Depuis le 17 septembre 2022, le Sénégal a un nouveau Premier ministre, Amadou Ba, la soixantaine sonnée. La nomination de cet inspecteur des impôts et des domaines marque le rétablissement du poste de chef du gouvernement, supprimé en mai 2019 et réinstauré en décembre 2021, par le président Macky Sall. Cette suppression qui était censée fluidifier le fonctionnement de l’Etat sénégalais n’a pas tenu longtemps, à cause des impératifs de gouvernance. Le chef de l’Etat n’avait pas d’autre choix que de se décharger, lui qui assure la présidence en exercice tournante de l’Union africaine (UA), depuis début 2022. Investi des pleins pouvoirs, l’ancien ministre des Finances et des Affaires étrangères devra diriger un gouvernement remanié de 38 membres, dont 8 femmes. Et sa tâche ne s’annonce pas aisée, à l’heure où le pays de la Téranga est confronté à plusieurs défis.
Le Sénégal est un pays très divisé politiquement, à cause des tensions permanentes, alimentées par la supposée ou déguisée volonté de Macky Sall de briguer un 3e mandat en 2024. Celui-ci s’est engagé à respecter la Constitution de son pays, au terme de son second mandat. Mais que valent les paroles des hommes politiques qui tournent casaque au gré de leurs intérêts ? Par ces temps qui courent, l’opposition qui a réussi une percée historique aux récentes législatives et la majorité présidentielle se regardent en chiens de faïence. C’est à croire que les deux camps s’en veulent à l’usure. L’élection du président de l’Assemblée nationale, Amadou Mame Diop, le 12 septembre dernier, a donné à voir des scènes chaotiques qui n’honorent pas la démocratie sénégalaise. Ce scrutin, boycotté par l’opposition, a été marqué par des injures et des bagarres, une situation qui a amené les gendarmes à intervenir dans l’Hémicycle. Le nouveau Premier ministre, Ba marche donc sur des braises. Le climat politique, dans lequel il arrive aux affaires, est très tendu et propice aux étincelles. Le chef du gouvernement devra user de tact et de diplomatie pour calmer les esprits. Il doit œuvrer à ce que l’atmosphère politique ne se détériore pas dangereusement, dans un pays qui a pourtant des leçons de démocratie à donner sur le continent. Cacique du pouvoir, Amadou Ba, qui a connu une traversée du désert à un moment donné de sa carrière, devra aussi s’activer sur le plan social.
La « vie chère » malmène au quotidien les Sénégalais, au point qu’ils ne savent plus à quel saint se vouer. Les prix des produits de première nécessité grimpent. Les coûts des loyers explosent. Le quatrième Premier ministre de Macky Sall devra travailler à soulager les souffrances de ses compatriotes par de nouvelles mesures, en menant au préalable de larges concertations. D’autres défis, telle la lutte contre les inondations, figurent dans son agenda. Certes, le Sénégal est géographiquement exposé aux risques et catastrophes, mais des problèmes d’aménagement et d’urbanisme ont perpétué ce phénomène, accentué du reste par le dérèglement climatique. Ces quinze dernières années, le pays de Léopold Sédar Senghor a connu plusieurs inondations, avec leur lot de morts et d’importants dégâts. Même la banlieue dakaroise n’échappe pas à la furie des eaux des pluies diluviennes. Les inondations constituent un véritable casse-tête pour l’Etat sénégalais qui est confronté à un cycle infernal. Comment vaincre le signe indien ? Amadou Ba devra s’atteler à trouver une thérapie de choc à ce fléau. Nombreux sont les défis qui l’attendent. Il n’aura pas des nuits paisibles. Beaucoup d’espoirs reposent sur ses épaules…
Kader Patrick KARANTAO