A l’issue de la rencontre entre les anciens président burkinabè Blaise Compaoré, Jean Baptiste Ouédraogo et le président du Faso Paul Henri Sandaogo Damiba dans le cadre d’une concertation sur la situation de la nationale, le président du Parti pour la renaissance nationale (PAREN) Abdoul Karim Sango opine sur l’initiative
« Dans un Etat occupé au 2/3 par des groupes terroristes qui y sèment la terreur, initier une rencontre de haut niveau d’anciens Chefs d’Etat, réunis autour de l’actuel pour discuter sur la situation nationale, a priori, nul ne peut aller contre une telle initiative.
Sauf que la démarche qui a conduit à cette initiative semble n’avoir pas été murement réfléchie.
L’initiative portait en elle-même les germes de sa propre délégitimation et était manifestement confligène. Peut-être que l’auteur de l’initiative, le président Damiba était animé de bonnes intentions. Je n’ai aucune raison objective d’en douter, ne le connaissant pas à titre personnel. Je ne sais pas quels sont les idéaux qui alimentent sa vie de tous les jours. Mais, il convient de lui rappeler une sagesse populaire qui enseigne que le chemin de l’enfer est parsemé de bonnes intentions. D’où l’attitude hostile d’une frange importante des Burkinabè, y compris moi.
Deux des hautes personnalités invitées à cette réunion sont sous le coup de procédures judiciaires. Yacouba Isaac Zida, en principe poursuivi dans le cadre des assassinats perpétrés lors des événements des 30 et 31 octobre 2014 qui ont conduit à l’insurrection populaire. Il a été bien conseillé de décliner poliment l’offre d’invitation qui lui a été faite.
Il y a le cas plus grave du Président Blaise Compaoré, condamné par contumace à un emprisonnement à vie dans le cadre du jugement du dossier Thomas Sankara et ses camarades assassinés les 15 octobre 1987. Et c’est ce cas qui a cristallisé les passions des uns et autres.
Je m’interroge, comment le président du Faso, celui-là même dont le serment l’oblige à garantir la justice à tous les habitants du Burkina Faso peut-il commettre une telle forfaiture en invitant Blaise Compaoré à participer à une réunion de haut niveau ? Le Président Damiba a commis par cet acte un parjure.
Pire, sans le vouloir, il affaiblit considérablement l’indépendance de la justice chèrement acquise par notre peuple. Nous avons souffert une très longue période d’impunité. Il ne faut pas tenter le diable !
Le président du PAREN Abdoul Karim Sango : « Je suis favorable à une réflexion fondée sur le droit qui permet de préserver la dignité du Président Compaoré »
Heureusement dans sa déclaration qui a suivi la réunion à trois, il dit clairement que son initiative ne vise pas à assurer une culture de l’impunité. Si votre conscience n’est pas souillée par les germes de la corruption, de l’orgueil mortifère, et du mépris pour l’Etat de droit, vous êtes obligés de vous indigner vis-à-vis des derniers évènements relatifs à la présence du Président Compaoré à Ouagadougou.
C’est à juste titre que les acteurs majeurs de la vie civile et politique, les citoyens se sont indignés. Il faut en tirer les véritables leçons pour l’avenir. Exprimer son indignation ne signifie pas être contre Blaise Compaoré.
En revanche, je suis favorable à une réflexion fondée sur le droit qui permet de préserver la dignité du Président Compaoré, pour ce qu’il a été un ancien Chef d’Etat dont l’action à la tête du Burkina a permis une relative stabilité et la paix sur une relative longue période. Et c’est cela une perception largement partagée par des Burkinabè qui n’ont pas toujours la possibilité de s’exprimer.
Même condamné, la dignité doit être toujours préservée pour tous. Il faut se battre pour cela, car nous sommes tous des condamnés en sursis tant que nous sommes sur la terre des hommes. J’ai été très peiné de voir le Président Compaoré, trainé dans un tel état, alors que tous les préalables n’avaient pas encore été résolus pour faciliter son retour sur sa terre natale.
Qu’est-ce qui a justifié une telle précipitation ? L’homme, dit-on en Afrique, n’est pas dix. Éduqué dans l’humanisme africain, je suis sensible, à titre personnel, à pardonner même à mon pire ennemi. Dans le cadre de l’Etat moderne, il existe des mécanismes qui fixent les conditions du pardon effectif. Le forum de la réconciliation nationale avec toutes les forces vives de la nation qui était inscrit dans le mandat du Président Roch me semble le lieu approprié pour discuter de tout cela. Et je vois que le Président Damiba a repris le même projet.
Mais ce type de pardon, on ne l’obtient pas sous forme de triomphalisme, ce serait assassiner deux fois les personnes tuées. Ne nous méprenons pas, une société qui ruse avec la justice n’a pas d’avenir ! »
Propos recueillis par la Rédaction
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