Le gouvernement du Premier ministre Apollinaire Joachim Kyelem de Tambela a été communiqué aux Burkinabè dans la soirée du mardi 25 octobre 2022. Le casting a duré quatre jours, après la nomination du Premier ministre qui, par son âge, est censé apporter un peu de hakilinyuma (sagesse en bambara et dioula) au plus jeune président du monde, le capitaine Ibrahim Traoré.
Nous battons des records mondiaux en termes de coups d’Etat, de jeunes présidents, de victimes du terrorisme et de nombre de personnes déplacées dans leur pays. Le gouvernement doit se mettre à la tâche pour gagner l’urgence des urgences, la priorité des priorités : la guerre contre les groupes terroristes qui contrôlent 40%¬¬ du territoire, ramener chez eux, sur leurs terres, dans leurs villages, les deux millions de déplacées internes. Que retenir de cette équipe ? Quels sont les écueils à éviter par les nouveaux hommes en charge de gouverner le pays ?
D’abord commençons par les bonnes nouvelles, le nombre de ministères n’a pas beaucoup varié par rapport au dernier gouvernement, il est de 23 pour 25. Deux postes ministériels ont été gagnés par des regroupements et des fusions et le renvoi à la poubelle du ministère des Affaires religieuses et coutumières. La réconciliation nationale, le genre et la famille ont été rattachés au ministère de la Solidarité de l’action humanitaire. Ceci est une bonne chose, l’ossature générale des autres ministères reste intacte et la perte de temps en réorganisation des directions est évitée et des économies sont faites.
Il y a cinq ministres du MPSR 1 qui restent avec 18 nouveaux qui arrivent. C’est un renouvellement conséquent à plus de 78%. Les anciens ministres sont dans la proportion de 21% avec le ministre Bassolma Bazié avec « ses trois cailloux » qui conserve son portefeuille de la fonction publique, du travail et de la protection sociale. L’ancien général des travailleurs, passé de l’autre côté, monte en grade en devenant ministre d’Etat.
Il y a deux militaires qui occupent les postes de la défense et de la sécurité comme dans le gouvernement MPSR1. Le ministère des Infrastructures a été libéré par les militaires pour un civil, par contre on note l’arrivée de deux autres composantes des forces de défense et de sécurité, les eaux et forêts et la police qui prennent le contrôle du ministère de l’Environnement de l’eau et de l’assainissement et du ministère délégué chargé de la sécurité. La coalition des femmes pour une gouvernance inclusive de Zénabou Zongo Coulibaly qui espérait un gouvernement de parité, n’a pas eu gain de cause avec ce gouvernement. Pire, le quota des femmes ministres est loin des 30%, puisque les femmes jugées dignes de diriger des départements ministériels ne sont que 5 soit un peu plus de 21%.
Objectif : gagner la guerre
Pour mériter le nom de gouvernement, il faut que la nouvelle équipe prenne conscience qu’elle doit exercer son empire sur tout le territoire national. Il doit comme l’a si bien dit le Premier ministre en faire son sujet « principal et prioritaire ».
S’il oublie la reconquête de l’intégrité du territoire, il aura failli, il sera un gouvernement fantoche. Il ne faudrait pas que le pays fasse toujours les mêmes erreurs et que l’on soit dans le perpétuel recommencement. C’est bien que ce soit Me Kyelem de Tambela lui-même qui le dise cette priorité de la lutte contre le terrorisme. Il ne faudrait pas qu’il (le Premier ministre) confonde le gouvernement MPSR2 avec un gouvernement sankariste, ce serait faire l’erreur de Damiba qui voulait ramener Blaise Compaoré. Il faudrait que ces vieilles bagarres d’un camp contre l’autre soient abandonnées pour que tous ensemble on se batte pour le « principal et le prioritaire » la lutte contre le terrorisme et le retour des personnes déplacées internes.
C’est dommage que certaines personnes croient bien faire en essayant de récupérer le président de la transition. Est-ce responsable d’augmenter les difficultés du chef de l’Etat en lui donnant un trophée sankariste ? Il a pour tâche de rassembler le pays entier contre les agresseurs qui veulent nous l’arracher, il n’est d’aucun parti, d’aucune chapelle, d’aucune religion, d’aucune région, d’aucune ethnie comme le dirait le général Sangoulé Lamizana. Le capitaine Ibrahim Traoré n’est pas le capitaine Thomas Sankara.
Sana Guy
Lefaso.net
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