Un vent nouveau souffle sur le Kenya, depuis la présidentielle du 9 août 2022. Ce scrutin a consacré l’élection du vice-président sortant, William Ruto, avec 50,49% des voix contre 48,85% pour l’opposant historique, Raila Odinga, selon les résultats provisoires. Comme il est de coutume dans ce pays de l’Afrique de l’Est, l’énoncé du verdict des urnes ne s’est pas fait sans heurts, même si le calme est revenu après coup. Des partisans du candidat malheureux ont contesté violemment le sacre de Ruto.
L’élection présidentielle s’était pourtant déroulée dans un calme, saluée par la communauté internationale. Mais les vieux démons n’ont pas tardé à se réveiller. Ne s’avouant pas vaincu, Odinga a déposé un recours pour contester l’élection de son adversaire auprès de la Cour suprême, juridiction appelée à valider les résultats. Candidat pour la cinquième fois, ce dinosaure politique est coutumier d’une telle démarche, dans un pays où les résultats de l’élection présidentielle ont toujours été contestés, le plus souvent avec animosité. Il faut alors craindre que l’intransigeance de Raila Odinga ne plonge le Kenya dans un autre cycle de violences, au cas où la justice ne répondrait pas favorablement à sa requête.
A la vérité, Ruto évolue en terrain hostile, à telle enseigne que l’issue de la présidentielle ne doit pas l’étonner. Il ne partait pas au scrutin avec le soutien du président sortant, Uhuru Kenyatta, à cause des divergences. Tel un parieur, le chef de l’Etat sortant a misé sur le cheval Odinga, plutôt abonné aux défaites dans sa course sans fin à la présidentielle. Celui-ci bénéficie d’ailleurs du soutien de la majorité des commissaires électoraux, nommés par Kenyatta, dans son mouvement de contestation.
La plupart d’entre eux ont qualifié le scrutin de « opaque », sans donner des explications précises. On le voit, la cohésion sociale est à nouveau menacée au Kenya, même si les partisans d’Ondinga ont calmé leurs ardeurs, ces jours-ci. Le souhait est que le contentieux électoral soit vidé, pour permettre à l’homme d’affaires prospère, Ruto, de porter sa croix, si sa victoire venait à être confirmée. Ce qui semble plausible, à moins d’un revirement. Les défis sont aussi complexes qu’énormes au Kenya.
Ruto, vainqueur des urnes, le sait mieux que quiconque, lui qui a été une pièce maitresse du régime d’Uhuru Kenyatta. L’économie de ce pays de plus de 53 millions d’habitants a été fragilisée par la crise sanitaire de la COVID-19 et les impacts négatifs de la guerre en Ukraine. La « vie chère » malmène les Kenyans, qui n’en finissent pas de dénoncer les prix hors de portée de l’essence et des denrées alimentaires. Avec une croissance établie à 5,5% en 2022 par la Banque mondiale, le Kenya est particulièrement affecté par la crise en Ukraine, pays de l’Europe de l’Est où il importe 10% de ses céréales.
Aussi déplorable que cela puisse paraitre, l’économie kényane est gangrénée par une corruption endémique. On observe une confusion des intérêts publics et privés, qui dure depuis la colonisation britannique. La corruption est permanente dans les milieux politiques et administratifs, tout comme dans le quotidien des citoyens. Dans son dernier rapport mondial de perception de la corruption de l’ONG Transparency International, le Kenya est classé 128e sur 180 pays.
Il faut absolument travailler à réduire l’ampleur de ce phénomène, à défaut de l’éradiquer. La corruption est tout aussi redoutable que le chômage au Kenya. Les jeunes qui composent l’essentiel de la population, peinent à trouver un job. En 2020, 5 millions d’entre eux étaient sans emploi, selon des chiffres émanant du gouvernement kényan. Ruto, qui s’est présenté comme le candidat du peuple, a du pain sur la planche, à la vue de ces défis loin d’être exhaustifs. Il devra œuvrer, comme promis, à transformer structurellement l’économie de son pays.
Kader Patrick KARANTAO
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