Dans de nombreuses régions du monde, on entend dire que la tuberculose est en train de retrouver son statut d’infection la plus meurtrière au monde, même si la pandémie de COVID-19 continue de tuer environ 1 450 personnes par jour. Mais ce n’est pas nouveau pour les pays africains, qui représentent un tiers des personnes qui meurent de la tuberculose dans le monde, alors qu’ils comptent moins d’un cinquième de la population mondiale.
Et sur notre continent, le bilan réel pourrait être bien plus lourd : seuls 60 % des cas estimés ont été diagnostiqués. Toutes les autres infections sont dissimulées par la pauvreté – la maladie continue donc de se propager.
Prenons par exemple l’histoire de Zanyiwe, qui se remet de la tuberculose pour la cinquième fois. Son gendre est mort de la maladie, et sa petite-fille de 18 mois en est actuellement atteinte. La tuberculose a frappé sa famille et sa communauté au Cap, en Afrique du Sud, mais cette histoire pourrait se dérouler au Nigeria, au Kenya ou à peu près n’importe où, car la tuberculose n’a jamais été endiguée en Afrique.
Il y a quatre ans, on pouvait espérer que la tuberculose recevrait l’attention qu’elle mérite. En septembre 2018, les Nations Unies ont organisé une réunion de haut niveau avec des chefs d’État, lors de laquelle des représentants de plus de la moitié des nations du monde se sont réunis pour apporter leur soutien à la lutte contre la tuberculose. De nombreux engagements ont été pris ; la réalisation de ces engagements a démarré lentement, puis la pandémie de COVID-19 a conduit à un échec complet de ces efforts.
Le premier engagement était de trouver et de traiter 40 millions de personnes atteintes de tuberculose entre 2018 et 2022, dont 3,5 millions d’enfants et 1,5 million de personnes atteintes de tuberculose pharmacorésistante. Nous avons 19 % de retard sur cet objectif global, mais 32 % de retard pour les enfants et 46 % de retard pour la tuberculose pharmacorésistante. Nous disposons désormais de nouveaux schémas thérapeutiques plus courts contre la tuberculose et la tuberculose pharmacorésistante ; l’utilisation de ces nouvelles technologies pourrait amener à changer la donne l’année prochaine, quand aura lieu une autre réunion de haut niveau des Nations Unies sur la tuberculose.
Dr. Morounfolu Olugbosi
Le deuxième engagement consistait à fournir un traitement préventif à 30 millions de personnes exposées au risque d’infection par la tuberculose. Nous avons un retard de 48 % sur cet aspect. Par ailleurs, si nous avons déjà dépassé le sous-objectif consistant à atteindre 6 millions de personnes vivant avec le VIH avec un traitement préventif, entre 2018 et 2021, nous n’avons fourni un traitement préventif qu’à 2,2 millions de contacts familiaux de personnes atteintes de tuberculose, soit 11,5 % de l’objectif. Encore une fois, nous disposons maintenant de nouveaux traitements préventifs plus efficaces et au déploiement plus rapide – mais nous avons besoin de la capacité de sensibilisation et de la volonté des pays pour mettre le traitement entre les mains des personnes qui en ont besoin.
Les troisième et quatrième engagements concernent le financement. Les dirigeants se sont engagés à consacrer un total de 13 milliards USD par an à la prévention, au diagnostic et au traitement d’ici 2022 ; en 2021, les dépenses ne correspondaient qu’à 42 % de cet objectif annuel. Pour la recherche sur la tuberculose, 2 milliards USD par an ont été promis d’ici 2022, mais en 2021, les dépenses de recherche ont atteint moins de la moitié de ce montant (46 %). La mise en œuvre des nouveaux traitements et le développement de traitements encore plus efficaces nécessiteront un respect plus strict de ces engagements ; le statu quo ne nous permettra tout simplement pas d’y parvenir.
Alors que nous nous approchons du terme de l’année 2022, il est évident que nous n’atteindrons pas ces objectifs. Cela étant dit, certains signes de progrès méritent d’être soulignés.
Tout d’abord, le Gabon, le Kenya, le Libéria, la Namibie, la République du Congo, la Sierra Leone et l’Ouganda ont tous progressé en découvrant davantage de cas de tuberculose l’année dernière. Et la République centrafricaine, la République démocratique du Congo, le Mozambique, le Nigeria, la Tanzanie et la Zambie ont tous progressé tout au long de la pandémie, affichant ainsi la volonté politique nécessaire pour maintenir la population en meilleure santé. Globalement, l’Afrique a trouvé 4 % de cas de tuberculose en plus en 2021 qu’en 2020. C’est un début – et nous pouvons faire mieux.
De nouveaux médicaments antituberculeux sont soutenus par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Une thérapie de six mois pour la tuberculose pharmacorésistante a été approuvée dans plus de 20 pays, dont l’Afrique du Sud, la République démocratique du Congo, le Mozambique et le Zimbabwe. En outre, l’Afrique du Sud, l’Éthiopie, le Ghana, le Kenya, le Malawi, le Mozambique, la Tanzanie et le Zimbabwe travaillent au déploiement d’un nouveau traitement préventif contre la tuberculose.
En Afrique, nous ne chercherons pas à donner à ces premiers signes de progrès plus de sens qu’ils n’en ont. Mais, en même temps, il s’agit quand même de progrès qui doivent être respectés et amplifiés. L’année prochaine, le monde se penchera sur les promesses longtemps ignorées. Nous devons montrer au monde qu’il est temps d’aller de l’avant ; tout ce qui a manqué, c’est ce qui manque depuis de trop nombreuses années : la volonté politique.
Dr. Morounfolu Olugbosi
Sidwaya.info