L’élevage des cailles, ces volailles originaires du Japon et de la Chine, est en train de s’installer progressivement au Burkina Faso. A Tanghin Dassouri, localité située à 25 km à l’Ouest de Ouagadougou, Irissa Soré y a construit une ferme dans le domicile familial où il élève majoritairement ces oiseaux, à la chair et aux œufs de plus en plus prisés par des Burkinabè.
Irissa Soré, la quarantaine révolue, est fonctionnaire dans une ONG internationale dont il a préféré taire le nom. Parallèlement, ce jeune homme s’est lancé dans la coturniculture. En effet, depuis 2018, Irissa Soré s’essaye à l’élevage des cailles. Installé à Moinmin, dans la commune de Tanghin Dassouri, ce passionné de l’élevage a, à son actif, plus de 1 200 cailles dans sa ferme. Une ferme installée à l’entrée de la cour familiale. Le samedi 16 avril 2022, nous l’avons rencontré dans son second lieu de travail. Vêtu d’une tenue de sport aux couleurs jaune et noire, Irissa Soré se démêle pour trouver de quoi picorer à ses oiseaux. Et aussi, il s’active au ramassage des œufs pondus la nuit dernière et très tôt le matin qu’il dispose, soit dans des plaquettes, soit dans des cartons pour acheminer à Ouagadougou. Il s’y met également au nettoyage des excréments de sa volaille. A l’observer travailler, on y entrevoit la passion qui anime ce jeune homme. En effet, depuis son jeune âge, nous relate notre interlocuteur du jour, il a toujours eu sa propre bassecour avec quelques poules et coqs. Une passion, à l’en croire, qui est allée grandissante. L’élevage des cailles à proprement dit a commencé il y a quatre ans environ, selon ses dires. « En 2018, après le décès de notre père, j’ai voulu trouver le moyen d’occuper nos mamans. C’est ainsi que j’ai payé quelques dindes et des poulets de race que j’ai mis à leur disposition », se remémore-t-il. A la suite d’une formation de deux jours qu’il a suivie la même année, soit en 2018 à ‘’Volaille nature’’, M. Soré s’est procuré deux plaquettes contenant chacune trente œufs de cailles. Avec la machine à couver qu’il a acquise préalablement, Irissa Soré a obtenu 60 cailleteaux au bout du 15e jour, sonnant ainsi le début de la reproduction de cette espèce de volaille. En vue de maitriser toutes les péripéties et de bien réussir son activité, il confie avoir effectuer des recherches sur l’élevage des cailles. « Je suis tombé sur les vertus de la chair et des œufs de cailles. J’ai été impressionné par les résultats et je me suis mis au sérieux pour le faire. J’ai commencé d’abord à la maison, à Bonheur-ville, et à un certain moment, elles sont devenues dérangeantes à travers leur cri. Donc je suis venu au village pour poursuivre », relate-t-il. De nos jours, Irissa Soré passe tous ses weekends dans sa ferme. « Je pense que nous pouvons encore faire autre chose de notre temps. Et si quelqu’un me veut dans un maquis pendant trois heures, c’est impossible », affirme-t-il. De 60 œufs au départ en 2018, il dispose à la date du 16 avril 2022 de près de 1 200 cailles. Ces oiseaux, dont le poids normal varie entre 200 et 300 grammes sont originaires du Japon et de la Chine et s’adaptent bien au climat du Burkina Faso, selon lui.
Et les espèces, il en existe plusieurs. Mais M. Soré a opté d’élever l’espèce Jumbo, légèrement plus grande, originaire du Japon et celle hybride qui, elle, vient de la Chine. Leur cycle de reproduction est très rapide, à l’en croire. A domicile à Ouagadougou, il a installé deux machines à couver qui fonctionnent sans interruption. Il précise que le fonctionnement de ces machines lui coûte 15 mille francs CFA en électricité par mois. « Lorsque j’introduis les œufs dans les machines, au bout de 15 jours maximum, l’éclosion se produit. Après l’éclosion, je garde les cailleteaux dans des cages jusqu’à un mois. A partir du 45e jour, c’est la maturité et les mâles commencent leurs cris. Pour éviter que leur bruit ne dérange les voisins ou d’être rappelé à l’ordre pour nuisance sonore, je les transporte avec des cartons bien aérés à la ferme pour continuer le processus de croissance et le cycle recommence », explique-t-il. Il précise que si les cailles sont très bien nourries et hydratées, les femelles, qui n’émettent pas de cris, commencent leurs pontes à partir du 50e jour de leur cycle de vie. De nos jours, le coturniculteur ramasse au minimum 600 œufs par jour. Ces œufs qui peuvent être fécondés ou pas sont destinés à la vente pour les éleveurs qui souhaitent s’y lancer et à la consommation pour certaines familles. Et Irissa Soré poursuit la reproduction des cailleteaux.
Les vertus de la chair et des œufs de cailles
Les cailles sont des consommateurs excessifs d’aliments. « Tant qu’il y a la lumière, elles ne font que picorer », nous apprend Irissa Soré. Il explique que leur aliment est essentiellement composé d’un mélange de trois ingrédients. Il s’agit du maïs jaune concassé, du soja et de la farine de poisson. Et ce mélange, Irissa Soré s’en procure dans les boutiques de vente d’aliments pour volailles. Le sac est actuellement cédé à 18 500 F CFA sur le marché. Pourtant, renseigne-t-il, en 2021, il était vendu à 12 500 F CFA. Pour un sac, les oiseaux de Irissa Soré n’ont que deux jours pour le vider. Cette consommation excessive, le coturniculteur ne s’en plaint pas. « Leur productivité est fonction de la consommation en aliment », éclaire-t-il. Avec cette surconsommation, les volailles produisent logiquement des fientes en quantité. Et ces excréments sont utilisés sous forme de compost par les jardiniers. Les éleveurs des porcs également en font la demande pour nourrir leurs animaux. Elles sont aussi utilisées dans la production des asticots. Quant aux coquilles obtenues à la suite de l’éclosion des œufs, M. Soré les écrase et les mélange à l’aliment des cailleteaux. En outre, selon les spécialistes de la santé, la chair de caille est très nutritive. En dehors des protéines qu’elle renferme, elle comporte des lipides, des acides gras insaturés qui sont favorables à une bonne santé cardiovasculaire. Egalement, de nombreuses vitamines dont celles du B3 et B9 et du fer sont retrouvées dans la viande de caille. Quant aux œufs, ils sont diététiques et contiennent zéro cholestérol. Ils sont aussi riches en anti oxydant. Pour ce faire, ils sont recommandés chez les personnes souffrant de diabète, d’hyper cholestérolémie et d’hypertension artérielle. L’élevage des cailles au Burkina Faso ne se fait pas sans difficultés, selon les propos de Irissa Soré. Ces difficultés résident dans le coût de la production en relation avec les dépenses.
Des chiffres d’affaires en dépit des difficultés
Selon lui, le prix de leur aliment continue de grimper sur marché alors que le prix de la caille qui fait 1 200 F CFA l’unité reste inchangé. « Certains de nos clients trouvent que la caille est petite par rapport à son prix », déclare-t-il, tout en précisant que ceux qui connaissent sa valeur n’hésite pourtant pas à s’en procurer malgré tout. « J’ai des clients fidèles qui achètent régulièrement les œufs fécondés pour reproduire et vendre, il y a également ceux qui prennent les œufs et la chair pour leur consommation », confie M. Soré. Avec ces ventes, l’éleveur arrive à assurer l’autofinancement de son activité depuis le début de l’année 2022. Il dit être parvenu à ne plus injecter ses propres économies dans le fonctionnement de son business. Son chiffre d’affaires, révèle-t-il, tourne autour de cinq cent mille F CFA par mois et il espère plus dans les mois à venir. Il compte donc, sur des perspectives de partenariat qui s’offrent à lui, même si les prix proposés sont, pour le moment, en deçà de ses attentes. Pour ce qui est de sa vision à long terme, Irissa Soré rêve grand. Il ambitionne, en effet, agrandir son activité en construisant d’autres cages. L’objectif étant de parvenir à occuper une superficie de près 500 m2. Les cages des cailles, il les fabrique lui-même. Ayant suivi une formation en menuiserie, à son enfance, pendant les vacances, il met à profit ces connaissances pour construire ses cages. De nos jours, il a plus d’une trentaine de cages pour ses oiseaux. « Je suis de ceux-là qui pensent que nous dormons encore beaucoup, surtout dans notre pays où nous avons trop de défis à relever. Après le boulot, on peut toujours trouver un temps pour s’occuper utilement. Ce qui fait que lorsque je descends du bureau, je cours à la maison pour voir mes machines. Si on me cherche les weekends, c’est à Moinmin dans ma ferme qu’on peut me trouver », relève-t-il. Dans cette ferme, M. Soré a aussi formé un jeune qui l’aide à s’occuper de sa volaille pendant les jours ouvrables ou à son absence. A Bonheur-ville dans son domicile, ce sont sa femme et ses enfants qui, à leur temps libre, s’occupent de tout. « Au début, ce n’était pas facile avec madame et les enfants qui se plaignaient des odeurs des excréments. Mais ils se sont habitués avec le temps et ils sont tous devenus un soutien inestimable dans mon activité. Quand on a la passion on ne sent plus les odeurs », se réjouit-il. Dans le but de faciliter son activité, il a fait des installations de sorte à communiquer l’eau directement dans les cages des volailles. A travers cette technique, il a réussi à rendre un peu autonome le fonctionnement de certaines choses. « Je vais opérer d’autres installations de sorte à ce que si je viens c’est juste pour corriger certains dysfonctionnements », affirme-t-il. Pour les travaux de plomberie, M. Soré n’a pas eu à faire appel à l’expertise d’un du domaine. Il les a réalisés lui-même. Quant à la prise en charge sanitaire des cailles, il n’en est rien, de l’avis du coturniculteur. Ce sont des oiseaux qui sont naturellement résistants. Elles n’ont ni besoin d’antibiotiques ni de vitamines pour leur croissance. « Un cailleteau peut vivre jusqu’à l’abattage sans aucun vaccin. Il suffit d’avoir une alimentation équilibrée, de l’eau en permanence pour qu’il ne se déshydrate pas. Depuis 2018, je n’ai pas de vétérinaire et je n’ai jamais subi de perte due à une quelconque maladie », rassure-t-il. Indépendamment de l’élevage, Irissa Soré y fait également dans la transformation. Pour ce faire, une équipe a été mise en place pour abattre, déplumer, emballer et distribuer la chair de caille. Cette viande peut également être conservée dans des congélateurs en attendant les livraisons. « Pendant les périodes de fêtes surtout, il nous est difficile de satisfaire toute la clientèle, car la demande est trop forte », signale Irissa Soré. De nos jours, il dit accompagner plusieurs jeunes qui, de plus en plus, s’initient dans l’élevage des cailles. Ces jeunes qui sont généralement des étudiants, selon ses dires, bénéficient d’un accompagnement en termes de conseils. Egalement, il soutient certains d’entre eux à travers un prêt de quelques cailles, qui, par la suite, viennent rembourser en espèces. Tout en montrant sa disponibilité pour l’accompagnement de toutes les personnes désireuses de se lancer dans l’élevage des cailles, M. Soré invite les Burkinabè, surtout la jeunesse, à se lancer dans l’entrepreneuriat.
Rabiatou SIMPORE
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