir. Ce d’autant que j’avais un bébé que j’allaitais. Il n’était allaité qu’au sein et cela faisait trois jours qu’on refusait que je l’allaite. Il s’est même retrouvé sous perfusion.
Vous êtes donc libérée après la proclamation du putsch ?
Oui, et après 72 heures de détention. Quand ils ont appris qu’il y a eu coup d’Etat, ils (les responsables des lieux) nous ont chassés.
Connaissiez-vous le lieutenant-colonel Damiba ?
Je n’avais jamais même entendu parler de lui. Même pas de nom. Quand je suis rentrée à la maison, après, je suis repartie à la Place de la nation où on disait que dans peu de temps, le nom du nouveau président allait être connu. Donc, de la maison, je suis allée à la Place de la nation et après, on dit de partir à la télévision nationale… Entre temps, j’étais même fatiguée de la navette. Je me cherchais. C’est dans ça que son nom a été dévoilé et je l’ai découvert.
Votre mouvement a travaillé d’une manière ou d‘une autre, à l’avènement du MPSR. Quels sont vos rapports avec les nouvelles autorités ?
Je n’ai pas de rapports. Le mouvement Sauvons le Burkina Faso s’est mué en collectif, avec plus de 40 associations qui sont venues se greffer. Dans cette nouvelle coalition, je joue le rôle de responsable chargé de l’action humanitaire, un rôle que je jouais avant. Donc, je n’ai pas de relation avec les autorités.
Avez-vous rencontré le président Damiba ?
Personnellement, non. C’est en groupe que nous l’avons rencontré, quand il recevait la catégorie des OSC (Organisations de la société civile), on était plus de cent. D’ailleurs, je veux le rencontrer et si je le rencontre, il y a beaucoup de choses que je vais lui dire.
Par exemple ?
Par exemple, le casting des ministres (je l’ai même écrit sur les réseaux sociaux). Si le casting n’est pas bon, il faut changer. La transition ne dure pas, c’est comme un TGV (train à grande vitesse), on ne doit pas permettre à des gens de venir prendre leur marque dans le gouvernement. Non ! On doit chercher des gens qui ont la compétence et le rythme pour accompagner ce train. On ne doit pas prendre des gens qui vont tâtonner. Le jour où je verrai le président Damiba, il y a des choses que je vais lui dire, je ne vais pas le critiquer derrière lui, je lui dirai ce que je pense, en face.
En attendant de le rencontrer, quel est le bilan que vous faites de ses trois mois de pouvoir ?
On a eu beaucoup de changements, côté miliaire ; du sang neuf a été injecté. Il y a eu l’arrivée de jeunes, des reformes et on voit que la collaboration avec des pays voisins se renforce pour des frappes conjointes. On a vu ça avec le Niger, le Togo, etc. C’est donc une bonne dynamique.
Mais, c’est le côté humanitaire qui me préoccupe le plus. Je ne dirais pas que c’est zéro, mais ça m’inquiète. Je crois qu’aujourd’hui, l’action humanitaire devait se sentir partout. Je parle de la prise en charge des déplacés internes. A Ouagadougou et ses environs, il y a de nombreux déplacés internes qui ne sont pas pris en charge du fait que le gouvernement précédant n’a pas voulu qu’ils viennent dans la capitale. Le pouvoir Kaboré n’a pas reconnu leur existence à Ouagadougou.
Ce sont de bonnes volontés, des associations qui partent leur donner des vivres. Aujourd’hui, on devait voir le ministre de l’action humanitaire partout sur le terrain, en train de s’imprégner des réalités. Il y a ce qu’on vous donne dans les bureaux sur des fiches, mais il y a la réalité. En tant qu’actrice sur le terrain, je vous dis que la réalité est différente de ce que les gens racontent. L’action humanitaire, c’est sur le terrain. Malheureusement, on ne sent pas sur le terrain.
Votre appréciation, côté sécuritaire ?
Ces militaires savent qu’ils n’ont pas droit à l’erreur. Ils sont conscients du fait que ce sont eux qui sont au pouvoir, donc n’ont pas droit à l’erreur. Ils savent ce qu’ils font. Ce n’est pas raconter les résultats sur les réseaux sociaux qui importe, c’est le terrain qui va parler, c’est le retour des déplacés qui va parler. Ces jeunes-là (FDS) sont en train de travailler et j’ai foi que l’objectif sera atteint. En trois mois, on ne peut pas juger. Mais, j’ai foi, cette guerre-là, on va la gagner. Mais, pas seulement militairement.
Que faut-il, en plus du volet militaire ?
Il faut dialoguer. Ce sont des frères, qui se sont rebellés. Ceux qui se sont rebellés, il y a un fond. Le mal est tellement profond que, ce n’est pas militairement seulement qu’on peut le résoudre. Il faut des actions civiles. Prenons le cas de Yirgou, il y a eu plus de 200 âmes qui ont péri, mais jusqu’à présent, il n’y a même pas eu de reconnaissance. Il faut d’abord reconnaître et la suite va venir. Le fait de reconnaître même l’existence du problème va soulager.
Pensez-vous donc que l’initiative des comités locaux de dialogue est une bonne chose ?
Je suis d’accord avec cette démarche. Il faut aller vers les gens, ça soulage. Militairement seulement, on ne pourra pas. Il y a une frange des populations qui a été frustrée, depuis longtemps. Affaire éleveurs-agriculteurs, c’est un problème qui date et il va falloir le résoudre.
Lorsque vous arrivez dans un village, les éleveurs sont à l’écart, parce qu’ils savent que leurs animaux ont besoin de pâturage. Mais que se passe-t-il ? Le village grandit et les rejoint. En ce moment, les gens cultivent sur leur espace et se plaignent après que les animaux ont détruit leurs cultures. Il faut vraiment poser les problèmes et négocier là où il faut, ça soulage.
Anaïs Drabo, tenant ici un projet de son association sur la gestion des personnes déplacées internes.
C’est dire que le dialogue doit aussi se faire au niveau des déplacés internes !
Surtout auprès des femmes. Les femmes qui ont des enfants en bas-âge, tant que vous ne les soulagez pas, c’est leur ressenti qu’elles vont transmettre aux enfants. Et là, vous aurez encore des personnes qui vont se venger. Les femmes sont donc incontournables dans la recherche de solution.
Concrètement, que peut-on faire sur ce volet ?
Il faut récupérer ces femmes. C’est vrai que pour le moment, on n’arrive pas à les ramener dans leurs localités d’origine pour leur trouver quelque chose à faire. Mais en attendant, il faut les former, les occuper dans leurs lieux d’accueil. Une personne occupée n’a pas le temps de s’adonner à des pensées négatives. Il faut faire un travail également sur les enfants. Ces enfants qui ont été violemment arrachés à l’école, qui ont subi des traumatismes, pensez-vous qu’on peut les ramener comme cela dans l’école classique ?
Et la Charte des valeurs de la Transition est là pour cela. Il faut travailler sur les mères, sinon ces enfants vont grandir avec l’esprit de vengeance. Voilà pourquoi je parle également de l’action humanitaire parce que quand on a faim, même avec le diable, on pactise. Moi, si j’ai faim, pour nourrir ma progéniture, même s’il faut pactiser avec le diable, je le ferai. En ce moment, on ne parle plus de dignité, on parle de survie. On ne s’occupe pas d’eux et on parle de résilience, ça veut dire quoi ?
Vous êtes très active sur le front social, quelles sont vos ambitions ?
Je suis mère et j’ai mon association qui s’occupe des déplacés internes. Si je dois m’engager dans une organisation, même politique, pour sauver des gens, pour attirer l’attention de ceux qui nous dirigent sur les conditions de vie des populations, je le ferai. C’est le temps qui parle. Mais pour le moment, c’est mon association et sa préoccupation des déplacés internes. Et si le gouvernement de la transition ne prend pas en compte ce volet, il m’aura également sur sa route. Si c’est le même système qui continue, je vais le combattre.
Vous avez récemment rencontré à Abidjan, Blaise Compaoré et Chantal Compaoré. Dans quel cadre se situe cette rencontre ?
C’était juste une visite de courtoisie, parce que j’étais à Abidjan et j’ai tenu à aller rendre visite à mon ancien président du Faso. J’étais à Abidjan parce que le 22 janvier, six policiers m’ont bastonnée et mes ligaments ont été touchés (le 22 janvier 2022, des organisations de la société civile avaient organisé une marche pour demander la démission de Roch Kaboré, une marche qui a dégénéré entre forces de l’ordre et manifestants, ndlr).
J’ai fait l’IRM de mon genou, qui dit qu’il faut une opération. J’ai finalement été orientée à Abidjan où, grâce à un ami sur place, j’ai pu avoir un rendez-vous. C’est dans ce cadre que je me suis retrouvée là-bas pour voir le spécialiste. C’est dans ce déplacement que j’ai décidé de lui rendre une visite de courtoisie.
Avez-vous parlé de la situation nationale ?
On n’a pas parlé de politique ; parce que je n’étais pas là pour parler de cela.
La situation nationale n’est pas une question politique !
Non, je ne suis pas allée pour ça. Je suis allée le saluer parce qu’il y avait des vidéos, des images de lui, qui circulaient et qui disaient qu’il ne se portait pas bien. J’ai donc tenu à le voir et rencontrer maman Chantal Compaoré et tonton Emile Kaboré. J’ai demandé comment il (Blaise Compaoré) allait et je lui ai également raconté mon parcours. C’est tout.
Donc pas d’échanges sur la situation nationale ?
Non, je crois qu’il connaît la situation du pays, il a toujours la famille ici, je n’avais donc pas besoin d’aller parler de cela. Je ne sais pas pourquoi les gens parlent de ça, parce que j’ai aussi rencontré pratiquement tous les membres du gouvernement (les anciens ministres de Roch Kaboré). Je ne cache pas mes rencontres. Alors, pourquoi les gens en font un problème ?
Blaise Compaoré est un Burkinabè et je vais le rencontrer. Si j’avais la capacité d’aller voir Zida (Isaac Yacouba Zida), j’irai. Si j’avais le visa pour le Canada, j’irais voir Zida, je ne vois pas qui va m’en empêcher, parce que je ne pars pas avec l’argent de quelqu’un. Il faut que les gens abandonnent l’esprit de division. Mon rêve, c’est que les Burkinabè se retrouvent un jour et s’unissent. Que ceux qui sont à l’extérieur rentrent et qu’on puisse s’asseoir ensemble pour chercher des solutions à nos difficultés. L’union est la seule solution à nos difficultés.
Aujourd’hui, malheureusement, les gens ne sont pas dans une dynamique de réconciliation, ils clament seulement, sinon, au fond, ils ne sont pas prêts. Du plus haut niveau à l’échelon le plus bas de la société. Même moi qui vous parle, des gens m’en veulent parce que je cause avec des gens du MPP, du CDP …, j’arrive à avoir accès à certains cercles. Ils trouvent que j’empiète sur leur intérêt. Mais c’est terrible ! Les gens ne se battent pas pour le pays, ils se battent pour leur intérêt.
En conclusion ?
Pour ce pays, nous sommes prêts à mourir. Et dites au président Damiba que son casting est mauvais. C’est moi qui le dis.
Entretien réalisé par Oumar L. Ouédraogo
Lefaso.net
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