Transition au Burkina : « Le capitaine Ibrahim Traoré doit s’assumer », estime le sociologue Dr Dramane Ouattara
Le Dr Dramane Ouattara est sociologue et ingénieur conseils en formation. Il est le directeur du Centre d’études et de recherches en éducation et développement. Dans une interview accordée à notre rédaction, il invite le capitaine Ibrahim Traoré à assumer ses responsabilités de président du Faso pour le bonheur du peuple. Il estime qu’il serait « trop suicidaire » de confier le pouvoir à la vieille classe politique.
Comme bon nombre de Burkinabè, le choix du Dr Ouattara est déjà fait. Il faut impérativement le capitaine Ibrahim Traoré pour diriger le Burkina Faso. « Moi, mon choix est un président militaire. Le capitaine Traoré est l’homme qu’il faut. Il est rassurant à travers ses mots, il est un peu protecteur de la population, il est plutôt nationaliste et il semble prendre en compte les desideratas de la population. En tant que soldat qui est arrivé par un coup d’Etat, il devrait s’assumer ; ce qui va soulager le peuple », s’est justifié le Dr Dramane Ouattara pour qui la tenue des assises des 14 et 15 octobre n’a pas son sens.
« Je trouve que le semblant de démocratie qu’on veut faire en organisant ces assises n’a pas son sens. Les militaires qui ont pris le pouvoir devraient constituer un collège de sages juste décisionnel en leur sein pour décider, pour agir et je crois que le pays se porterait mieux. Je pense que les assises vont permettre de donner plus de légalité aux actions qui seront posées par le président qui va en ressortir. Mais il ne faudrait pas que ces assises soient l’occasion pour la vieille classe politique de s’accaparer encore du pouvoir. Et si tel est le cas, ce serait encore poser les jalons de l’échec du MPSR 2 », a-t-il prévenu.
Dr Ouattara invite le peuple à soutenir la prochaine transition qui sera mise en place quel que soit le choix du président qui sera fait
Pour notre sociologue, la manière de diriger le Burkina Faso doit changer ainsi que les hommes qui doivent changer également de mentalité. Il a fait savoir que le départ du président Paul-Henri Damiba était prévisible car, dit-il, « nous avons vite constaté qu’il avait plutôt un agenda hautement politique que de défendre le territoire burkinabè contre les terroristes. Damiba ne répondait plus aux aspirations du peuple. Il avait fait son coup d’Etat en estimant que la question sécuritaire était mal gérée par le président Kaboré et qu’il fallait un nouvel ordre pour mieux combattre les terroristes. Nous avons tous applaudi lorsqu’il a pris le pouvoir mais rapidement nous avons tous déchanté lorsqu’on a constaté qu’il avait un autre agenda », nous confie Dr Ouattara. A l’en croire, durant les huit mois de gestion du président Damiba, « rien n’a évolué sur le plan sécuritaire ».
L’une des causes qui auraient poussé le peuple à se révolter, selon lui, serait le coût élevé de la vie sous le régime de Damiba. Dans son analyse, Dr Dramane Ouattara a fait savoir que les dirigeants ont toujours eu une mauvaise lecture de l’histoire du peuple burkinabè. « Ils viennent au pouvoir et ils ne tiennent pas compte de l’histoire de ce peuple qui très tôt, six ans seulement après les indépendances, a commencé à affirmer son niveau de maturité politique à l’époque dans toute une sous-région qui était dominée par les partis uniques. Et Damiba a ignoré ces paramètres, il a ignoré l’histoire du peuple », a-t-il dit. Toutefois, il affirme ne pas cautionner les coups d’Etat en tant que démocrate, mais dit soutenir toute action qui viendrait à soulager la souffrance du peuple. « La situation que traverse le Burkina Faso est une situation qui vient de très loin. Nous avons une situation de démocratie mal exprimée, la vie est chère. A cela est venue s’ajouter la crise sécuritaire. Et le renouvellement de la classe dirigeante tire sa source de là », a-t-il poursuivi.
« Il faut diriger le pays par ordonnance », plaide Dr Ouattara
Dans cette interview, Dramane Ouattara ne passera pas par quatre chemins pour désapprouver la mise en place d’une Assemblée législative de transition qu’il juge trop budgétivore. Pour lui, l’assemblée est une caisse de résonnance perpétuelle alors qu’elle devrait être celle qui porte la voix du peuple. « Mais depuis les années 90-91 jusqu’à nos jours, toutes les lois qui ont été prises, on a l’impression que ce sont des lois prises contre le peuple et donc les plaintes du peuple résultent un peu de ces choix (…). Comment voulez-vous que le peuple veuille aujourd’hui qu’il y ait une assemblée pour cette transition qui ne va durer que deux ans ? Et puis c’est l’argent du peuple qu’ils vont prendre pour payer ces gens qui vont aller encore voter des lois contre le peuple », a-t-il laissé entendre.
Dr Dramane Ouattara invite le capitaine Ibrahim Traoré à s’assumer en tant que président du Faso
C’est pourquoi, il propose de diriger le pays par ordonnance. « Au stade où nous sommes, le pays n’a pas besoin de cette Assemblée parce qu’elle ne servira à rien. Il faut diriger par ordonnance », indique Dr Ouattara qui, du reste, estime également qu’il est nécessaire de relire la constitution du pays, de revoir le code électoral de manière à ce que le président soit désigné par un collège et choisi comme cela se passe aux Etats-Unis. « Cela nous épargnerait les sentiments un peu régionaliste ou ethniciste ».
Dr Ouattara qui a porté son choix sur le capitaine Traoré pour diriger le pays a salué la pertinence de ses interventions dès les premières heures du coup d’Etat notamment son choix de vouloir explorer d’autres partenariats. Pour lui, une diversification de partenariat ne veut pas dire abandonner les anciens partenaires. « De toutes les façons il n’y a pas un seul pays qui ne cherche pas de relation de partenariat. Mais cette relation se fait dans le respect d’une certaine indépendance du partenaire. Donc il faut diversifier les partenaires sur le plan sécuritaire car c’est une nécessité aujourd’hui ; il faut aller vers des américains, des chinois ou même des iraniens. Pour moi, tous ceux qui peuvent nous aider à mieux nous en sortir, il faut aller vers eux. Du moment que le capitaine nous promet cela, je pense qu’il faut lui laisser le pouvoir. A pouvoir exceptionnel, un régime exceptionnel », a-t-il martelé.
Par ailleurs, il invite le peuple à soutenir la prochaine transition qui sera mise en place quel que soit le choix du président qui sera fait. Face à l’appel des organisations de la société civile à manifester pour soutenir le capitaine Traoré, Dr Ouattara invite les manifestants à faire confiance aux forces vives qui sont invitées à ces assises et à éviter les casses. Aussi, il a souhaité que les autorités qui vont venir puissent travailler pour le peuple et non pour des officines nationales ou internationales car, dit-il, le peuple d’aujourd’hui n’est pas celui d’hier.
Romuald Dofini
Lefaso.net