Depuis le 23 juillet 2022, Hamado Sakandé est le président de l’Union nationale des administrateurs civils du Burkina Faso (UNABF). Dans cet entretien accordé à Sidwaya, l’administrateur civil nous décline sa vision nouvelle de la dynamique qu’il veut impulser à l’union, mais également le rôle que leur corps de métier peut jouer dans la lutte contre l’insécurité.
Sidwaya (S) : Le 23 juillet dernier, vous aviez été porté à la tête de l’Union nationale des administrateurs civils du Burkina Faso (UNABF). Quelle dynamique nouvelle vous comptez impulser à l’union ?
Hamado Sakandé (H.S.) : Je remercie tous les membres de l’association qui nous ont fait confiance en nous confiant la charge de l’association pour les deux prochaines années. L’UNABF est une structure associative qui a vu le jour le 26 avril 2014. Elle regroupe les administrateurs civils, les secrétaires et les adjoints administratifs de la fonction publique de l’Etat du Burkina. Sa vocation première est d’œuvrer pour une administration publique dynamique au service du développement et contribuer à la valorisation et à la visibilité du corps des administrateurs civils. Elle s’inscrit également dans le cercle des associations professionnelles comme une structure d’expertise et de renforcement de capacités de ses membres. Notre pays traverse une période difficile de son histoire, un contexte de restauration de l’intégrité territoriale et de refondation de l’Etat. Ainsi, il serait question pour nous de travailler à professionnaliser davantage l’UNABF pour qu’elle puisse apporter sa contribution à l’édification d’une administration publique moderne au service du développement socioéconomique du Burkina Faso.
S : Pour les deux ans que va durer votre premier mandat, quels seront les défis à relever par le nouveau bureau ?
H. S. : Pour les deux ans, les défis à relever seront ceux de l’union, la cohésion et la valorisation du corps des administrateurs civils du Burkina Faso. En effet, nous pensions œuvrer à matérialiser une solidarité agissante entre les différents emplois du corps afin que les adjoints et les secrétaires administratifs sentent qu’ils sont tous administrateurs civils aspirants. A cela s’ajoute, la cohésion entre les différentes structures faitières des administrateurs civils. A titre illustratif, nous avons en dehors de l’UNABF, le Syndicat national des administrateurs civils, secrétaires administratifs et adjoints administratifs du Burkina (SYNACSAB) et l’Alliance nouvelle administration générale (ANAG). Nous travaillerons à une synergie d’actions entre ces différentes structures pour la visibilité et le bien-être des administrateurs civils.
S : Certains de vos pairs estiment que votre corps de métier n’est pas suffisamment valorisé. Etes-vous d’avis et pourquoi cet état de fait ?
H. S. : Je partage entièrement leur point de vue. En effet notre ministère de tutelle est un ministère régalien. Au terme des dispositions du décret n°2016-878/PRES/PM/MATDSI/MINEFID du 13 septembre 2016 portant organisation administrative du territoire et attribution des chefs de circonscription administrative au Burkina Faso, 90% des chefs des circonscriptions administratives c’est-à-dire les préfets, les hauts-commissaires et les gouverneurs sont nommés parmi les administrateurs civils. En plus, 90% des agents qui animent les circonscriptions administratives, c’est-à-dire les préfectures, les hauts-commissariats et les gouvernorats relèvent de notre corps de métiers. Malheureusement, les chefs de circonscriptions administratives qui assurent l’unité de la représentation de l’Etat, la coordination des services publics et l’exercice de la puissance publique travaillent dans des conditions qui laissent à désirer. Le comble est que les agents qui relèvent de notre corps de métiers n’ont aucune indemnité spécifique. C’est aujourd’hui, le seul corps régalien à n’avoir pas connu d’amélioration de ses conditions de vie et de travail. Mais dans un contexte de refondation de l’Etat et de restauration de l’intégrité territoriale, nous avons espoir que quelque chose sera fait pour motiver les agents de ce noble corps d’élite.
S : Prenant le cas des préfets, selon certaines opinions, c’est un poste qui doit être simplement supprimé parce qu’avec la configuration de notre administration, ils sont sans pouvoir de décision dans nos départements, provinces…Quelle est l’utilité d’un préfet dans notre administration ?
H. S. : Je respecte leurs points de vue. Mais je dirais que l’orientation de l’organisation du territoire c’est-à-dire la suppression ou l’ajout d’un échelon au niveau des circonscriptions administratives relève d’une décision politique. Cependant, je peux donner mon avis technique, mais dans un cadre global de réforme de l’organisation du territoire. Pour ce qui est de l’utilité du préfet dans notre administration, elle est mise en évidence par les dispositions du décret 878 que j’ai ci-dessus cité. En effet le préfet est le dépositaire de l’autorité de l’Etat dans le département, le représentant du chef de l’Etat, le délégué du gouvernement, le représentant de chaque ministre dans le département, il veille à l’exécution des lois, des règlements et des décisions du gouvernement dans le département, il est le président du tribunal départemental.
S : Le 3 août dernier, le gouvernement de la Transition a opéré un vaste mouvement des administrateurs civils. Pensez-vous que ces changements pourront contribuer à la bonne marche de notre administration ?
H. S. : Sans doute ! Vous savez, l’une des particularités de l’administration est qu’elle est capable d’introduire des mutations en son sein tant au niveau institutionnel qu’au niveau des ressources humaines pour apporter un souffle nouveau à son fonctionnement. Dans l’ensemble, je félicite le MATDS pour ce grand mouvement et mieux je souhaite que cette pratique soit instituée chaque trois ans afin de permettre à chaque agent d’apporter sa contribution. Cette pratique de rotation administrative des agents est bien appréciée au ministère en charge des affaires étrangères et le MATDS peut s’en inspirer. C’est vrai que selon une certaine presse, il y a des grognes en sourdine dans les rangs des préfets relevés de leurs fonctions. Mais, il n’en est rien. Les préfets sont des cadres de l’administration générale et ils connaissent les principes élémentaires de fonctionnement de l’administration publique. Du reste, ils ont prouvé par leur compétence dans les différentes circonscriptions administratives qu’ils ont occupé pendant au moins six ans et je ne doute pas que d’autres missions leur seront confiées. C’est l’occasion pour moi de leur traduire mes vives félicitations pour le travail abattu.
S : Dans certains cas, des agents ont reçu une double nomination. Comment peut-on remédier à ces situations ?
H. S. : Il y a eu effectivement des agents qui ont été nommés doublement et même un défunt parmi les promus. C’est déplorable, mais ce sont des erreurs administratives qui arrivent souvent. J’ai en souvenir que le 8 juillet 2016, il y a eu un mouvement de hauts-commissaires et de préfets de même ampleur que celui du 03 août passé qui a connu presque les mêmes difficultés. Je souhaite la perfection dans notre administration quotidienne, mais je pense sincèrement que c’est la première fois que des erreurs sont minimisées dans des mouvements de personnel dans un ministère qui connait des fusions et des scissions à chaque remaniement ministériel. En somme, les agents prendront service dans un poste et les postes vacants seront constatés et pourvu en conseil des ministres. Mais pour parfaire, il va falloir aussi que les services de gestion des ressources humaines se dotent de logiciels modernes pour parer à d’éventuelles situations regrettables.
S : Les administrateurs civils sont répartis sur tout le territoire national. Quelle peut être votre contribution à la lutte contre l’insécurité ?
H. S. : La lutte contre l’insécurité est une question qui interpelle tous les Burkinabè. Chacun doit apporter sa contribution pour une réponse appropriée aux défis qui s’imposent à notre pays. Pour le cas particulier des administrateurs civils, je dirais qu’ils participent à la résilience des populations face à cette guerre en continuant d’animer les circonscriptions administratives (gouvernorats, hauts- commissariats et préfectures) malgré les risques. Aussi, il faut ajouter que les chefs des circonscriptions administratives dont la majorité relève du corps des administrateurs civils sont des officiers de police judiciaire. Ils sont responsables du maintien de l’ordre public et de la sécurité dans les circonscriptions administratives. L’article 107 du décret n°2016-878/PRES/PM/MATDSI/MINEFID du 13 septembre 2016 portant organisation administrative du territoire et attribution des chefs de circonscription administrative au Burkina Faso dispose qu’en cas d’état de siège et d’état d’urgence le préfet exerce automatiquement les prérogatives de coordonnateur de la défense civile sur son territoire. A ce titre, en rapport avec les autorités militaires habiletés : il peut mettre en œuvre un plan de réquisition générale ou partielle, un programme de patrouille des forces de défense civile, la tranche départementale de l’effort de guerre, du rationnement et/ou de l’approvisionnement spécial. Ainsi, le gouvernement peut actionner sur ce levier déjà prévu par les textes pour apporter une nouvelle dynamique à la lutte contre l’insécurité. Tout compte fait, l’administrateur civil intervient presque dans tous les pans de l’administration du territoire. Pour se faire, il faut une amélioration des conditions de vie et de travail des chefs de circonscriptions administratives et partant, du corps des administrateurs civils et une réforme du secteur de la sécurité pour une meilleure coordination de la sécurité intérieure et de la défense civile.
Abdel Aziz NABALOUM
emirathe@yahoo.fr
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