Il est admis que les risques et incertitudes sont inhérents à l’agriculture. Cela n’a jamais été aussi vrai, surtout ces dernières années avec le changement climatique, rendant certains risques encore plus aigües. Depuis novembre 2021, les acteurs du secteur de l’agriculture au Burkina Faso disposent d’une étude sur la cartographie des risques. Cette panoplie de menaces pourrait saper les efforts des agriculteurs. Cette étude a été commanditée par la plateforme de gestion des risques agricoles (PARM), une initiative du G20, coordonnée par le Fonds international de développement agricole (FIDA).
Ainsi pour la campagne agricole humide dont le lancement est intervenu le 27 mai 2020 à Tenkodogo, le risque sécuritaire devient le péril de premier ordre pour le monde de l’agriculture au Burkina. Parmi les personnes déplacées internes, on recense de nombreux ménages agricoles, de l’ordre de 6%, obligés de fuir leurs villages et par conséquent désormais improductifs. Le rapport soutient également que le risque climatique augmente et touche 2,6 millions de personnes par an au pays des Hommes intègres. Selon le groupe international d’experts sur le climat (GIEC), le risque climatique est l’ensemble des conséquences potentielles liées aux variations climatiques telles que la sécheresse et les inondations. La volatilité des prix notamment des denrées alimentaires au cours de la même année et d’une année à l’autre arrive en troisième position dans la liste des risques agricoles au Burkina. L’étude mentionne en outre d’autres risques comme les maladies et ravageurs des cultures, les pertes post récoltes, les dégâts d’animaux et le non entretien des cultures.
Fort heureusement, face à cette pléthore de menaces, des stratégies existent pour limiter leurs conséquences désastreuses. En effet, le rapport fait écho d’une montée en puissance des Forces de défense et de sécurité avec le renfort des volontaires pour la défense de la patrie et de la force conjointe du G5 Sahel, pour pacifier les régions en proie à l’insécurité, en vue d’un retour des populations dans leurs zones d’origine. Pour assurer un revenu régulier aux producteurs et éviter le bradage à vil prix, juste après les récoltes, les experts de l’étude recommandent le renforcement des dispositifs de warrantage déjà pratiqué par les paysans ainsi que des capacités des magasins de stockage dans les zones de production.
S’inspirer de l’exemple du Sénégal
Les spécialistes qui ont travaillé sur l’évaluation des risques agricoles au Burkina sont unanimes quant à la pertinence de l’assurance agricole. A côté des stratégies utilisées actuellement par des paysans telles que l’irrigation, l’adoption des nouvelles techniques culturales et l’utilisation des semences améliorées, l’assurance agricole pourrait offrir une alternative aux agriculteurs. Elle permettra d’une part aux agriculteurs de se relever après une forte sécheresse ou des inondations et d’autre part à l’Etat d’en finir avec les appuis ponctuels en dons de vivres. Le bémol est que l’assurance récolte introduite depuis 2012 peine à être adoptée par les agriculteurs du fait de la faible implication de l’Etat, entre autres. Porté par la structure privée Planetguarantee, le produit était taxé comme tous les autres produits financiers et ne bénéficiait d’aucune subvention de l’Etat. Alors qu’au Sénégal, le pourcentage d’opérationnalisation de l’assurance récolte frôlait les 90% en 2018. Contrairement au Burkina Faso, au pays de la Teranga la prime d’assurance n’est pas taxée de plus, elle est subventionnée de même que les semences au profit des agriculteurs.
Cet exemple a sans doute inspiré les autorités burkinabè. Un projet pilote d’assurance des champs de maïs contre la sécheresse est en cours d’expérimentation dans les régions du Centre-Ouest, de la Boucle et de l’Est depuis la campagne 2021-2022. Et plus récemment le projet de promotion de l’assurance agricole au Burkina Faso a été lancé dans les communes de Safané, Tchériba et Dori.
Aujourd’hui, plus que jamais les agriculteurs et les autres acteurs doivent intégrer ce nouveau paradigme, celui de prendre en compte la gestion des risques agricoles en vue de relancer le secteur agricole. Ce qui est en jeu, c’est la capacité à assurer la sécurité alimentaire au Burkina Faso. Un objectif d’autant plus important au regard du contexte international marqué par des incertitudes de tous ordres obligeant les pays à compter principalement sur leurs propres forces avant l’aide extérieure.
Nadège YE
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