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Burkina : «Dans une République, la négation de l’autre n’a pas sa place ! », Dr Daouda Diallo

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Burkina : «Dans une République, la négation de l’autre n’a pas sa place ! », Dr Daouda Diallo

 Ouagadougou, 4 juin 2022 (AIB)- Le lauréat du prix Martin Ennals, l’équivalent du Nobel en droits humains, a exhorté vendredi, les Burkinabè à bannir la stigmatisation et la discrimination et au respect des droits humains, afin de contribuer à lutter efficacement contre le terrorisme et la crise humanitaire qui frappent le Burkina Faso depuis 2016. Interview.

Agence d’information du Burkina (AIB) : Dr Daouda Diallo vous avez reçu le jeudi 2 juin 2022 à Génève, le prix Martin Ennals, l’équivalent du prix Nobel en droits humains, quels sont les sentiments qui vous animent?

Dr Daouda Diallo (DD) : Il faut dire que ce prix Martin Ennals est un grand honneur pour le Burkina Faso. C’est une récompense pour mon organisation, le Collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés (CISC)  et pour moi-même. C’est aussi une invitation à plus d’engagements, de détermination, de persévérance pour les questions de défense des droits humains et pour les défis auxquels nous sommes confrontés, à savoir  la question de la cohésion sociale et de la paix qu’il faut construire au Burkina Faso, au regard de la déchirure sociale.

 AIB : Pouvons-nous avoir des détails sur la nature du prix?

DD : Ce prix comporte un volet financier et un volet renforcement de capacités. Sur le volet financier la récompense varie entre 20 000 et 30 000 dollars (entre 12 et 18 millions de FCFA, ndlr). Il y a un renforcement de capacité en termes de formation sur les questions de management des organisations, sur les questions de stratégie de communication, sur les questions de plaidoyer et comment il faut conduire les questions de négociations de dialogue avec les décideurs et les communautés. C’est un prix complet qui combine tout pour vraiment nous renforcer, nous accompagner par rapport aux défis auxquels, nous sommes confrontés au pays.

Le CISC est une force de propositions pour soutenir et accompagner les efforts nationaux pour construire la paix et perfectionner la lutte contre le terrorisme dans le respect des droits humains.

AIB : Pouvez- vous nous rappeler les objectifs et les missions du Collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés (CISC) dont vous assurez le secrétariat général depuis 2019?

DD : L’objectif du CISC est de construire la cohésion sociale et la paix à travers une approche basée sur les droits humains. Dans nos activités, vous constaterez qu’on a des activités de communication, d’alerte, de veille et également de dénonciation sur le terrain et en même temps on conduit des actions de plaidoiries.

Parce que le CISC est une force de propositions pour soutenir et accompagner les efforts nationaux pour construire la paix et perfectionner la lutte contre le terrorisme, pour non seulement protéger les droits humains et rendre efficace la lutte contre l’insécurité au profit de la population.

Nous voulons également renforcer également les approches pour les questions humanitaires qui se posent sur le terrain, quand on sait que dans un pays en crise, chacun doit se donner à fond pour que ça marche.

C’était l’occasion pour moi de parler de cela et d’inviter les amis et partenaires du Burkina Faso à soutenir les efforts nationaux et à éviter de prendre des sanctions contre notre pays, malgré le régime militaire qui est en place.

AIB : Les attaques terroristes continuent de semer la désolation au Burkina Faso, fissurant à certains endroits la légendaire cohésion sociale entre les communautés, quelles peuvent être, selon vous, les voies de sortie de crise?

DD : On fait le triste constat de voir que les attaques terroristes continuent à fragiliser notre pays avec 10% de la population déplacée, 15 % des écoles fermées et 26 % des services de santé fermés. Cela interpelle chaque Burkinabé sincère à s’impliquer pour soutenir l’effort national pour venir à bout de ce que nous vivons en termes de crise.

Parce qu’aucun Burkinabé sincère ne peut choisir de changer de pays. S’il y a des complications, s’il y a des difficultés, s’il y a des défis sur le terrain, on va faire face et on va contribuer à notre manière (à les résoudre, ndlr).

En tant que défenseur des droits humains, notre organisation travaille pour le pays et non contre le pays. Nous avons fait des propositions à l’équipe gouvernementale qui est en place.

D’abord des propositions sur le volet protection des droits humains et sur la justice.

Il y a des dossiers qui divisent des Burkinabè. A ce sujet, il y a lieu de faire la lumière sur ces dossiers qui divisent les citoyens burkinabé.

Deuxièmement, il faut lutter contre la stigmatisation, la discrimination entre les communautés en impliquant tous les Burkinabè volontaires pour protéger la Nation, pour contribuer à apporter des solutions à la crise.

Et également, il faut privilégier des actions de dialogue  et de médiation entre les communautés parce qu’en plus du terrorisme qui fragilise notre Etat, il y a les conflits intra ou inter communautaires mal résolus qui suscitent beaucoup de rancœurs, de vengeances et qui amènent certains Burkinabé à se radicaliser contre d’autres Burkinabé.

Avec le dialogue et les questions de médiation, je félicite de passage le président du Faso (le Lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, ndlr) qui a accepté d‘initier les comités locaux de dialogue, qui pourront ramener la paix dans une dynamique inclusive et soutenue par tous les Burkinabè. A côté de cela, il faut améliorer les questions de gouvernance, soutenir les efforts militaires et protéger les droits humains qui minimisent les situations d’exactions sur le terrain.

Deux autres défenseurs des droits humains, la journaliste vietnamienne Pham Doan Trang et Abdul-Hadi Al-Khawaja du Bahreïn ont aussi reçu le prix Martin Ennals.

AIB: Votre distinction a ravi les Burkinabè, mais certains vous reprochent de lutter exclusivement pour une communauté , que leur répondez-vous?

DD : Cette distinction que nous avons eue, c’est un honneur pour le Burkina Faso. S’il y a certains Burkinabè qui pensent que nous travaillons pour une communauté précise, d’abord il faut dire à ces Burkinabè que moi je suis quelqu’un de métissé qui a un côté mossi et un coté bissa et qui n’a aucun intérêt à faire une discrimination précise à l’égard d’une communauté.

Deuxièmement, la diversité du Burkina Faso, c’est une richesse énorme. Le Burkina est admiré et caractérisé pour la solidarité qui caractérise ses valeurs de vivre ensemble et ses parentés à plaisanterie.

La naissance du collectif contre l’impunité, c’est d’éviter la question d’ethnie, en fédérant tous les Burkinabè dans une dynamique de construire un Burkina meilleur qui considère nos différences comme une richesse, qui demande que chaque Burkinabè soit considéré et traité conformément à la loi sans distinction de son appartenance ethnique et religieuse ou appartenance géographique.

On a toujours eu la chance de poser des actes sur le plan humanitaire, juridique, en termes de plaidoyers qui prennent en compte les différentes communautés sur le terrain et même dans nos actions de communications.

Un citoyen qui suit sur toute la ligne, nos actions de communications, comprendra aisément qu’on est au service de tout le peuple Burkinabé et non pour une ethnie et non dans une dynamique de division. Dans une République la négation de l’autre n’a pas sa place!

C’est dans un élan solidaire qu’on peut construire un Etat de droit  véritable et soutenir les efforts qui sont déployés sur le terrain pour l’avènement d’une paix véritable et d’une cohésion.

AIB : Quelles sont les perspectives et les opportunités que ce prix vous offre?

DD : Le prix offre des opportunités, des renforcements de capacités, de management des organisations de la société civile, des opportunités de formation de stratégie de communication  de planification des activités sur les stratégies de plaidoyer et également une opportunité de parler avec les diplomates, des institutions, les amis et partenaires du BF pour leur faire comprendre que le Burkina Faso n’est pas caractérisé seulement par la pauvreté ou la situation d’un pays en crise.

Le Burkina Faso est un pays très aimable, très admirable avec des Hommes de valeurs qui sont disponibles à travailler à l’avènement d’une paix durable, à l’avènement d’une cohésion parfaite et pour justement une justice équitable. C’était l’occasion pour moi de parler de cela et d’inviter les amis et partenaires du Burkina Faso à soutenir les efforts nationaux et à éviter de prendre des sanctions contre notre pays, malgré le régime militaire qui est en place.

Parce que les sanctions sont contre les populations civiles et cela ne peut pas aider un pays à avancer.

On a besoin de l’accompagnement nécessaire en termes d’expertise, en termes de ressources humaines, matériels et financières pour vraiment soutenir l’action du gouvernement qui est en place et qui a la ferme volonté de construire la paix et de restaurer l’intégrité du territoire national.

AIB : Avez-vous un mot de fin?

DD : Mon mot de fin, c’est juste dire un grand merci à la presse et aux hommes de média qui ont toujours accompagné nos efforts de communication et nos actions. Parce que dans un pays en crise quand les gens ne savent plus à quel saint se vouer comme disait Norbert Zongo, le seul rempart, c’est la presse, ce sont les Hommes de média. Nous souhaitons que les Hommes de média arrivent à jouer leur rôle et nous accompagnent afin qu’on puisse avoir un changement de comportement pour un avenir meilleur pour le Burkina Faso.

Agence d’information du Burkina (AIB)

Interview réalisée le vendredi 03 juin 2022 par Harouna OUEDRAOGO et Tilado Apollinaire ABGA.

Photos fournies à l’AIB par le Service de communication du CISC.

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