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Procès Dabo Boukary : « J’étais tenu par le secret militaire », Gilbert Diendéré

Le procès de l’étudiant Dabo Boukary, débuté le lundi 19 septembre, s’est poursuivi, le mardi 20 au Tribunal de grande instance Ouaga II.

L’audience du mardi 20 septembre 2022 dans le cadre du procès de l’étudiant Dabo Boukary, débuté la veille s’est poursuivie par l’interrogatoire de l’accusé Gilbert Diendéré. Poursuivi pour séquestration, complicité de séquestration et de coups et blessures, le général Diendéré a dû se soumettre aux questions de la partie civile ainsi que de la défense toutes motivées par la recherche de la vérité. A la question des avocats de la partie civile de savoir si l’accusé a donné l’ordre de séquestrer des étudiants dont Dabo Boukary, le 19 mai 1990, celui-ci a répondu par la négative. « Je n’étais même pas au courant de leur arrestation. Ce n’est que lorsqu’un d’entre eux est décédé que j’ai été informé», a-t-il déclaré. Mais lorsqu’une première vague d’étudiants avaient été arrêtés le 16 mai, vous prétendez avoir plaidé auprès du président pour leur libération. Pourquoi n’avez-vous donc pas pris de mesures pour empêcher les nouvelles arrestations ? A cette question des avocats, le Gal a noté que cette seconde arrestation tout comme la première était l’œuvre d’éléments incontrôlables du Centre national d’entraînement commando de Pô (CENEC) dont Gaspard Somé qui ont agi à son insu en tant que chef de corps. Mais vous pouviez les sanctionner à la première faute commise pour éviter qu’ils ne récidivent ! A cette remarque de Me Ambroise Farama, avocat de la partie civile, le gal a noté que Gaspard Somé et un groupe de militaires qui assuraient la sécurité rapprochée du président étaient des « super officiers » à l’époque en ce sens qu’il était presqu’impossible de les toucher. « Je n’ai jamais voulu de Gaspard dans mon équipe, mais on me l’a imposé.

Lui et un groupe d’officiers se croyaient tout permis parce qu’ils assuraient la sécurité du président et ils se disaient que c’est grâce à eux que le Front populaire est arrivé au pouvoir », a souligné l’accusé. Faisant cas de la démission du chef d’Etat major de l’époque Louis Joanny Yaméogo pour avoir été empêché de radier un de ses éléments à la suite de son implication dans le décès d’un civil dans un bar lors d’une altercation, la partie civile a voulu comprendre pourquoi le gal Dienderé n’a pas fait de même lorsqu’il était confronté à l’incapacité de sanctionner certains de ses éléments dont Gaspard Somé. Réagissant à cela, l’accusé a indiqué qu’il était un jeune officier qui n’avait pas le courage de prendre une telle décision. Poursuivant leur série de questions, les avocats de la partie civile ont voulu comprendre pourquoi l’accusé qui affirme n’avoir pas été informé de la seconde arrestation d’étudiants le 19 mai alors qu’il s’est chargé du transfert et de l’inhumation du corps de Dabo Boukary à Pô lorsque celui-ci a succombé aux sévices subis ?

« J’ai reçu des instructions »

Sur ce point, Gilbert Diendéré a confié avoir reçu des ordres à cet effet de la part du chef de l’Etat Blaise Compaoré. Mais pourquoi vous n’avez pas informé la famille de Dabo Boukary ni ses camarades de son décès vu qu’ils le recherchaient ? Répondant à cette question, l’accusé a indiqué qu’il était tenu par le secret militaire en ce sens que les faits se sont déroulés dans une caserne militaire. Et Me Bénéwendé Sankara avocat de la partie civile de rétorquer l’air remonté: le secret militaire permet-il d’enlever un civil, de le torturer à mort et de cacher son corps ? Revenant à la charge, le gal Diendéré a insisté sur le fait qu’il n’avait pas été informé de l’arrestation de Dabo Boukary et qu’il a été mis au courant une fois ce dernier décédé.

Toute chose que les parties civiles Aboubacar Coulibaly, Sambéré Ouattara et Nigbé Somé ont réfuté en bloc lors de leurs déclarations. Aboubacar Coulibaly qui dit avoir été arrêté avec Dabo Boukary dans la nuit du 19 mai a déclaré avoir été conduit avec son camarade au Conseil de l’entente (CE). C’est là, s’est-il rappelé qu’ils ont subi plusieurs sévices corporels avant d’être enfermés dans une cellule avec deux autres étudiants qui y étaient déjà. De ce qu’il a dit, c’est une fois dans la cellule que Dabo Boukary est passé de vie à trépas à la suite des sévices subis. Et M. Somé d’ajouter qu’avant son décès, eux et Dabo Boukary ont été exfiltrés de leur cellule vers l’extérieur pour écrire leurs noms sur une liste. Et pendant qu’ils étaient reconduits en cellule, le défunt qui avait déjà de la peine à marcher selon ses camarades a vomi du sang avant de tomber au sol une fois dans son cachot. « Il ne s’est plus relevé. Il a commencé à agiter ses deux pieds et il a rendu l’âme », a relaté son camarade Somé. Mais que s’est-il passé après le décès de Dabo Boukary ?, a voulu savoir la cour. « Lorsqu’un des éléments de sécurité est venu constater son décès, il est ressorti tout silencieux pour certainement prévenir sa hiérarchie. Quelque temps après, le gal Dienderé est venu constater la situation avant qu’un cargo ne vienne chercher le corps », a confié Somé. Pour avoir été des témoins de cet incident, les camarades de cellule de Dabo Boukary ont déclaré avoir été conduits à Pô où ils ont été « gardés » pendant des mois dans le camp militaire. Ce n’est que quelques mois après qu’ils ont été ramenés à Ouagadougou avec une proposition de rejoindre l’armée ou poursuivre leurs études à l’université. Seul Sambéré Ouattara aurait décidé d’intégrer l’armée. Les autres ont repris leurs études à l’université. Aboubacar Coulibaly, une fois libéré, a confié avoir rencontré le comité de l’Association nationale des étudiants burkinabè (ANEB) pour leur faire part du décès de Dabo Boukary auquel il a assisté.

De l’implication de feu Salifou Diallo

Cité dans le dossier pour avoir joué un rôle dans l’arrestation des étudiants, feu Salifou Diallo, directeur de cabinet du président du Faso à l’époque aurait été effectivement selon le gal Diendéré informé de la situation. « Lorsque les premières arrestations ont été faites, je suis allé plaider auprès du chef de l’État pour qu’ils soient libéré.

Après cela, feu Salifou et le recteur de l’université de l’époque sont venus au camp pour qu’on procède à la libération de la première vague d’étudiants arrêtés », a-t-il soutenu. Me Halidou Ouédraogo, président du Mouvement burkinabè des droits de l’homme et des peuples (MDHP) à l’époque a indiqué être entré en contact avec Salifou Diallo afin de plaider pour la libération des étudiants arrêtés le 16 mai 1990. Poursuivant, il a confié avoir reçu un appel de celui-ci plus tard qui l’informait qu’ils ont été effectivement libérés. Par ailleurs, pour le cas spécifique de Dabo Boukary, Me Ouédraogo a confié que jusqu’en 1997, ses camarades qui avaient fait cas de sa disparition n’avaient toujours pas de ses nouvelles. Ils étaient donc obligés, après avoir épuisé tous les recours nationaux de saisir la Commission africaine des droits de l’homme et du peuple (CADHP) qui a reconnu l’Etat burkinabè coupable d’arrestation et de séquestration aggravée. Une décision qui, est-il convaincu, a valeur juridique. Toute chose que les avocats de la défense ont réfutée affirmant que la commission qui ne faisait pas office de Cour à l’époque ne pouvait pas rendre de décision. Ce qui a été contredit à nouveau par les avocats de la partie civile qui ont estimé qu’avant la création de la Cour, la commission avait pouvoir de décision. Face à ce jeu de ping-pong entre les deux parties, le président du tribunal a décidé d’y mettre un terme en attendant que chaque partie y revienne lors de sa plaidoirie. C’est aux environs de minuit que l’audience a été suspendue dans l’optique de reprendre ce mercredi avec les déclarations des témoins restants et les plaidoiries des deux parties.

Nadège YAMEOGO

Me Halidou Ouédraogo victime d’acharnement de la défense ?

Cité comme témoin dans l’affaire Dabo Boukary, Me Alidou Ouédraogo a été entendu lors de l’audience sur ce qu’il connait de l’affaire. Mais très vite, sa déclaration a suscité de nombreuses interventions de la défense qui, après avoir émis des doutes sur celle-ci, ont voulu le questionner davantage sur ses relations personnelles avec feu Salifou Diallo qui était selon lui un « bon petit frère du quartier ». Salifou Diallo et Alidou Ouédraogo auraient plus tard servi ensemble l’ancien président Blaise Compaoré, l’un en tant que directeur de cabinet et l’autre comme conseiller juridique. Les avocats de la défense ont donc dit ne pas comprendre réellement les relations qu’ils entretenaient. D’où leurs nombreuses questions en vue d’en savoir davantage. Au regard de la nature des questions qui devenaient à la limite agaçantes pour le témoin, ils ont été interpellés par le président de séance sur le fait que Me Alidou Ouédraogo comparaît en tant que témoin et non en tant qu’accusé. Il a donc dit de ne pas comprendre le point d’honneur mis par la défense sur ses relations personnelles avec feu Salifou Diallo et a demandé à ce qu’ils y sursoient. N.Y

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