Burkina : « Dans ce contexte, qui peut-on désigner dont la légitimité dépasserait le capitaine Ibrahim Traoré ? », interroge le politiste Idrissa Diarra
L’avènement du MPSR II ramène à la surface, les attentes jusque-là non comblées des Burkinabè et les défis pressants à relever. Dans cette interview consacrée à la situation nationale, le politiste et géographe-planificateur, Idrissa Diarra, fait un diagnostic et ouvre des perspectives avec les nouveaux dirigeants.
Lefaso.net : Qu’est-ce qui explique le long silence que vous avez observé ces dernières années, alors qu’on vous a connu dans les périodes contemporaines à l’insurrection populaire avec des réflexions fréquentes sur des sujets d’intérêt national ?
Idrissa Diarra : Votre observation est juste ! Certains de mes lecteurs que je rencontre me posent souvent cette question. L’explication est que l’enjeu qui prévalait à l’époque, notamment la question de révision de l’article 37 de la Constitution, était un enjeu de taille pour la consolidation de la démocratie dans notre pays. Enjeu d’autant plus important que Blaise Compaoré avait déjà fait plus de 25 ans au pouvoir, donc plus d’une génération. Il était important de changer la donne et l’environnement politique, avec l’impulsion d’une nouvelle classe de dirigeants politiques. Tant qu’il n’y a pas de possibilité d’alternance, la scène politique demeure verrouillée au profit d’un groupuscule, ce qui joue négativement sur la qualité de la démocratie.
Après cet épisode, nous avons assisté à la gouvernance de Roch Kaboré, avec par moments quelques propositions ponctuelles. Mais il se trouvait que les publications que je faisais souvent (avant la chute de Blaise Compaoré, sous la transition avec Michel Kafando et Isaac Yacouba Zida) étaient beaucoup plus scientifiques que de simples tribunes. Autant elles répondaient à l’actualité, autant elles soulevaient des problématiques structurelles qu’il fallait nécessairement résoudre. Malgré tout ce temps passé, de 2014 à aujourd’hui, ces sujets restent toujours d’actualité. Si bien que souvent, quand un problème d’actualité survient sur la scène politique, je suis tenté d’aller fouiller une de mes vieilles publications pour les réchauffer ; on peut même publier certaines en l’état (tant elles sont d’actualité). Je les partage souvent sur ma page Facebook et dans certains groupes WhatsApp).
Aussi, lorsque vous publiez et que vous vous rendez compte que malgré tout, les acteurs politiques ne s’ouvrent pas pour changer les choses et que rien ne change, ça peut paraître comme de l’acharnement d’insister.
Il y a également le fait qu’il est vrai que la vie politique nous intéresse pour apporter notre contribution par les réflexions, mais chacun a aussi sa vie professionnelle et des activités personnelles qui nécessitent qu’il y consacre le temps nécessaire. Je ne vous apprends rien en la matière ; en tant que journaliste, vous savez que les tribunes, les sujets de réflexions demandent beaucoup d’énergie, de temps et de ressources.
Au-delà de tout cela, il y a le fait que les acteurs politiques qui sont en train d’apparaître sont de plus en plus de notre génération. Donc, il y a des canaux directs par lesquels on peut leur parler.
Maintenant, quand le sujet est vraiment problématique et dangereusement glissant, on publie pour éviter des drames.
Qu’est-ce qui explique que les dirigeants ne tirent pas matières de toutes ces contributions faites par les citoyens par les divers canaux, et ne se servent surtout pas du passé ?
On est tenté de dire qu’ils ne tirent pas leçon du passé effectivement ; ils oublient très vite ! Mais ce n’est pas forcement de leur faute. Il faut peut-être autour d’eux, un dispositif qui les contraigne d’une certaine manière à toujours rester en alerte et surtout garder à l’esprit ce passé-là. Il faut instituer ce mécanisme d’alerte. Ce n’est pas forcément un organe formel, rémunéré, mais semi-formel, reconnu par les dirigeants et qui peut de temps à autre rappeler la trajectoire à suivre. A titre d’exemple, un Forum d’acteurs qui, par moments, peut réunir les citoyens qui le souhaitent sur des questions d’intérêt national. Ce forum doit être ouvert à tout acteur qui se sent capable et veut apporter une contribution. Il peut avoir un noyau, composé de divers acteurs, qui n’est pas rigide. Donc, de façon périodique, on peut organiser ces rencontres dans des grandes salles de la taille d’un amphithéâtre, où les participants réfléchissent et rédigent un rapport qu’on transmet aux dirigeants. Ce sont des initiatives qui peuvent aider beaucoup.
Etes-vous de ceux-là qui sont déçus qu’après une insurrection admirée à travers le monde, le Burkina en soit là aujourd’hui ?
Oui, je suis particulièrement déçu. Voyez-vous, on est aujourd’hui à un retour aux coups d’Etat. Nous sommes contre les coups d’Etat par principe, parce qu’ils nous font régresser d’une manière ou d’une autre. Le coup d’Etat du 24 janvier est venu compromettre une certaine marche démocratique que l’insurrection populaire avait imprimée. Cependant, ces coups d’Etat ont profité des insuffisances qu’on n’a pas su combler. Il y a des propositions que les pouvoirs auraient pu mettre en œuvre pour nous éviter tout cela. Malheureusement, on a parfois l’impression qu’il y a un clan ou une clique de personnes qui se constitue autour des régimes, qui ferment leurs yeux et leurs oreilles pour ne pas voir et entendre le peuple. A un certain moment, on sent même l’arrogance des dirigeants vis-à-vis du peuple ; on se demande encore pourquoi c’est ainsi. On a l’impression que ceux qui accèdent au pouvoir pensent que « ça n’arrive qu’aux autres ».
La veille de la crise, c’est à-dire le jeudi 29 septembre 2022, je disais à des amis lors de causeries informelles durant le temps d’une pause, que l’incident survenu à Gaskindé ne pouvait pas rester impuni ; de la même manière que le drame d’Inata n’est pas resté impuni… Un de mes interlocuteurs m’a demandé si le drame d’Inata avait été vraiment sanctionné ? J’ai dit bien-sûr que oui, parce que la sanction a porté justement sur Roch Kaboré lui-même qui a vu son pouvoir renversé par un putsch. C’est à cela que j’en venais. Ce même jour, dans la soirée, le bilan des manifestations spontanées pour la démission du lieutenant-colonel Damiba à Bobo Dioulasso faisait cas de mobilisations de masse à la place Tiéfo-Amoro.
Dans une tribune que vous avez publiée, il y a quelques jours, vous exhortez les leaders coutumiers et religieux à poursuivre les sorties de sensibilisation à travers le pays pour réconcilier également l’armée. Finalement, cette catégorie est devenue le dernier rempart de la société !
Oui, il ne faut pas se leurrer, les autorités coutumières et religieuses sont de vraies institutions du pays. Ce sont des éléments établis de notre société depuis très longtemps dans nos traditions. Dans la cellule familiale, dans tous les actes sociaux que nous posons, on retrouve toujours ces institutions. A titre d’exemple, en Islam (que je connais assez bien), quand une personne aménage dans sa nouvelle maison, généralement, elle organise ce qu’on appelle un ‘‘walima », une sorte de ‘‘doua », et ce sont les personnes ressources qui sont appelées pour cela. Les naissances, les mariages, les décès, etc. sont tous des évènements qui mettent au centre ces institutions. Une autre illustration…, lorsque le président Blaise Compaoré est revenu récemment au pays, certains ont reproché à la démarche, le fait de ne s’être pas appuyé sur ces institutions traditionnelles (les forgerons, les parentés à plaisanteries, les coutumiers et religieux, etc.). Donc, ce sont des institutions qu’on pourrait qualifier d’informelles, mais qui régulent la société.
Voilà pourquoi, je pense que leur contribution est très importante pour la cohésion sociale même de l’armée. Quand l’ancien président Jean-Baptiste Ouédraogo – issu du corps de l’armée -, a publié son livre, on a vu ce que cela a provoqué comme polémique. C’est pour dire que ce fossé des antagonismes au sein de l’armée date de très longtemps. Au-delà de cela, on constate que les débats qui tournent autour de Thomas Sankara cristallisent souvent les postions. Les positions sont très tranchées ; ceux qui sont anti-Sankara et ceux qui sont pro-Sankara. Cela se voit dans le milieu intellectuel et la société de façon générale.
Leur implication dans les crises, surtout politiques, ne va-t-elle pas entamer finalement leur crédibilité à un moment donné ?
Les sociétés aussi sont appelées à évoluer. Plusieurs auteurs, comme Guy Hermet, Bertrand Badie, ont, dans leurs ouvrages, évoqué la sociogenèse des politiques occidentales. La démocratie en Occident est vue par ces penseurs comme le produit d’une sociogenèse, donc d’une évolution de la société au gré des contradictions et des trajectoires historiques. Dans notre contexte, la démocratie est récente par rapport à d’autres pays, comme les Etats-Unis. Ces contradictions bousculent à un moment donné, un certain ordre établi depuis longtemps par la tradition. Dans le passé, c’était des royautés par endroits.
Au fur et à mesure que le temps est passé, les choses ont subi l’évolution et ces pouvoirs ont renoncé à certaines pratiques et prérogatives d’antan. Notre société est donc en construction continue avec les autorités coutumières et religieuses. Les interactions sociales sont dans l’ordre normal des choses certes, mais il est important que les acteurs, les citoyens en général, sachent raison gardée pour ne pas brusquer dangereusement certaines choses. Il faut qu’ils se fixent certaines limites. De la même manière, il est important que les acteurs coutumiers et religieux sachent qu’il y a une dynamique en marche. Il faut aussi que les acteurs coutumiers et religieux développent des approches de communication adaptées et sachent anticiper les évènements pour couper court à certaines réactions négatives et fausses informations.
Nous sommes au MPSR II. Le président Traoré annonce des assises, la mise en place d’un gouvernement, la désignation d’un nouveau président de transition. Pensez-vous que toutes ces démarches soient aujourd’hui nécessaires, lorsqu’on sait que l’un des reproches faits à Damiba, c’est de n’avoir pas assumé son pouvoir ?
Je pense que l’inclusion est une bonne chose. Mais elle ne doit pas être comprise de façon partielle, en termes d’avantages seulement. Voyez-vous, généralement, quand les politiques parlent d’inclusion, c’est pour en réalité bénéficier des avantages du pouvoir. C’est cela le jeu, on n’a pas besoin de tourner en rond. Il y a des exceptions certes ! Mais généralement, c’est ce qui signifie inclusion pour beaucoup. Aujourd’hui, le pays étant en danger, qu’est-ce qui empêche les états-majors des partis politiques de lever des contingents parmi leurs militants dans les différentes communes pour renforcer les effectifs des VDP ? Puisqu’ils sont censés animer la scène politique ! Ces partis ont toujours clamé qu’ils sont les plus grands, les plus ancrés sur le territoire national. Si ces affirmations sont réellement avérées, elles sont un atout de taille pour mobiliser leurs militants à travers le pays pour renforcer les rangs des VDP dans la lutte anti-terroriste !
Mais si au lieu de cela, ces partis politiques ne pensent qu’aux assises et aux élections, il y a un problème. Je ne suis pas contre les assises pour parler de certaines questions sensibles comme les rémunérations dans les organes de la transition et pour se donner des programmes cadres et des lignes de conduite à tenir. Mais des assises uniquement pour désigner une autre personne pour conduire la transition en lieu et place du capitaine Traoré, ne me paraissent pas opportunes. On peut se poser la question de savoir, sur quelle base les tenir ? Qu’est-ce qui fonde la légitimité d’un groupe de personnes ou d’un échantillon qu’on aura simplement trié sur des bases subjectives pour aller à une table des Assises nationales, pour dire par la suite que son choix de président est légitime ?
Je crois que le capitaine Traoré ne s’est pas retrouvé à ce niveau par un pur hasard ; c’est un groupe de militaires (MPSR) qui a estimé qu’il peut conduire les choses. Ces militaires ont désigné celui qu’ils veulent déjà. On peut avoir des divergences, mais il faut travailler à les aplanir. Donc, le capitaine Ibrahim Traoré jouit déjà d’une certaine légitimé qui lui a valu d’être le représentant de ce groupe de militaires qui constitue bon gré mal gré, une force sociale après tout. Aussi, quand le putsch est intervenu, il y a eu une mobilisation de milliers de citoyens dans les rues à travers certaines localités du pays pour soutenir l’action du capitaine Traoré et de son groupe. Le troisième élément de sa légitimité se trouve dans le contenu assez pertinent de ses premières déclarations sur les préoccupations du moment, des propos applaudis par beaucoup.
Pour moi, on gagnerait donc à accompagner le capitaine Traoré à diriger la transition. Surtout qu’il a exprimé des éléments dans lesquels une bonne frange du peuple se reconnaît. J’estime qu’il ne faut pas être dans le complexe de grade hiérarchique militaire. Si on dit de désigner un président, on va se poser les questions suivantes qui font prendre et du temps, et des risques : qui ? Comment ? Désigner un homme politique ? Sur quelle base ? On a vu des partis politiques dits grands, mais qui ont lamentablement échoué aux élections au regard de leurs scores. Aussi, à l’épreuve du temps et des circonstances, des partis politiques qui jouissaient d’une grande popularité, ont vu leurs audiences s’affaiblir considérablement du fait de leurs gouvernances internes, de leurs choix inappropriés à un certain moment ou même du fait de leurs compromissions dans les affaires publiques. Dans ce contexte, qui peut-on désigner dont la légitimité dépasserait le capitaine Ibrahim Traoré ?
Un autre aspect qui mérite d’être soulevé, c’est qu’on a vécu une quarantaine d’années avec la même génération politique qui n’a pas su faire changer les choses de façon significative, malgré l’évolution du monde. Aujourd’hui, le bilan qu’on peut faire du parcours de cette génération aux affaires depuis une quarantaine d’années, c’est quasiment l’échec de la gouvernance. On dirait que j’exagère un peu, mais si cette génération avait réussi, on ne serait pas là. Regardez comment certains leaders politiques sont insultés dans le forum sur les médias lorsqu’ils font des sorties publiques. Des acteurs politiques qui n’ont pas réussi à faire émerger des jeunes (malgré les compétences intellectuelles des jeunes de nos jours).
Aujourd’hui, chaque Burkinabè doit donc apporter sa contribution sans réserve, en fonction de ses possibilités pour accompagner la transition afin de sortir de cette vague d’insécurité qui menace notre existence même.
Quel gouvernement faut-il aujourd’hui (on a reproché à Damiba, sur ce point, un gouvernement pléthorique et politique) ?
Personnellement, je ne trouve pas que le gouvernement de Damiba ait été pléthorique. Face à un enjeu de guerre, il ne faut souvent pas être très regardant sur certains détails. Je pense que le Burkina Faso ne manque pas de moyens pour prendre en charge ses ministres. Un effectif de 25 à 26 ministres n’entrave pas l’efficacité d’un conseil des ministres ou la bonne marche de la gouvernance. Il ne faut pas trop s’attarder sur ces détails. Il est vrai qu’il y a souvent des appels à la réduction du train de vie l’Etat avec des effectifs de ministres réduits ; mais reconnaissons que les ressources allouées aux salaires des ministres ne sont pas définitivement perdues, puisqu’elles restent dans le pays (ces ministres emploient un personnel rémunéré à titre privé ; des membres de la famille, des amis, des collaborateurs, des prestataires de services, bref, des personnes tierces bénéficient de l’emploi de ces salaires d’une manière ou d’une autre). En d’autres termes, les salaires des ministres sont redistribués dans la société burkinabè d’une manière ou d’une autre. A mon sens, il ne faut donc pas être trop tatillon sur ces questions.
Ne remettons pas en cause une certaine organisation habituelle de la transition, au risque de s’engager dans des aventures qui vont ralentir ou nuire à un certain élan de diligence qu’on veut imprimer à la transition.
Prenons l’exemple des départements ministériels : lorsqu’il y a un changement et qu’il y a scission ou fusion de certains départements, cela impacte négativement le fonctionnement des directions et le personnel des administrations tarde à se retrouver. Tout cela retarde certains actes et projets importants au niveau national. Donc, la marge de 25 ou 26 ministres, ce n’est, à mon avis, pas trop. Par ailleurs, si on doit faire le choix d’adjoindre des acteurs politiques, ce ne doit pas forcément être les mêmes visages qu’on a vus depuis belle lurette. Il y a des hommes et femmes compétents discrets et dévoués au service dans les partis politiques, d’autres visages nouveaux, compétents, qui peuvent apporter quelque chose d’autre, face aux enjeux du moment. C’est cette inclusion portée vers l’alternance interne à prôner aussi dans les partis politiques, qui peut nous permettre d’évoluer avec de nouvelles idées et de nouvelles dynamiques.
Inclusion dans la gouvernance certes, mais il faut éviter une approche qui fixe rigidement des quotas de participation des partis politiques dans les organes de la transition ; éviter les attelages du genre « ancienne opposition, ancienne-ancienne opposition, ancienne-ancienne majorité, non-alignés », etc. De 2014 à aujourd’hui, les choses ont changé, il faut que les gens comprennent cela ; ceux qui avaient dix ans à l’insurrection ont aujourd’hui 18 ans. Le capitaine Traoré avait 26 ans, aujourd’hui il en a 34… Donc, les assises doivent simplement permettre de donner une caution et une légitimité au capitaine Ibrahim Traoré aux yeux des institutions internationales et créer un consensus autour de lui et non pas de générer des antagonismes politiciens pouvant être suscités par l’organisation d’une quelconque élection en miniature en salle.
D’aucuns sont également contre une assemblée législative de transition, ils préfèrent une gouvernance par ordonnances. Etes-vous favorable à une telle option ?
Je ne suis pas favorable à cela non plus, parce qu’un président ne peut pas, dans notre contexte de guerre, passer tout son temps à analyser et signer des tas d’ordonnances. Ce serait trop lourd et fastidieux par rapport aux enjeux du moment. C’est important qu’il y ait une Assemblée législative qui peut mener certaines réflexions sur les lois, la gouvernance, bref, jouer tout son rôle et faciliter ainsi la tâche au président et son gouvernement. Maintenant, dans la composition de cet organe, il faut vraiment des compétences qui soient à la hauteur de l’enjeu et l’esprit d’ouverture et de renouvellement des acteurs. Le comité de rédaction (de l’ancienne charte) avait proposé un nombre de 51 membres, que le pouvoir a finalement élargi à 71. On peut revoir ce nombre pour que ce soit plus efficace.
Je suis contre la remise en cause de cette architecture avec la présence d’une assemblée législative, parce qu’à l’international, il y a des instances dans lesquelles siègent des parlementaires de chaque pays. C’est dans l’intérêt du Burkina d’être représenté à ces instances parce que cela participe à la diplomatie de notre pays qui en dépend. N’oublions pas non plus que les membres de l’assemblée participent à la Haute cour de justice qui jugent certaines hautes personnalités.
Au regard de ces observations, je suggère à mes concitoyens de ne pas trop se focaliser sur la pauvreté du Burkina Faso. D’ailleurs, nous ne sommes pas pauvres. On a tendance à penser qu’il ne faut pas que les gens deviennent plus riches. Mais, ce n’est pas parce que certains ne veulent pas que les gens soient plus riches que leur situation personnelle va s’améliorer ! Quand je circule dans la ville, je suis parfois étonné par l’envergure de certains immeubles. Des constructions impressionnantes voient le jour régulièrement.
Est-ce possible que quelqu’un puisse empêcher cela ? Que ce soit au Burkina ou ailleurs, on ne peut pas empêcher les gens d’être riches, pourvu que ce soit par la voie noble. Donc, ne soyons pas comme dans un panier de crabes où nous passons plus de temps à nous tirer les uns les autres vers le bas. S’il y a des parlementaires dans un organe législatif, cela va aussi créer une masse de compétences qui pourront servir le Burkina Faso dans le futur. Les anciennes compétences parlementaires sont en train de partir à la retraite, donc il faut former de nouvelles personnes pour assurer la relève.
Quelle doit être la place des Organisations de la société civile (OSC) aujourd’hui ? On parle des organisations politiques, mais la réalité est que les OSC aussi ne jouissent pas d’une bonne image non plus ?
Malheureusement, plusieurs leaders d’OSC en vue, se comportent comme des militants de partis politiques. Ce sont en général des personnes qui, conscientes que la lutte au sein des partis politiques est âpre, préfèrent s’isoler pour échapper à la difficile règle de discipline au sein des partis politiques et se rendre plus visibles dans les médias afin de pouvoir accéder plus rapidement à certains avantages du pouvoir. On le voit à chaque fois qu’il y a un renversement de régime ; ces acteurs revendiquent leurs places dans les organes dirigeants. Ce n’est pas parce qu’on a eu à organiser des conférences de presse qu’on doit avoir accès à des organes et postes. Il faut vraiment se focaliser sur les compétences, plutôt que sur les tapages médiatiques que ces acteurs font. Si on procède ainsi, ces OSC dites spécifiques vont disparaître, parce que le but de leurs tapages et agitations, c’est d’avoir des postes.
En conclusion ?
La situation politique au Burkina mérite d’être prise avec très grand sérieux et prudence, parce qu’avec ce qui s’est passé le 30 septembre 2022 et jours suivants, il peut avoir un sentiment profond d’échec dans certains rangs d’une part et de d’orgueil et de triomphalisme dans d’autres groupes. Ces ressentiments résiduels peuvent toujours se cristalliser (je dirais même qu’ils demeurent). Il faut travailler à les désamorcer. C’est en cela que je vois les leaders coutumiers et religieux dans le rôle de campagne active de pacification dans les rangs de l’armée et des FDS de façon générale. Il faut inviter tous les protagonistes, voire tout le monde, à placer l’intérêt supérieur de la nation au-dessus de nos égos. Au-delà de nous-mêmes dans le présent, c’est l’avenir de nos enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants qui se joue dans cette situation. A force de trop titrer sur la corde, nous risquons de compromettre l’avenir de nos propres enfants que nous aimons tant. J’en appelle vraiment à l’esprit de paix, de sagesse, d’ouverture et à la promotion de la jeunesse.
Aux dirigeants, je suggère de se focaliser sur les intérêts du peuple, qui sont la restauration des territoires sécurisés, le retour des déplacés internes, la prise en charge des questions humanitaires et de s’adjoindre les personnes compétentes qui peuvent les accompagner dans ce sens. Dans cet esprit, j’aimerais souligner que la localisation géographique de certaines institutions (la présidence du Faso par exemple) ne favorise pas leur proximité avec les populations. Or, l’appropriation des institutions par les populations est importante dans un contexte de guerre. J’allais donc faire la proposition que l’on puisse avoir des bureaux et secrétariats annexes de la présidence, plus accessibles aux populations qui veulent faire des propositions. Cela va permettre davantage la connexion populaire aux institutions et, partant dirigeants eux-mêmes.
Il est très important que nos concitoyens désignés comme membres des organes de la transition s’efforcent d’assumer leurs fonctions avec l’esprit de sacrifice et évitent de mettre en avant leurs exigences en termes de rémunération et de bénéfice d’avantages purement matériels. Il y a beaucoup d’autres choses à dire, mais on peut s’arrêter ici pour aujourd’hui. On reviendra sur d’autres éléments, si cela s’avère nécessaire. Que Dieu bénisse le Burkina Faso !
Interview réalisée par O.L.O
Lefaso.net