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Mali : le retour à la sérénité

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le Mali reprend du poil de la bête, depuis la levée, le 3 juillet dernier, des sanctions économiques et financières préalablement imposées par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Le bras de fer entre les deux parties avait débouché sur des négociations, qui ont amené l’organisation sous régionale à revenir sur sa décision.

Il a fallu que la junte malienne au pouvoir, intraitable au début, consente finalement à un retour à un ordre constitutionnel normal, d’ici à février 2024, au lieu des cinq ans projetés. Ni les discours musclés du Premier ministre malien, Choguel Kokalla Maïga, ni la décision prononcée en mars 2022 par la Cour de justice de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) en faveur de la levée des sanctions économiques au Mali n’avaient pu faire plier la CEDEAO. Seule l’élaboration d’un chronogramme « acceptable » par le colonel Assimi Goita et ses hommes, comme constaté, a permis de calmer les nerfs des dirigeants de l’institution communautaire.

Le Mali se réveille donc d’un cauchemar, tant les sanctions économiques et financières prononcées en janvier dernier avaient davantage cloué son économie, affectée par une insécurité sans précédent. Inflation et pénuries rythment jusque-là le quotidien des populations, qui en toute légitimité, peuvent pousser un ouf de soulagement, avec la suppression des sanctions économiques et financières. Le pays de Modibo Kéïta était arrivé à un stade où il ne pouvait plus payer ses dettes.

De janvier à juin 2022, le gouvernement malien a accumulé des arriérés de paiement d’environ 350 milliards de francs CFA, soit 2,7 % du Produit intérieur brut (PIB), selon des informations officielles. L’orage est manifestement passé et le Mali se remet peu à peu de ses moments difficiles. Le pays a retrouvé l’accès à ses comptes domiciliés à la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) et au marché financier. Ce qui a permis à la junte militaire d’entamer des discussions avec les bailleurs de fonds pour l’apurement des arriérés accumulés par le pays.

Une créance arrivée à échéance, le 4 juillet dernier, a été soldée le même jour, de sources bancaires. L’argent, le nerf de la guerre, n’étant plus un souci, les autorités maliennes, qui espèrent accéder à de nouveaux financements, doivent se remettre sereinement au travail. Parmi les défis à relever, figurent en priorité, la lutte contre le terrorisme et la crise humanitaire, sous fonds de polémique alimentée par l’intervention au Mali du groupe russe Wagner, accusée de violations des droits humains par le Conseil de sécurité de l’ONU.

Alors que les actes terroristes s’inscrivent dans la routine depuis des années, ils ont engendré une situation humanitaire inédite dans le pays. Pour l’année 2022, 7,5 millions de personnes ont besoin d’assistance humanitaire, contre 5,9 millions en 2021, à en croire le Représentant spécial du secrétaire général de l’ONU, El-Ghassim Wane. Le colonel Goïta va devoir consacrer moins de temps aux passes d’armes et se pencher véritablement sur les problèmes de l’heure. Il va devoir œuvrer à faire reculer sensiblement l’insécurité à défaut d’y mettre fin.

Il va devoir également trouver des solutions à la crise humanitaire dans son pays. Le colonel Goïta est aussi et surtout attendu sur sa promesse d’organiser des élections en février 2024. A ce sujet, une bonne partie de la classe politique malienne et certains observateurs se montrent prudents, tant le nouvel homme fort de Bamako est en train de prendre goût au fauteuil présidentiel. D’ores et déjà, la CEDEAO exclut toute possibilité pour Goïta de se porter candidat à la future présidentielle et il se le tient pour dit. Il reste à savoir, si le chef de la junte malienne, un dur à cuire, va tenir sa parole de remettre le pouvoir aux civils dans deux ans.

Patrick KARANTAO

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