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CEDEAO, super héros ?

Le soleil de la démocratie est-il en train de se coucher au couchant de l’Afrique ou est-ce une bénigne éclipse solaire, nécessaire et passagère ? La démocratie est en souffrance en Afrique de l’Ouest. Les « intouchables » régimes démocratiques des palais somptueux sont aux abois. Du haut de leur légitimité parfois acquise dans le flou artistique des urnes taciturnes, des mandats présidentiels sont remis en cause par des soldats de plus en plus adulés et encensés. Il parait que l’armée doit rester muette et s’emmurer dans les casernes, mais quand un président fait de la présidence la caverne d’Ali Baba, qui d’autre mieux que l’armée peut briser le mythe de la caverne ? De plus en plus, la démocratie n’est pas plus sacrée que l’hérésie consacrée dans sa pratique bâclée. La démocratie n’est plus un subterfuge aux mains de transfuges d’un certain nationalisme, camouflés sous des costumes aux cravates de laisse.

Il ne suffit plus d’être élu à 80 % pour rester 100% au pouvoir au nom d’un suffrage universel aux avantages personnels. Désormais, le parapluie est troué, le bouclier est en papier, seule la volonté du peuple est en marbre, l’antidote des principes de parade de la démocratie de façade. Rien ne sert donc de se complaire dans un étonnement démocratique teinté d’irréalisme. Il suffit de bien observer la dynamique sociopolitique en Afrique de l’Ouest pour se raviser et reconnaitre que même cette démocratie tant sacralisée n’est pas une fin en soi. Depuis le discours de la Baule qui a servi d’onction démocratique pour nos Etats, cela fait plus de trente ans que nous patinons dans la semoule de l’apprentissage. Cet apprentissage est même devenu une excuse, voire un subterfuge pour des tartuffes en quête de refuge. Les textes qui régissent l’organisation et le fonctionnement de nos Etats selon le système démocratique sont là et ne demandent qu’à être appliqués. Les institutions de la République sont aussi là et fonctionnent selon les principes de l’Etat de droit, mais à quoi servent-elles vraiment si les hommes qui les animent n’ont pas la volonté politique ? Jusqu’à quand allons-nous nous couvrir de l’excuse sempiternelle qui veut que nous soyons toujours des apprentis de la démocratie tout en étant des experts en fraude électorale et en tripatouillage constitutionnel ? Comment justifier le fait que c’est plus facile de faire des attouchements indécents à la Constitution que de l’appliquer avec rigueur et respect ?

Il y en a même qui la violent en plein jour sans préservatif, pardon, sans motif plus positifs que l’assouvissement d’impératifs subjectifs purement jouissifs. La démocratie est devenue un alibi pour les entreprises politiques en quête de pouvoir et de gloire. On peut se servir de la démocratie pour agir en son nom sans véritablement se l’approprier dans les faits. De quelle démocratie donc parlons-nous ? En sanctionnant économiquement les nouveaux tenants du pouvoir au Niger, la CEDEAO sait bien que c’est le peuple nigérien en général qu’elle condamne. En menaçant même d’intervenir militairement pour déloger les putschistes de la présidence, elle vient en super héros de la sainte démocratie. Alors, des balles de la CEDEAO faucheront des citoyens de la CEDEAO ? Des roquettes tomberont sur les toits de nigériens et peut-être même que des immeubles entiers s’écrouleront sous la furie de Zorro, mais tout cela ne sera que les dégâts collatéraux de la guerre démocratique. Le plus important ce ne sera pas le nombre de morts ou de blessés, mais la libération d’un président démocratiquement élu mais brutalement déchu. Et on réinvestira sur les cendres du pogrom l’ancien nouveau président en grande pompe en chantant l’hymne glorieux d’une CEDEAO brave et intransigeante. Mais c’est trop facile !

Trop facile de rester les bras croisés et regarder les terroristes massacrer les peuples du Niger, du Mali et du Burkina, sans envoyer la plus petite poignée d’hommes de l’armée de la communauté et être prompt à intervenir militairement au Niger pour libérer et réinstaller le pion manquant du rouage démocratique. C’est trop facile de jouer à la guerre des nerfs contre des putschistes que d’activer le nerf de la guerre contre des terroristes impies et criminels qui endeuillent la sous-région depuis des lustres. De toute façon, le compte à rebours semble commencer et la CEDEAO joue la carte de sa crédibilité moribonde dans un contexte sous régional où son image reste accrochée à des photos de famille croulantes de costumes cravates ou de boubous froufroutants et pendue à ces pusillanimes communiqués sempiternels de l’éternel recommencement. Mais une chose est sure, tant qu’il y aura la mal gouvernance dans les girons douillets de la démocratie en Afrique, la grande muette se fera entendre. Tant que la CEDEAO fermera les yeux sur le syndrome « antidémocratique » du troisième mandat, il ne saura taper du poing sur la table pour intimider les coups d’Etat à la kalachnikov. Et avec ce qui s’est passé au Niger, même les dieux de la démocratie semblent se gratter la tête nue face au casse-tête qui fait tomber des nues !

Clément ZONGO clmentzongo@yahoo.fr

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