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Discours de prestation de serment du chef de l’Etat : « Le capitaine Traoré se fait le porte-voix de toutes les âmes meurtries », Dr Boukary Nebié

<p><strong>Dans ces lignes qui suivent&comma; Dr Boukary Nebié&comma; spécialiste de l’analyse du discours&comma; enseignant-chercheur à l’UFR&sol;SH-LAC de l’université de Fada N’Gourma&comma; décrypte quelques extraits du discours de prestation du chef de l’Etat&comma; le capitaine Ibrahim Traoré&comma; le vendredi 21 octobre 2022&period; Dr Nebié est&comma; par ailleurs&comma; le président de l’Opad &lpar;Observatoire de production et d’analyse du discours&rpar;&period;<&sol;strong><&sol;p>&NewLine;<p><strong>Sidwaya &lpar;S&period;&rpar; &colon; « Cette révolte est celle des milliers de personnes déplacées internes&comma; cette révolte est celle des soldats au front qui défient donc continuellement et courageusement l’ennemi qui se cachait et qui ne se cache plus »&period; Quel est le message que sous-tend cette déclaration du chef de l’Etat &quest;<&sol;strong><&sol;p>&NewLine;<p><strong> Boukary Nebié &lpar;B&period; N&period;&rpar; &colon;<&sol;strong> De cette déclaration&comma; je retiens que le Président&comma; le capitaine Ibrahim Traoré&comma; a en ligne de mire deux catégories de personnes touchées directement par le terrorisme&period; D’une part&comma; il s’agit de ces centaines de milliers de Burkinabè qui sont devenus des réfugiés dans leur propre pays du fait du terrorisme&period; Ces hommes et femmes qui ont perdu tout jusqu’à leur dignité&period;<&sol;p>&NewLine;<p>Ces hommes et femmes qui&comma; à longueur de journée&comma; souffrent dans leur chair et dans leur âme &semi; mais qui n’ont pas&comma; par eux-mêmes&comma; la solution à leur mal&period; Le capitaine Traoré se fait donc le porte-voix de toutes ces âmes meurtries qui souffrent le martyr dans le silence&period; D’autre part&comma; il est lui-même soldat&period; Il a dirigé des troupes sur le champ de bataille&period; Il sait ce que les militaires rencontrent sur le terrain&period; Il sait dans quel dénuement se trouvent les militaires qui sont en première ligne dans le combat contre l’ennemi&comma; mais qui sont obligés de tenir pour que le Burkina Faso survive&period;<&sol;p>&NewLine;<p>Et ils sont obligés de se taire sur les manquements d’une certaine hiérarchie politico-militaire&comma; car le métier des armes ne leur donne pas la latitude d’être assez bavards sur les conditions de vie et de travail très précaires auxquelles ils sont exposés&period; Le président se fait donc le porte-étendard de ces deux catégories de la population&period;<&sol;p>&NewLine;<p><strong>S&period; &colon; Le capitaine Traoré a clairement affirmé qu’il ne s’agit pas d’une guerre asymétrique&period; Est-ce à dire que l’on s’est réfugié&comma; toutes ces années&comma; derrière cette terminologie pour ne pas affronter la réalité de la situation &quest; <&sol;strong><&sol;p>&NewLine;<p><strong>B&period; N&period; &colon;<&sol;strong> Absolument &excl; C’est la première fois&comma; depuis que notre pays connait le terrorisme&comma; qu’une haute autorité de son rang réfute la terminologie &OpenCurlyDoubleQuote;guerre asymétrique” qu’il a désigné par le terme &OpenCurlyDoubleQuote;guerre non conventionnelle” dans son discours&period; Ni le Président Kaboré&comma; ni le lieutenant-colonel Damiba&comma; ni aucun ministre ne l’avait dit&period; Et justement&comma; comme cela ressort dans la question&comma; il ne s’agissait ni plus ni moins que d’une stratégie désinvolte pour justifier les échecs&period;<&sol;p>&NewLine;<p>On se complaisait à dire que nous avons affaire à une guerre asymétrique et que c’est pour cette raison qu’on a du mal à venir à bout du problème&period; Ce que j’avais toujours refusé d’accepter&period; Le capitaine Traoré a déjà le grand mérite d’avoir nommé clairement les choses&period; C’est déjà la preuve d’un courage politique et militaire&comma; d’une honnêteté intellectuelle et d’une sincérité communicationnelle&period; Et cela est indispensable si l’on veut l’accompagnement des populations&period;<&sol;p>&NewLine;<p><strong>S &colon; Le chef de l’Etat a souhaité que chacun prenne conscience de cette situation et que nous puissions sortir de là&comma; grandis et plus soudés&period; Serait-ce une interpellation faite à tous les Burkinabè&comma; sans exception &quest; <&sol;strong><&sol;p>&NewLine;<p><strong>B&period; N&period; &colon;<&sol;strong> En effet &excl; C’est un appel adressé à chaque Burkinabè&period; Il faut que chacun prenne la mesure du danger&period; Nous devons absolument unir nos intelligences&comma; nos forces&period; Nous n’avons plus le choix&period; Soit nous fédérons nos énergies et nous engageons dans un sursaut patriotique collectif pour vaincre l’ennemi&period; Soit nous restons dans nos petits jeux d’ego&comma; auquel cas nous périrons tous ensemble&comma; comme un peuple de damnés&period;<&sol;p>&NewLine;<p>Or je refuse de croire que nous sommes des damnés de la terre&comma; pour reprendre un des titres de Frantz Fanon&period; Mais il faut reconnaître que l’appel à l’unisson ne date pas d’aujourd’hui&period; Le Président Kaboré avait&comma; à maintes reprises&comma; lancé cet appel&period; Mais je ne crois pas qu’il a été entendu&period; Damiba l’a aussi fait&period; Même résultat&period; C’est pourquoi j’estime qu’il ne s’agit pas seulement de lancer un appel à l’unisson&period; Il faut que les gens sentent dans vos actes que vous êtes sincères&period;<&sol;p>&NewLine;<p>Il faut vous mettre au-dessus de la mêlée&period; Si vous êtes partial&comma; même si vous lancez mille appels à l’unisson quotidiennement&comma; je doute que vos appels aient des échos favorables chez les populations&period; Mais pour les premiers pas du capitaine&comma; j’estime que s’il ne se détourne pas de son idéal&comma; son appel sera entendu et même compris&period;<&sol;p>&NewLine;<p><strong>S &colon; « Ma conviction est certaine&period; Le Burkina a des hommes capables&comma; le Burkina a des combattants et nous pouvons nous en sortir&period; Nous pouvons gagner cette bataille&comma; nous pouvons gagner cette guerre&period; Je suis convaincu et je le dis&comma; nous avons des combattants et nous le pouvons »&period; Qu’est-ce qui a donc fait défaut jusque-là à la lecture de cet extrait &quest; <&sol;strong><&sol;p>&NewLine;<p><strong>B&period; N&period; &colon;<&sol;strong> Ce qui a fait défaut&comma; à mon humble avis&comma; c’est le patriotisme des premiers acteurs dans le processus de lutte contre le terrorisme&period; Quand je parle des premiers acteurs&comma; j’indexe aussi bien des acteurs politiques que des acteurs militaires&period; Pendant que nous sommes en pleine guerre&comma; des dirigeants politiques et des acteurs dans la hiérarchie militaire s’enrichissent&period; On se rappelle encore la loi de programmation militaire dont le but était d’équiper conséquemment les militaires&period;<&sol;p>&NewLine;<p>Les militaires sont-ils bien équipés &quest; Je ne crois pas&period; Alors où sont passés les milliards &quest; Dans des poches d’une minorité qui se la coulent douce pendant que le pays s’effondre&period; Et quand c’est comme cela&comma; personne ne va vouloir s’engager véritablement puisqu’on se dit qu’on ne mourra pas pour rien&period; Et c’est une réaction naturelle et normal&period; Les récits de presse nous ont parfois décrit des scènes d’attaque où nos militaires étaient à bout de munitions&period; Comment comprendre cela &quest;<&sol;p>&NewLine;<p>Aussi&comma; j’estime que si nous voulons vraiment venir à bout du terrorisme&comma; il faut éviter de la politiser comme ce fut le cas sous Kaboré et Damiba&period; Enfin il y a cette question brûlante du choix des partenaires régionaux et internationaux&period; L’hégémonie de la France au niveau de nos partenariats militaires doit cesser&period;<&sol;p>&NewLine;<p>Si jusque-là elle est incapable de nous doter en armement de façon conséquente&comma; si elle n’est pas en mesure de nous donner les renseignements nécessaires sur les mouvements des terroristes et ce&comma; nonobstant les moyens assez sophistiqués dont elle dispose en termes de renseignement&comma; il sied alors que nous nous regardions droit dans les yeux et que nous remettions sur la table les dossiers relatifs à nos accords afin de les rediscuter&period;<&sol;p>&NewLine;<p><strong> S &colon; « Aucun sacrifice ne sera de trop pour sortir ce pays de la situation dans laquelle il se trouve&period; Donc notre engagement&comma; c’est pour un retour de la paix et notre boussole sera toujours ce peuple&period; C’est ce qui va nous guider tout le long de ces vingt et un &lpar;21&rpar; mois&period; » Le capitaine Traoré prend-il le peuple à témoin dans ce passage &quest; <&sol;strong><&sol;p>&NewLine;<p><strong>B&period; N&period; &colon;<&sol;strong> Il prend là&comma; le peuple à témoin&period; Il dit que le peuple sera sa boussole&period; J’ai bien aimé la formule car le peuple ne peut jamais se tromper&period; Lui-même&comma; il a vraiment intérêt à garder le peuple comme sa boussole&period; Car&comma; dans l’exercice du pouvoir d’Etat&comma; il sera sans doute à un certain moment confronté à des difficultés d’ordre interne et externe&period; Ce ne sera pas du tout simple&period;<&sol;p>&NewLine;<p>Mais s’il a le peuple comme boussole&comma; il sortira victorieux&period; La vraie boussole&comma; le véritable bouclier contre toute les forces obscurantistes et rétrogrades demeure le peuple&period; De ce point de vue&comma; il détient déjà un capital sympathie de la part de la population et notamment dans sa frange jeune&period; Il doit tout faire pour rentabiliser ce capital de sympathisants et en tirer au maximum profit pour sortir le Burkina Faso de cette ornière&period;<&sol;p>&NewLine;<p><strong>S &colon; Le chef de l’Etat a appelé ses frères d’armes à s’unir face au défi sécuritaire&period; Quelle lecture faites-vous de cet appel &quest; <&sol;strong><&sol;p>&NewLine;<p><strong>B&period; N&period; &colon;<&sol;strong> L’appel à l’union lancé à ses frères d’armes a toute son importance dans ce contexte&period; Depuis longtemps&comma; il ressort que l’armée est divisée&period; Cette division se lit même dans le discours du 4 septembre du lieutenant-colonel Damiba&period; Avec l’avènement du MPSR 2 dont le capitaine Traoré est la figure emblématique&comma; les divisions se sont encore faits jour&period; Alors comment comptons-nous vaincre l’ennemi si nous sommes nous-mêmes divisés &quest; La population est prête à soutenir son armée&period;<&sol;p>&NewLine;<p>Il appartient donc à cette armée de parler d’une seule voix&period; Nos militaires doivent penser à tous les frères d’armes tombés dans cette lutte laissant derrière eux des veuves et des orphelins&period; Ils doivent penser à ces centaines de milliers de leurs frères&comma; sœurs&comma; cousins&comma; cousines&comma; mères&comma; pères&comma; enfants qui n’ont plus aucune dignité du fait du terrorisme&period;<&sol;p>&NewLine;<p>Ils doivent penser à ce pays&comma; le Burkina Faso&comma; notre seul véritable bien&comma; qui risque de disparaitre&period; Ils doivent penser à leur serment de défendre la terre de leurs pères&period; S’ils pensent à tout cela&comma; je crois qu’ils sauront taire leurs contradictions secondaires et ne s’attaquer qu’à la contradiction principale&comma; c’est à dire le terrorisme qui menace notre Nation dans ses fondements mêmes&period;<&sol;p>&NewLine;<p><strong>S &colon; De manière générale&comma; quelle appréciation faites-vous du discours de prestation de serment du chef de l’Etat&quest; <&sol;strong><&sol;p>&NewLine;<p><strong>B&period; N&period; &colon;<&sol;strong> De façon générale&comma; le discours de prestation de serment du capitaine président peut être analysé sous un double angle&period; Il y a d’un côté la forme&period; A ce niveau&comma; nous notons que pour la première fois&comma; un président refuse de lire un discours préfabriqué à une cérémonie aussi solennelle qu’est la prestation de serment à l’issue de son investiture par le Conseil constitutionnel&period; Cela a bien sûr donné lieu à quelques hésitations dans la prestation orale mais cela témoigne aussi de la volonté de l’homme de dire ce qu’il ressent comme il le ressent avec ses mots&period;<&sol;p>&NewLine;<p>C’est une première et il doit travailler à se faire accompagner par des spécialistes pour les prochaines sorties&period; D’un autre côté&comma; il y a la forme&period; Et là&comma; j’avoue que c’est profond comme message&period; Certains des points abordés plus hauts témoignent de la profondeur du discours&period; Mais permettez-moi d’ajouter ceci&period; Dans le discours&comma; le président s’est engagé à ne pas oublier son premier engagement dès sa prise du pouvoir&period; Même investi comme président&comma; il dit qu’il ira toujours au front&period;<&sol;p>&NewLine;<p>C’est du jamais entendu dans notre pays&period; Le président dit que pour sa Nation&comma; il se battra jusqu’à son dernier souffle&period; Là également c’est inédit&period; Pour la première fois&comma; un Président refuse le terme de &OpenCurlyDoubleQuote;personne déplacées internes &lpar;PDI&rpar; et préfère parler de &OpenCurlyDoubleQuote;réfugiés dans leur propre pays”&period; Un clin d’œil à l’intrépide journaliste Norbert Zongo&period; Le président estime que seul le développement endogène peut être une issue pour le Burkina Faso&period;<&sol;p>&NewLine;<p>Le sage Joseph Ki-Zerbo est convoqué&period; Il termine son discours par cette formule &OpenCurlyDoubleQuote; La partie où la mort nous vaincrons” là où son prédécesseur Damiba avait préféré &OpenCurlyDoubleQuote;Pour la partie nous vaincrons”&period; Et c’est Thomas Sankara qui est honoré&period; Il faut aussi noter que le président a interpellé les populations des grandes villes&period; Il les a exhortées à ne pas croire que le terrorisme ne concerne que ceux qui vivent dans les zones fortement menacées&period; C’est une remarque très importante&period;<&sol;p>&NewLine;<p>On a l’impression que les populations des grandes agglomérations n’ont pas véritablement pris la mesure du danger&period; Sauf ceux qui ont eu la malchance d’avoir une famille directement touchée&period; Cela ne veut pas dire que la vie doit s’arrêter&period; Non&excl; Il faut bien que les gens vivent&comma; que l’économie tourne&period; Mais nous devons faire bloc avec ceux qui n’ont plus de toit&comma; plus de terre pour cultiver&comma; plus de bétail&period; Nous devons penser à tous ces millions d’enfants qui ne vont plus à l’école&period; Il faut que l’on sorte de ce que j’appelle &OpenCurlyDoubleQuote;le déni citadin de la triste réalité”&period;<&sol;p>&NewLine;<p><strong>Propos recueillis par Karim BADOLO <&sol;strong><&sol;p>

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