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Le MPSR au bilan de la reconquête du Burkina : Les questions à ne pas éluder

La promesse est une dette, dit l’adage. Le président du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) a promis de faire un premier bilan de la lutte contre l’insécurité dans cinq mois un certain 4 avril 2022, deux mois après l’avènement de la junte le 24 janvier. L’heure a sonné. Le moins que l’on puisse dire est que le discours est attendu. Et selon les informations, le lieutenant-colonel Paul Henri Sandaogo Damiba ne va pas se soustraire à son devoir. Tout le monde le sait, le bilan a quelque chose à voir avec les chiffres. Comment faire un bilan sans donner les chiffres, sans afficher les indicateurs ? Quelle est la photographie de la situation sécuritaire en cette fin du mois d’août ?

Pas besoin d’être un maître d’armes pour dire qu’il reste beaucoup à faire. C’est un sentiment réel et partagé. Si on reste collé aux chiffres, est ce que ce ne sera pas un exercice masochiste d’autoflagellation ? Cette peur du bilan de la part des cercles du pouvoir montre une méprise de l’exercice, qui n’est pas tant d’afficher des résultats positifs ou négatifs mais de montrer le cheminement, la quête, les interrogations. Que fait le MPSR depuis janvier pour lutter contre l’insécurité ? Qu’est-ce qu’il fait bien et moins bien ? Et quelles sont les perspectives ? Quels sont aujourd’hui les lieux de pouvoir de notre Etat : territoires contrôlés, et voies de communication, moyens de télécommunications, ressources contrôlées, mines industrielles et artisanales, marchés de bétail et de céréales, les lieux de production sécurisés ? Quelle est la maîtrise du MPSR du sujet qu’il a choisi de traiter le 24 janvier 2022 ?

Cet exercice du président du MPSR, ne sera pas un discours de plus, une prise de parole vite oubliée dès la fin du discours. Ce sera, on l’espère, on le souhaite, un moment fort, de mesurer l’action de manière scientifique, quantifier ce qui est fait et ce qui reste à faire au plan de la sécurité. Il ne s’agit pas de dire que « l’armée monte en puissance ». Cet élément de langage vide de sens est bon à servir aux journalistes qui tendent le microphone et ne relancent pas leur interviewés. Se contenter de dire ce genre de phrase traduit une peur du bilan, ou une incapacité à le produire. Le bilan n’est pas fait parce qu’on a gagné ou perdu, il fait partie de l’action parce que celle-ci est pensée pour produire un résultat déterminé. Et le bilan analyse et le processus de réflexion et d’action et enfin les résultats. Cela conduit à se dire qu’est-ce qu’on a mal fait ? Pourquoi on l’a mal fait, quel est le contexte de l’action, quelles sont les opérations qui étaient en cours de part et d’autre les forces en présence, les armes et les outils etc. Qu’est ce qui a été déterminant dans la victoire ou la défaite ?

Le bilan pour réduire l’incertitude

L’utilité du bilan n’est plus à démontrer. C’est un acte de communication et de redevabilité, mais aussi un moyen de réduire l’incertitude de la population, le sentiment de ne pas maîtriser l’avenir, de ne pas être maître de son destin. C’est donner l’espoir au peuple, c’est croire et convaincre que les jours meilleurs sont à venir, que les populations ne sont pas condamnées à fuir devant ses hordes sanguinaires. Le silence épaissit le brouillard de l’incertitude qui conduit au désespoir qui fait la publicité de l’ennemi. Parler de l’action produit du sens et aide à comprendre ce que l’on fait.

Ceci est tellement important de le faire parce que dans le pays, les adeptes de la servitude volontaire sont légions. Ces personnes soumises dans les têtes ne voient pas d’avenir sans tutelle aujourd’hui française demain russe et après-demain chinoise selon eux. Comme si le Burkinabè ne peut pas être libre et indépendant sans se plier à une puissance quelconque ? Pourtant, bien appréhender le contexte actuel de cette lutte contre les groupes terroristes peut jeter les bases de la reconquête de notre souveraineté.

Connaître l’ennemi, c’est réduire l’incertitude

Il faudra définir dans ce bilan, qui sont nos ennemis. Ils peuvent être nombreux et divers, cachés sous plusieurs couvertures, mais il faudra les nommer, les dévoiler, les indiquer car ce vocable d’hommes armés non identifiés est un grand générateur de stress, surtout qu’ils sont partout et nulle part, surgissant de la nuit ou des forêts, massacrant et s’en allant vers d’autres villages pour d’autres horreurs. Quelle est la capacité de notre système d’information à connaître nos assaillants, nos ennemis ?

L’Etat est une institution vivante

Pour que l’Etat du Burkina Faso vive ou survive, il doit s’étendre et se fortifier en maîtrisant son territoire, qui est un espace qui a une fonction politique primordiale. En soixante ans, le Burkina Faso a abandonné des parties de son territoire et de sa population, ces déserts administratifs où l’action de l’Etat n’était pas présente sont les principaux foyers des zones à haut déficit sécuritaire. Ce sont, avec les sites miniers, la géographie du terrorisme dans notre pays, c’est pourquoi le bilan doit s’intéresser à cette carte des risques et nous dire comment elle a changé et comment elle va changer.

Il faut courageusement s’attaquer aux vrais défis et ne pas se détourner de sa vraie cible qu’est la lutte contre l’insécurité pour chasser des moulins à vent comme la réconciliation nationale ou le retour des exilés.

Sana Guy
Lefaso.net

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