mondiale. Il est l’une des principales causes de mortalité dans le monde. Plus de 19 millions de nouveaux cas de cancer avec 10 millions de décès ont été enregistrés en 2020. Cette maladie qui touche plusieurs organes humains est aussi un problème de santé publique au Burkina Faso. Le cancer du sein fait partie des tumeurs les plus courantes. Dans cet entretien accordé à Sidwaya, Dr Esdras Pawendtaoré Zongo, médecin spécialiste en oncologie et radiothérapie en fin de formation, revient sur la situation épidémiologique de la maladie, les facteurs de risque, les signes et les moyens thérapeutiques.
Le cancer est un problème de santé Sidwaya (S) : Les cancers sont un problème de santé publique dans le monde et particulièrement au Burkina Faso. Qu’est-ce qu’un cancer ?
Dr Esdras Pawendtaoré Zongo (E.P.Z.) : Selon le centre de cancérologie voué aux soins des patients, à la recherche et à l’éducation aux Etats-Unis, le cancer peut se définir comme une maladie des cellules. En gros, le cancer est une maladie des cellules, mais d’une cellule normale qui a subi des mutations pour devenir une cellule anormale qui, à son tour, va se multiplier et donner la tumeur.
S : Quels sont les différents types de cancers que l’on rencontre ?
E. P. Z. : On rencontre plusieurs types de cancers appelés généralement dans le jargon médical, les types histologiques. Il y a les carcinomes épidermoïdes, les adénocarcinomes et aussi au niveau de l’appareil urinaire, les carcinomes urothéliaux. Ces différents types de cancers partent des différentes cellules qu’on appelle les cellules glandulaires qui vont donner les adénocarcinomes en général et les cellules épithéliales qui vont donner tout ce qui est du carcinome épidermoïde. Ces types histologiques peuvent se retrouver dans différents organes : le sein, le foie, la prostate, la vessie, l’estomac, le tube digestif, la tête, le cou. Ces entités vont nous permettre de répartir les cancers en fonction de l’organe qui est touché. C’est pour cela qu’on parle du cancer du sein, du cancer de l’estomac.
S : L’un des cancers les plus répandus est celui qui touche le sein. Quelle est la situation épidémiologique de cette maladie au Burkina Faso ?
E. P. Z. : Le cancer du sein est un véritable problème de santé publique actuellement. On peut le définir comme étant une tumeur maligne qui s’est développée au niveau des cellules ducto-lobulaires du sein. Il est le premier cancer de la femme dans le monde et représente la deuxième cause de mortalité chez la femme. Mais, grâce aux différents dépistages faits de manière systématique et aussi à la connaissance des différents facteurs de risques, on note une nette diminution de la mortalité ces dernières années. Au Burkina Faso, les données de Global Cancer Observatory (GLOBOCAN) de 2020 indiquent qu’on a eu un nombre de 1 927 nouveaux cas de cancers du sein avec une mortalité d’environ 1 143 patientes. Le nombre est assez minime. Cela ne signifie pas qu’on n’a pas assez de cancers du sein, mais parce que pour l’instant, on n’a pas de registre pour répertorier tout ce qui est cancer et particulièrement celui du sein. Ce sont les données de différents centres qui ont été regroupées pour donner cet ensemble.
S : Quels sont les facteurs de risque du cancer du sein ?
E. P. Z. : On a de multiples facteurs de risque qui sont d’origine environnementale ou génétique. En gros, il y a huit facteurs de risque. Premièrement, il y a l’âge et le sexe. L’incidence du cancer du sein augmente avec l’âge et cela double presque tous les dix ans jusqu’à la période de la ménopause. Un cancer du sein qui survient avant 35 ans chez une femme traduit la susceptibilité d’une transmission génétique. Généralement, le pic du cancer du sein se rencontre autour de 60 à 70 ans. L’homme aussi n’est pas épargné. Selon les études, environ 1% des hommes vont développer un cancer du sein. Après l’âge et le sexe, il y a les facteurs reproductifs qu’on peut regrouper en trois grandes unités. Primo, il y a l’âge des premières règles et la ménopause. Lorsque les menstrues surviennent précocement, il se produit un déclenchement du système hormonal. La femme qui a des règles précoces est prédisposée à développer au cours de sa vie un cancer du sein. Les règles ou les menstrues qui surviennent chez la jeune fille avant l’âge de douze ans la prédisposent à développer un cancer du sein. En temps normal, elles surviennent à partir de 15 ans. Pour ce qui est de la ménopause, plus la femme tarde à en avoir, plus elle présente beaucoup de risques de développer un cancer du sein. Une ménopause qui survient après 55 ans est un facteur de risque deux à trois fois élevé par rapport à une femme dont la ménopause survient entre 40 et 45 ans. Secundo, il y a la parité et l’âge de la première grossesse. La parité est le nombre d’enfants que la femme a au cours de sa vie. La femme qui n’a pas d’enfant est prédisposée à développer un cancer du sein. Celle qui en a beaucoup a moins de risque d’en développer. Une femme qui a un ou deux enfants est plus prédisposée à développer un cancer du sein, qu’une autre ayant huit ou dix. L’âge auquel la femme a son premier enfant est un facteur de risque. Une femme qui a un enfant après 30 ans est susceptible de développer un cancer du sein et le risque relatif a été évalué à environ 1,5% par rapport à une femme qui a eu un enfant à l’âge de la vingtaine. Tertio, l’allaitement est un facteur protecteur qui permet de protéger la femme contre le cancer du sein. Toute femme qui allaite, c’est un indice qui protège cette dernière du cancer du sein. Nous avons les facteurs exogènes. On entend par facteur exogène, tout ce qui vient de l’extérieur. On a par exemple, la contraception orale qui augmente le risque de cancer du sein, mais de manière faible par rapport au traitement hormonal de la ménopause. Au cours généralement de la ménopause, certaines femmes prennent ces types de traitement alors qu’ils prédisposent la femme à développer un cancer du sein surtout si le médicament a été fait à base d’œstrogènes et de progestérones ou à base de progestérones de synthèse. Les médicaments à base d’œstrogènes seulement ne prédisposent pas la femme à développer un cancer du sein. Ils provoquent le cancer de l’endomètre chez la femme.
S : Quels sont les autres facteurs de risque puisque vous avez dit qu’il y en a huit ?
E. P. Z. : Le quatrième point est l’activité physique et les facteurs anthropométriques, la prise de poids chez la femme. Une femme ayant une activité physique régulière tout au long de sa vie a un risque diminué de développer un cancer du sein par rapport à une autre qui est inactive. En période pré-ménopausique, la prise de poids peut être un facteur protecteur pour ne pas avoir le cancer du sein, alors que chez les femmes post-ménopausiques, l’excès de graisse la prédispose à en avoir. A la ménopause, les ovaires ne produisent plus d’hormones, d’œstrogènes et de progestérones. C’est la graisse que la personne a qui sera la source de production des œstrogènes et de la progestérone et on sait généralement que le cancer du sein est hormono-dépendant. En cinquième position, c’est l’alimentation, surtout l’alcool. Les femmes qui prennent l’alcool ont une prédisposition à long terme à développer un cancer du sein. Il y a en 6e position, les facteurs environnementaux et professionnels. On entend plus par-là, l’exposition aux radiations ionisantes. C’est un facteur de risque très important parce que le risque est multiplié par environ dix, pour une femme qui est exposée à des radiations ionisantes. Des études menées sur des femmes qui ont subi les irradiations au niveau de Hiroshima et de Nagasaki après le largage de la bombe atomique ont démontré qu’elles développaient à long terme en plus d’autres cancers, celui du sein. Sur le plan environnemental, il existe un certain nombre de polluants organochlorés qui sont suspectés d’entrainer un risque accru pour la femme ou l’homme de développer un cancer du sein. Le travail de nuit et la perturbation du rythme de sommeil sont également des facteurs de risque. Une étude concernant surtout les infirmières qui travaillent la nuit menée par le Centre international de recherche contre le cancer a prouvé que sur le plan épidémiologique, ces personnes présentent un risque de développer un cancer, car le rythme circadien est perturbé. On a enfin les facteurs génétiques. Si la mère ou la fille a fait un cancer du sein, les autres membres de la famille ont un risque deux à trois fois de développer cette maladie. Les chercheurs sont arrivés à trouver deux types de gènes qui prédisposent toute femme à développer un cancer qui sont les BRCA 1 et 2 identifiés il y a une vingtaine d’années. Ils sont responsables du cancer du sein, mais aussi de l’ovaire.
S : Qu’est-ce qui peut expliquer l’augmentation du nombre de cas du cancer du sein malgré les actions de sensibilisation ?
E. P. Z. : Plusieurs points peuvent expliquer cette évolution. Nous avons d’abord la méconnaissance des facteurs de risque. Si la population est sensibilisée aux différents facteurs de risque, s’il y a des signes chez soi ou chez une autre personne, des conseils seront donnés de se faire dépister ou de consulter un médecin. Dans notre contexte ensuite, la majeure partie de la population ne consulte pas tôt. Généralement, elle consulte lorsque la maladie est déjà à un stade localement avancé. Aussi, nos habitudes de vie telles que le stress, le manque d’activité physique sont en faveur du cancer du sein. Tout cela concourt au développement du cancer du sein, mais c’est une maladie comme toutes les autres. Il suffit qu’on puisse la détecter tôt et on pourra la guérir.
S : Quels sont les signes qui doivent alerter à aller en consultation ?
E. P. Z. : Les signes sont les circonstances de découverte de la maladie. Le premier point et le plus important, c’est lorsque la patiente ou son médecin va palper une masse ou un nodule au niveau du sein. En termes simples, si la patiente ou le médecin palpe une boule ou un gonflement qui est dur au niveau du sein. Cela peut être le 1er signe en faveur du cancer du sein. On ne dit pas que c’est forcément un cancer du sein parce qu’il y a les tumeurs bénignes ou malignes. Il représente 80% des cas. Le deuxième signe c’est lorsqu’il y a l’écoulement d’un liquide simple ou sanguin au niveau du mamelon, la femme doit aller en consultation. Le 3e signe est la rétraction du mamelon ou lorsqu’il devient rouge ou la femme constate une douleur qu’elle n’arrive pas à localiser. Il y a aussi des signes inflammatoires lorsque le cancer est très avancé. La personne sent que son sein est anormalement rouge, enflammé et chaud, il faut consulter parce le cancer est déjà à un stade localement avancé. Il y a aussi la découverte d’une boule au niveau de l’aisselle. En plus, lorsqu’une femme a une plaie au niveau du mamelon qui ne se cicatrise pas, il faut consulter. Il est judicieux pour une personne qui a ces signes de consulter un gynécologue ou un cancérologue pour plus d’investigation en vue d’infirmer ou de confirmer cela.
S : L’autopalpation des seins par les femmes reste le meilleur moyen pour détecter au plus tôt un cancer du sein. Comment procède-t-on ?
E. P. Z. : L’autopalpation est le moyen le plus efficace pour savoir si on a des signes en faveur du cancer du sein. Pour faire l’autopalpation, il faut aller devant le miroir et inspecter ses deux seins pour vérifier s’il n’y a rien d’anormal, un changement de forme ; si un des seins a grossi plus que l’autre ou si la taille a augmenté, si la peau a changé. Elle essaie également de regarder s’il n’y a pas une rétraction du mamelon. Après cela, elle peut lever son bras droit et l’amener derrière sa tête en prenant les trois doigts au niveau de la main gauche en contrôle latéral, en essayant maintenant de palper le sein droit de manière ferme, attentive et complète. Cette palpation doit commencer de la partie externe tout en parcourant tout le sein et en effectuant des petits cercles. Il ne faut pas oublier d’examiner la partie qui est comprise entre le sein et l’aisselle s’il n’y a pas de boule. S’il y a quelque chose de suspect, elle consulte rapidement son médecin gynécologue ou son médecin cancérologue pour plus d’investigation.
S : Comment faire pour diagnostiquer ?
E. P. Z. : Pour ce qui est du diagnostic, on peut avoir trois grands volets. Il y a le diagnostic à partir des examens para-cliniques, c’est-à-dire les examens de l’imagerie. De manière pratique, on a la mammographie. Lorsque la patiente est symptomatique ou lorsqu’on suspecte un cancer du sein, la mammographie peut être réalisée à partir de 30-35 ans. Mais lorsque, c’est dans le cadre du dépistage il n’y a pas de symptomatologie, la mammographie peut être réalisée tous les deux ans chez une femme dont l’âge est compris entre 45 et 50 ans. En temps normal, la mammographie nous renseigne sur les lésions dans 97% des cas. La lésion qu’elle va trouver va permettre de savoir si c’est une lésion bénigne ou maligne. Cette classification est appelée Bay Rase qui a été initiée par l’association des médecins radiologues des Etats-Unis. A partir de cette mammographie, lorsqu’on repère quelque chose de suspect, on peut compléter par une échographie mammaire qui va permettre au médecin de plus caractériser les lésions qu’il a vues à la mammographie. L’échographie est intéressante pour les femmes qui ont des seins denses. Pour ces femmes, la mammographie n’arrive pas à voir très bien les différentes lésions. Mais si on complète par l’échographie, on pourra bien caractériser ces lésions. Après la mammographie et l’échographie, il y a l’Imagerie par résonance magnétique (IRM) du sein. C’est ce qu’on appelle l’IRM mammaire, généralement réalisée chez une femme qui a moins de 30 ans. L’IRM peut aussi être indiquée dans d’autres situations. Lorsque la femme a des seins denses ou un sein inflammatoire ou bien portant des prothèses mammaires ou ayant une prédisposition génétique. Si la patiente a une adénopathie, une boule au niveau de l’aisselle sans qu’on ait des lésions au niveau du sein, on peut aller faire une IRM de sein à la recherche de la lésion. Lorsqu’on diagnostique le cancer du sein et en vue de proposer un traitement à la patiente, d’autres examens radiologiques peuvent être réalisés tels que la radiographie pulmonaire, l’échographie abdomino-pelvienne, la scintigraphie appelée couramment le scanner, la tomodensitométrie. Tous ces examens peuvent être réalisés dans le cadre du bilan d’extension si on diagnostique que la femme a un cancer de sein et aussi dans le cadre de la recherche de métastase est que le cancer a atteint d’autres sites tels que l’os, le foie, le poumon ou pas. Après ce plan, on peut aussi parler de l’histologie et le lumino-histo-chimique. L’histologie, c’est lorsqu’on suspecte que la patiente a une boule. L’examen histologique est très important. Il permet de donner les caractéristiques de la tumeur, les types, la taille et d’autres caractéristiques que le praticien va utiliser pour pouvoir proposer un traitement au malade. Après l’histologie, il y a le lumino-histo-chimique qui est un examen très important parce que c’est à partir de ce stade, à partir des résultats de lumino-histo-chimique qu’on va proposer l’hormo-thérapie ou la chimiothérapie au malade.
S : Quels sont les moyens thérapeutiques de lutte contre cette maladie disponibles actuellement ?
E. P. Z. : La lumino-histo-chimie permet de classer la tumeur en liminal A, liminal B, HRD négatif, liminal B HRD négatif, HRD positif simplement et le triple négatif. Le traitement va découler de cela et on peut dire qu’on a deux grandes entités pour le traitement. Il y a ce qu’on appelle le traitement locorégional et le traitement médical. Pour ce qui est du traitement locorégional, il s’agit précisément de la chirurgie et de la radiothérapie. La chirurgie est généralement le premier traitement à être discuté. Il représente aussi le pilier de la prise en charge du cancer du sein. Cette chirurgie va aller de la mastectomie, l’ablation totale du sein à la chirurgie conservatrice. On conserve le sein tout en enlevant juste la partie où il y avait la tumeur. On ne doit pas avoir de la tumeur à ce niveau. Mais à côté de ces deux types d’interventions chirurgicales, il y a ce qu’on appelle aussi la chirurgie oncoplastique qui a été intégrée à la chirurgie conservatrice ou à la mastectomie. Une chose est de guérir la femme, mais une autre est de lui donner de l’esthétique par rapport à ses seins. Dans notre contexte, les femmes sont un peu sensibles sur le côté de la féminité. La femme peut être psychologiquement atteinte du simple fait de ne pas avoir un sein parce qu’elle pense avoir perdu un peu de ses caractères féminins. La chirurgie oncoplastique va permettre soit de refaire le sein malade de telle sorte à ce qu’il soit à peu près la même chose que le sein normal ou on fait carrément une reconstruction mammaire lorsqu’il s’agit d’une mastectomie, on peut faire une reconstitution à partir des prothèses mammaires pour que la femme puisse garder tous ses caractères féminins. Enfin, il y a la chirurgie préventive. Les femmes qui ont les mutations de types BRCA 1 et 2, c’est sûr qu’au cours de leur vie, elles vont présenter un moment à un autre un cancer de sein. On peut essayer d’anticiper pour faire une chirurgie préventive. C’est généralement une mastectomie qu’on fait et juste après, on peut faire une prothèse mammaire pour permettre à ces femmes de vivre normalement sans préjugés. Cette mastectomie peut être accompagnée entraîner à la fois un cancer du sein ou de l’ovaire. On peut être amené de manière préventive à enlever l’ovaire. Les études ont montré que lorsqu’on fait cette chirurgie préventive appelée la chirurgie prophylactique, on réduit le cancer généralement de 90 à 100%.
S : On parle souvent de traitement ou de soins individualisés. De quoi s’agit-il exactement ?
E. P. Z. : Toutes les personnes ne se ressemblent pas. C’est par rapport à cela que pour le traitement du patient qu’on parle de traitement individualisé du cancer du sein ou de médecine de précision. Des paramètres vont nous permettre de donner la chimiothérapie ou la thérapie ciblée. On aura une prise en charge globalisée. On sait que chaque individu a des particularités qu’il faut aussi prendre en vue de proposer le traitement adéquat pour minimiser les toxicités. Ne pas sous-traiter un malade ou sur-traiter un malade. Guérir la malade de son cancer et lui apporter moins d’effets secondaires, moins de toxicité. Nous devons tendre actuellement vers cette médecine de précision pour pouvoir apporter une plus-value à notre traitement et soulager nos malades.
S : Est-il possible de guérir du cancer du sein ?
E. P. Z. : Il est possible de guérir du cancer. Le cancer est comme toutes les autres maladies. Dans notre milieu, on dit généralement que quand tu as le cancer, tu vas mourir, mais ce n’est pas vérifié. Lorsque la patiente consulte tôt, il y a différents types de moyens thérapeutiques qu’elle peut bénéficier et être guérie de son cancer. J’ai parlé tantôt de la chirurgie, il y a aussi la radiothérapie qui permet de réduire le taux de récits locorégionaux et d’augmenter la survie de la patiente. Différentes techniques sont utilisées pour lui permettre de faire un bon traitement et aussi permet de prolonger la survie de la malade. En plus de ces traitements locorégionaux, il y a des traitements systémiques tels que la chimiothérapie, l’hormonothérapie, la thérapie ciblée. Aujourd’hui, avec tout ce panel de moyens thérapeutiques, on peut dire sans peur qu’on guérit du cancer de sein et vivre sa vie normalement comme tout le monde. Quand je commençais ma spécialisation, en consultation, j’ai vu une patiente qui me disait qu’elle suit un traitement depuis 1985 et jusqu’aujourd’hui, elle vient faire ses contrôles. Cette personne va mourir d’autres choses et non de son cancer du sein dont elle a été guérie depuis 1985.
S : Quelles sont les difficultés rencontrées dans la prise en charge des malades du cancer du sein ?
E. P. Z. : Il y a la difficulté psychologique. La personne qui a le cancer doit accepter d’abord sa maladie. De ce fait, les médecins doivent se faire accompagner par des psychologues parce que la majeure partie des mentalités disent que quand tu as le cancer, tu dois mourir. Cela fait que, quand on diagnostique le cancer, les patients ou leur entourage ne veulent pas s’impliquer pour le traitement. Ils se disent que d’office, la personne va mourir. C’est une fausse mentalité, car aujourd’hui, il y a beaucoup de cas pratiques. Il y a des gens qui sont guéris de leur cancer. Il y a cet accompagnement psychologique qu’il faut déjà donner aux malades et à leurs familles. Une des plus grandes difficultés est en Afrique. La malade essaie de jongler entre la médecine moderne et traditionnelle. On ne dit pas que la médecine traditionnelle n’est pas bonne. Mais de manière pratique, les cas qu’on rencontre lorsque la personne suit ces deux types de traitement, on arrive souvent à des points où on a des perturbations sur le plan biologique. Pour administrer la chimiothérapie, il faut avoir des paramètres biologiques normaux avant de commencer la chimio. Mais généralement, le traitement traditionnel peut venir perturber le fonctionnement du rein ou du foie. A ce niveau, le médecin qui prend en charge le malade se retrouve dos au mur. Il ne peut pas administrer sa chimiothérapie. Certains paramètres au niveau du rein ou du foie sont perturbés et c’est incompatible avec la chimiothérapie. Ces différents types de difficultés ne permettent pas une prise en charge optimale du malade.
S : Est-ce que le Burkina dispose de plateaux techniques et de personnel soignant pour une prise adéquate des malades du cancer du sein ?
E. P. Z. : Le Burkina Faso dispose de cadres techniques et de ressources humaines pour la prise en charge du cancer de sein. L’Etat a consenti de grands efforts pour la formation des médecins ou des pharmaciens et le personnel paramédical pour la prise en charge du cancer du sein dans les domaines de la chimiothérapie, de la luminothérapie, de la thérapie ciblée et de ce qu’on appelle l’oncologie médicale ou dans le domaine de la radiothérapie ou de la chirurgie oncologique. Par rapport au plateau technique, récemment, il y a le centre de radiothérapie de Bogodogo qui a été mis en place, même s’il y a quelques difficultés. Mais, déjà le centre est là. Il reste à résoudre les différentes difficultés qui se présentent pour qu’on puisse avoir un fonctionnement optimal. Il y a aussi le centre de radiothérapie de Bogodogo qui est dans un grand projet de centre de cancérologie. Le centre de radiothérapie de Bobo-Dioulasso est en construction. L’un dans l’autre, tout est en train d’être mis en œuvre pour une prise en charge optimale du malade cancéreux de façon générale et précisément les malades du cancer du sein. On ne dit pas que tout est rose. Il faut toujours travailler à former davantage le personnel et à acquérir d’autres types d’appareils pour différents examens et surtout l’examen qu’on appelle lumino-histo- chimie. L’Etat a aussi consenti des efforts à la formation des médecins pathologistes qui font généralement les différents examens. Il faut qu’on puisse travailler à apporter ce qui manque. Sur le plan de l’histologie, il faut travailler à avoir la lumino-histo-chimie et la biologie moléculaire sur place. Tout cela va aider le malade pour sa prise en charge et à avoir un plateau technique de la radiothérapie qui fonctionne normalement. Sur le plan chirurgical et de l’oncologie médicale, il faut travailler avec les pharmacies à ce que les médicaments de la chimiothérapie soient disponibles.
S : C’est le mois d’octobre, un mois dédié à la sensibilisation du cancer du sein. Quelles sont les activités prévues cette année ?
E. P. Z. : Au niveau de la structure associative dont je relève, depuis que je suis étudiant en médecine, l’on prévoit un certain nombre d’activités de sensibilisation. On a contacté différentes structures au niveau de la ville pour faire des communications sur le cancer du sein à leur personnel aux grandes écoles à Ouagadougou. Pour la journée, on est en train de réfléchir pour les années à venir avec les structures étatiques en place pour une communication officielle qu’on va dédier à la femme surtout celles atteintes du cancer du sein, pourquoi ne pas prendre tout le mois d’octobre comme octobre rose. Il y a aussi des actions de communication en faveur des femmes qui sont en train de se faire traiter du cancer du sein ou encore des femmes qui ont été victimes et qui après leur traitement ont été déclarées guéries.
S : Quels sont les conseils que vous pouvez donner aux femmes pour éviter le cancer du sein ?
E. P. Z. : La femme ou l’homme est prédisposé à développer un cancer du sein. J’ai été plus large sur les facteurs de risque. C’est à chaque personne de voir en fonction de ces différents facteurs de risque, s’il faut aller rapidement voir un médecin cancérologue ou un gynécologue pour plus d’investigations. Les investigations vont passer par l’examen clinique. S’il y a des doutes, le médecin va demander des examens para-cliniques, à savoir la mammographie, l’échographie mammaire et pourquoi pas l’IRM mammaire. Si cela se confirme que c’est un cancer du sein, il faut commencer le traitement rapidement. Il faut éviter de faire le traitement de la médecine moderne et traditionnelle dans le même temps. Le médecin doit bien expliquer au malade et c’est à lui de faire son choix. Avec le traitement moderne, on arrive à guérir la patiente. Le conseil, c’est vraiment de consulter tôt lorsqu’on présente des signes de stade localement avancé ou métastatique. Dans notre milieu, on rencontre généralement plus des stades localement avancés et le stade métastatique. Quand cela atteint le stade métastatique, c’est difficile de guérir la patiente ou la malade.
Propos recueillis par
Timothée SOME
Irène Jasmine YAO (Stagiaire)