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Littérature :« Le secteur privé doit investir dans le livre » Auguste Jean-Yves Nébié, Journaliste, Poète

 

Il est auteur de deux recueils de poèmes. « Le silence des morts » paru en octobre 2021 et « Des fleurs et des épines » sorti en juillet 2022. Grand amoureux de la lecture et de l’écriture, Auguste Jean-Yves Nébié, puisque c’est de lui qu’il s’agit, est aussi journaliste, Rédacteur en Chef du journal Infos Science Culture. Pour l’écrivain, la lecture doit occuper davantage de la place dans le système éducatif. Il a accordé une interview à Faso-actu.net, le jeudi 08 septembre 2022, à Ouagadougou. Au menu des échanges, sa passion pour l’écriture et sa vision pour le monde du livre. 

Faso-actu.net (FA) : C’est quoi l’histoire entre vous et l’écriture ?

Auguste Jean-Yves Nébié (A.J.Y.N) : J’écris parce que je vis. J’ai mille et une vies éphémères qui méritent toutes un poème. Un poème, c’est le signe que je vis. Quand j’ai commencé à écrire mes premiers poèmes, ce n’était pas forcément pour être lu. J’écrivais d’abord pour moi-même.

Pour me libérer, pour me défouler sans être jugé ou critiqué. J’éprouvais le plaisir de me confier à ma feuille, de lui raconter mes sentiments. J’écrivais mes joies, mes amours, mes beaux instants de bonheur, mes peines, mes déceptions, mes douleurs, mes opinions.

J’écrivais quand je me sentais seul ou triste, quand j’avais un coup de foudre et que je ne pouvais pas en parler. Parler parfois de ses sentiments peut être une épreuve. J’avais peur de m’ouvrir, de laisser un œil extérieur, inquisiteur, sonder mon jardin.

Ainsi, j’éprouvais un certain réconfort lorsque, par l’intermédiaire de mes doigts et du stylo, mon cœur se confiait aux oreilles discrètes de mon journal intime.

Par la suite, j’ai commencé à écrire sur mon compte Facebook. Pour parler à d’autres personnes. Pour m’ouvrir au monde. Parce que tout ce que les autres font me touche. Parce que je vis dans un environnement.

Alors, j’ai écrit pour marquer ma présence, pour soumettre le temps. J’ai écrit parce que je ne veux pas mourir. Parce que je veux laisser quelque chose de moi. Quelque chose de durable.

J’ai écrit pour interpeller, pour dénoncer, pour me révolter. Parce que nos maux (la guerre, le terrorisme, la haine, la mort, la misère, l’intolérance, la faim, les violences, l’exode, les injustices, etc.) ont creusé, ont incrusté dans chacune de nos âmes des cicatrices, des larmes et des douleurs indicibles. J’ai écrit pour que les choses changent.

Chaque vers que j’ai écrit porte sur ses fragiles épaules une larme, une douleur géante, un coup de gueule, une déception, une joie, un instant fugitif de bonheur, un rêve, une vision, une prière, un espoir.

Chaque vers est une histoire, né du désir de créer un monde où l’amour du prochain inonde chaque ruisseau de nos êtres.

C’est pour toutes ces raisons que j’écris, que je vous offre ces deux recueils de poèmes inspirés de nous : Le silence des morts ; Des fleurs et des épines. Acceptez ces modestes peintures de nous !

FA : Quels sont les thèmes que vous abordez dans vos écrits ?

A.J.Y.N : J’aborde divers thèmes dans mes écrits. Il y a la question centrale du terrorisme qui revient dans les deux œuvres, parce que nous avons assez de douleurs causées par le terrorisme que beaucoup n’arrivent pas à exprimer. Non pas parce qu’ils n’ont pas envie, mais parce qu’ils n’ont souvent pas les mots pour décrire ces douleurs. Je pense à cette mère, à ce père qui a perdu un fils ou une fille. Je pense à cette femme qui a perdu un époux ou cet homme qui a perdu une épouse. Ces frères qui ont perdu un être cher à cause du terrorisme. Ils sont assis avec cette douleur et ça les travaille.

Il y a aussi l’amour dans toutes ses dimensions, les changements climatiques, les violences faites aux femmes et aux hommes, la pauvreté, la dépression, l’absence d’un être cher, le sourire, la sérénité, l’espoir, la mort, etc.

FA : Aujourd’hui, invitez-vous les jeunes à la lecture ou plutôt à l’écriture ?

A.J.Y.N : Je les invite à écrire et à lire. Parce qu’il faut bien écrire pour s’exprimer. Et je le dis dans le poème “Ecrire pour guérir“. Il faut s’exprimer et ne pas laisser les douleurs nous empoisonner la vie. Il faut écrire pour guérir. Si nous ne pouvons pas parler, nous devons écrire. Ensuite, je les invite à lire parce que la lecture ouvre l’esprit. Si on ne lit pas, on s’enferme dans une prison. C’est comme la caverne de Platon. La lecture permet de rentrer dans un autre monde pour découvrir de nouvelles choses.

FA : On remarque que des gens s’intéressent de moins en moins à la lecture surtout avec l’avènement des réseaux sociaux où les jeunes préfèrent les courts messages et vidéos. Quel est votre avis par rapport à ce phénomène ?

A.J.Y.N : Cette jeunesse doit comprendre que la lecture est très importante, même sur les réseaux sociaux. Il y a des pages où l’on apprend beaucoup. Il y a des pages qui donnent des cours d’orthographe.  On peut y apprendre des recettes de cuisine, des astuces et règles sur la poésie. Il y a des pages de personnalités politiques, de chercheurs, d’experts avérés dans plusieurs domaines où l’on apprend beaucoup de choses. Il faut forger sa personnalité en apprenant des autres, car c’est ça aussi l’intérêt de la lecture. C’est-à-dire qu’il faut se départir des pages de ragots et de propagation de fausses informations qui n’apportent rien. Il est bien de se divertir. Mais il faut se divertir sainement.

FA : Aujourd’hui dans cette lutte contre le terrorisme, quelle est la contribution de l’écrivain, selon vous ?

A.J.Y.N : Le poète ou l’écrivain vit dans un temps précis. Aujourd’hui, nous avons toutes ces attaques terroristes et les drames qu’elles provoquent. Et l’écrivain doit se révolter et s’engager. Il faut écrire pour dénoncer, sensibiliser. Écrire pour rappeler les valeurs importantes qui nous unissent et font de nous des humains : la sacralité de la vie, l’amour du prochain, l’intégrité, la tolérance, la probité, la solidarité. Il faut écrire pour susciter l’espoir. En ces temps difficiles, le poète et tous les écrivains ont la responsabilité d’éclairer la marche vers l’horizon du bonheur. Tous les créateurs d’œuvres de l’esprit doivent jouer leur rôle. C’est très important.

FA : Quelle est la difficulté aujourd’hui d’être écrivain ?

A.J.Y.N : Que ce soit le poète, le romancier, le nouvelliste ou l’essayiste, nous avons pratiquement le même problème : l’industrie du livre au Burkina Faso n’est pas structurée. On a des maisons d’édition, par exemple, où toutes les chaines ne sont pas présentes. Certaines maisons vous diront de payer une certaine somme pour la correction des œuvres, mais on se retrouve toujours avec des fautes à l’intérieur de l’ouvrage. C’est vrai que toute œuvre humaine n’est pas parfaite, mais je pense qu’on devrait réduire les fautes. Aujourd’hui, on trouve beaucoup de maisons d’édition qui ne sont pas aussi professionnelles.

Après cela, il y a le marché du livre. Quand le livre sort, même s’il est de bonne qualité, les gens ne lisent pas. Et notre combat aujourd’hui, c’est d’aller vers les gens pour les inciter à lire. Comme le dit le poète Emile Lalsaga, il faut que l’écrivain burkinabè aille conquérir son public. Et ce public, ce sont les élèves, les universitaires, etc. Il faut donc aller vers eux à travers des cafés littéraires, afin de les amener à s’intéresser à la littérature, même si c’est sur des plateformes numériques.

L’écrivain burkinabè doit sortir de son anonymat pour qu’on puisse le connaitre. Si le monde occidental est ce qu’il est aujourd’hui, c’est en grande partie grâce à ses philosophes écrivains qui ont forgé les pensées. Donc l’écrivain burkinabè doit forger les pensées et valeurs à inculquer aux générations à venir. Il faut revoir la place de l’écrivain dans notre système éducatif.

Par ailleurs, il est nécessaire de structurer le domaine de la distribution des œuvres littéraires. Les écrivains produisent. Mais ils ont du mal à distribuer leurs œuvres. Ils sont obligés de distribuer eux-mêmes leurs œuvres.

FA : Quand on parle de culture, avez-vous l’impression en tant qu’écrivain que le ministère de la culture a tendance à oublier le livre au profit de la musique ou d’autres arts ?

A.J.Y.N : Déjà, il y a un regard particulier sur le livre parce qu’il y a une foire du livre qui est là. Il s’agit de la Foire internationale du livre de Ouagadougou (FILO). Également lors de la Semaine nationale de la Culture, il y a une tribune pour ça. L’État fait sa part. Même si on lui demande encore plus d’efforts.

Les écrivains doivent aussi faire la leur, en proposant des œuvres de qualités répondant aux besoins des lecteurs.

Les amoureux de la lecture doivent jouer leur rôle en parlant des écrivains, en achetant les œuvres. Aujourd’hui, les gens courent vers le numérique pour s’amuser. Il faut leur proposer des contenus à la fois éducatifs et de distraction.

Combien sont ceux qui ont déjà acheté des livres pour leurs enfants ? Ils sont très peu. Les parents préfèrent acheter des smartphones tout en oubliant d’acheter des livres pour les enfants. Il faut inclure la lecture dans l’éducation de son enfant. Un enfant qui lit est un enfant qui réfléchit.

Même dans les compagnies de transport, il serait bien de proposer des livres, des journaux aux gens. Il faut également mettre des bibliothèques dans les services. La lecture doit prendre une grande place dans nos habitudes.

Par ailleurs, le secteur privé doit investir dans le livre. Par exemple, nous n’avons pas d’agences de promotion littéraire. Ces maisons sont importantes pour la promotion des œuvres littéraires. Ailleurs, des écrivains ont des agents pour faire leur promotion et celle de leurs œuvres. Les écrivains ne font que penser et créer. Ici, on n’en a pas. C’est toute une politique et des actions concrètes qu’il faut mettre en œuvre.

Les acteurs privés doivent créer des espaces de lectures, des bibliothèques, des agences de promotion littéraire, de grands espaces de distribution, etc.

FA : Votre mot de la fin !

A.J.Y.N : Merci véritablement pour cet entretien que vous m’avez accordé pour parler de mes œuvres et du livre. Nous devons dire aux gens de lire car celui qui ne lit pas, ne peut pas se développer. C’est en lisant qu’on se forme. J’exhorte les Burkinabè à acheter les livres parce que cela permet à l’industrie de fonctionner et de se sentir fière. Si à l’intérieur du pays les gens ne nous lisent pas, c’est difficile. Ailleurs, les gens vivent de leur art mais au Burkina Faso, ce n’est pas le cas. L’industrie n’est pas développée et il faut travailler pour son développement.

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Encadré

« Le silence des morts » et « Des fleurs et des épines »

Des thèmes d’actualité à découvrir !

Des titres assez intéressants sont dévoilés dans ces ouvrages. C’est entre autres, « La planète agonise », dans sa première œuvre « Le silence des morts », où l’auteur s’exprime sur les dangers du changement climatique, l’importance des arbres et fait une sensibilisation sur la pollution de l’environnement.

Dans le poème éponyme, « Le silence des morts », le poète dénonce le terrorisme qui endeuille les familles, qui brise les liens sociaux à travers son lot de décès et de déplacements de population. Ce poème parle de l’absence des Hommes tombés pour cette Nation. Il essaie de traduire la douleur des victimes directes ou indirectes de ce fléau, qui ronge le pays des hommes intègres. Aussi dans « La mort : meurs ! », Auguste Jean-Yves Nébié demande à la mort de se prendre elle-même pour laisser l’humain vivre.

Dans « Des fleurs et des épines », l’auteur aborde divers thèmes dont l’amour de la patrie, la perdition de l’humain, l’amour, l’espoir, etc. On a des titres comme « Où est passé l’humain ? », « Allons au soleil », « Je ne suis pas un talisman », « Ô Solhan ! », « Les oubliés », « Avè Caesar », « Enfants soldats ! », « Vivre ensemble », etc.

« Le silence des morts » est disponible à quatre mille francs CFA (4 000 frs CFA). « Des fleurs et des épines » est également disponible à trois mille francs CFA (3 000 frs CFA).

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