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Burkina : Comment le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration a dissipé son capital confiance

Le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) qui a pris le pouvoir le 24 janvier 2022 subit les contre coups d’une opération politique risquée, celle de faire rentrer au Burkina l’ancien dictateur déchu, Blaise Compaoré, pour une rencontre de haut niveau avec tous les anciens chefs d’Etat. Ce retour d’exil pour deux jours le 8 juillet 2022 de celui qui a été condamné pour l’assassinat de son ami Thomas Sankara a entamé l’estime de la population pour le pouvoir en place.

Pourquoi cette démarche politique controversée a cristallisé tant d’oppositions, de réactions et des sentiments opposés ? Le MPSR et son président se sont exposés avec ce retour sans passer par la case justice du condamné du tribunal militaire de Ouagadougou. Quelle est la place dans le cœur des Burkinabè, après cette visite calamiteuse, des militaires qui ont pris les rênes du pays pour chasser les groupes terroristes qui nous assaillent, sauvegarder et restaurer l’intégrité du territoire ?

Le MPSR n’a plus la même cote de popularité que lorsqu’il prenait le pouvoir du fait des erreurs qu’il a faites, de ses liens ou des influences qu’il subit de la part de certaines forces politiques et sociales du pays. Le MPSR, comme tout groupe putschiste qui prend le pouvoir, est arrivé au pouvoir sans programme, avec pour objectif affiché de sauvegarder et restaurer l’intégrité du pays.

Les jeunes colonels ont affiché naïvement cette absence de programme et ont commis un comité pour y réfléchir et leur faire des propositions. La gestion des propositions de ce comité a été la première erreur. Les militaires ont été confrontés à leur première bataille politique. Assaillis par les entrepreneurs politiques et les forces politiques opposées à l’ancien régime du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), ils ont succombé aux sirènes d’une transition qui ferait le match retour de l’insurrection et qui leur donnerait une base sociale, des soutiens populaires, des relais au sein de l’opinion pour répéter à l’envie et jusqu’à l’écœurement les messages de soutien et de promotion du nouveau pouvoir. Ce faisant, les militaires ont oublié ce pourquoi ils ont fait le coup d’Etat et ont commencé à agir en politiciens oubliant la guerre avec pour conséquence une détérioration de la situation sécuritaire.

En cherchant à rencontrer les anciens chefs d’Etat, y compris celui qu’il a chassé pour incompétence dans la lutte contre le terrorisme, le président Paul Henri Damiba a reconnu ipso facto les difficultés qu’il rencontre face à l’insécurité. Cette rencontre affirmait qu’il n’avait pas la solution et que les anciennes solutions pouvaient servir puisqu’il demandait conseil, le MPSR n’était pas le sauveur. C’était un aveu que les coups d’Etat ne sont pas la solution à la lutte contre le terrorisme.

La présentation de la réconciliation comme solution au terrorisme a été la seconde erreur du pouvoir. Si un problème est mal posé, on ne peut pas le résoudre. Il est curieux que le pouvoir ne se rende pas compte de la plus-value que ces entrepreneurs politiques font de la réconciliation.

La réconciliation nationale entendue comme la paix entre anciens chefs d’Etat et leurs affidés politiques n’apporte rien à la lutte contre les groupes armés terroristes. Le MPSR a proposé les comités locaux de dialogue pour ramener au sein de la nation les jeunes qui désirent abandonner les groupes armés. Ceci par contre est une bonne solution.

Le MPSR a oublié que le Burkina a une histoire douloureuse avec Blaise Compaoré et que ses soutiens ont tout fait pour qu’il ne soit pas jugé, et qu’il soit traité comme quelqu’un au-dessus de la loi. En organisant son retour dans les conditions que nous avons vues, sans que la justice puisse lui mettre la main dessus il a fait le lit des opinions qui veulent que les victimes aillent demander pardon au bourreau.

Ces gens-là travestissent l’histoire de nos sociétés et les présentent comme des sociétés injustes et sans empathie pour la veuve et l’orphelin, où le tyran a toujours raison et on doit lui demander pardon pour avoir enlevé la vie de son fils ou de son mari.

L’autre conséquence du retour de Blaise Compaoré est le réchauffement politique qu’il a créé. De nouveaux partis politiques et des organisations de la société civile se créent, des anciens partis parlent de congrès. Une effervescence politique a commencé et des slogans que l’on n’a pas entendus lors du putsch pour une transition civile sont sur les lèvres. Cela arrive parce que certains de ceux qui ont accordé l’état de grâce au MPSR, ne le voient plus comme au-dessus de la mêlée, mais engagée auprès d’un camp, alors qu’il disait ne vouloir restaurer aucun ordre ancien.

La lutte contre le terrorisme est une bataille de tous les instants.
Tout n’est pas perdu pour autant si le MPSR, tirant leçon de cette expérience malheureuse, se concentre sur la lutte contre le terrorisme. C’est une bataille importante et de tous les instants qui suffit au temps de la transition. Ne cherchez pas à refonder la démocratie, ceux qui vous parlent de cela veulent que vous le fassiez pour eux.

Messieurs les colonels, gagnez la guerre et vous aurez la reconnaissance de la patrie pour l’avoir sauvée. Gardez-vous loin de ceux qui vous conseillent de vous engager pour tel ou tel programme à visée politique. Les groupes terroristes sont toujours puissants au Sahel et ce travail est de tous les instants et mérite toute votre attention. Et pour le reste l’organisation des prochaines élections, déléguez à votre gouvernement.

Sana Guy
Lefaso.net

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