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« Toute forêt villageoise… joue un rôle extrêmement important dans la lutte contre le changement climatique », dixit Pr Adjima Thiombiano

L’enseignant-chercheur en biologie et écologie végétales, Pr Adjima Thiombiano, aborde la contribution des forêts villageoises à la lutte contre le changement climatique, ainsi que les possibilités de marché carbone pouvant en découler.

Sidwaya (S) : Quelle est la place des forêts communautaires dans la lutte contre le changement climatique ?

Pr Adjima Thiombiano (A.T.) : Toute forêt contribue naturellement à l’atténuation et à l’adaptation au changement climatique. Les forêts, dans leur dynamique de croissance à travers la photosynthèse, permettent de capter le gaz carbonique, contribuant ainsi à la réduction des Gaz à effet de serre (GAS) dans l’atmosphère ; et partant, à la baisse de la température. Cela est en droite ligne de l’Accord de Paris de 2015 dont l’objectif est de limiter le réchauffement climatique à un niveau bien inférieur à 2°C, de préférence à 1,5°C, par rapport au niveau préindustriel. Ces forêts communautaires fournissent en outre de nombreux services d’approvisionnement, de support, de régulation et culturels.

S : En quoi consistent concrètement ces services ?

A.T. : Parlant par exemple de service de régulation, si nous prenons le cas de la forêt classée de Bangre-weoogo (Ouagadougou), nous constatons que les températures sont plus douces aux environs immédiats quelle que soit la période de l’année. Pourquoi cette régulation thermique ? Elle est assurée par les processus physiologiques des plantes qui nécessitent des températures optimales pour être accomplis. Ainsi, lorsqu’il fait très chaud, les températures sont moins élevées dans et autour de la forêt. A l’inverse, quand il fait très froid, les températures y sont sensiblement plus élevées. Le second exemple de service (de support), non destiné prioritairement à l’homme, est la formation des fruits rendue possible grâce à la pollinisation. En effet, la pollinisation qui est assurée par les agents comme les insectes, est capitale non seulement pour assurer la pérennité des espèces mais aussi pour le bien-être de l’Homme à travers son alimentation, ses soins, etc. Il faut rappeler que les plantes ne produisent pas pour l’Homme mais pour elles-mêmes ! Il est donc important d’y penser chaque fois que nous voulons nous servir, en donnant la chance à chaque plante de continuer d’exister en évitant la surexploitation. Pour ce qui est de l’adaptation au changement climatique, ces forêts villageoises jouent un rôle capital grâce à la fourniture des services d’approvisionnement comme les Produits forestiers non ligneux (PFNL) qui permettent aux populations d’être plus résilientes. En cas de catastrophes climatiques, si la production agricole n’a pas été au rendez-vous, ces forêts offrent aux populations des ressources alimentaires alternatives (feuilles, fruits, fleurs, etc.).

S : La contribution de ces forêts villageoises à la lutte contre le réchauffement climatique est-elle significative ?

A.T. : Elle est très significative. On ne peut avoir de résultats substantiels dans la lutte contre le changement climatique sans les formations forestières. Une forêt villageoise, aussi petite soit-elle, joue un rôle extrêmement important dans la lutte contre les effets du changement climatique. Ces forêts communautaires constituent des puits de carbone, contribuant ainsi à réduire significativement les GAS. Il est donc important de leur accorder toute l’importance qui sied.

S : On entend dire que la biodiversité ou la diversité des habitats contribue à la lutte contre le changement climatique…

A.T. : Une forêt peut être petite mais renfermer une diversité élevée en habitats, tels que des formations aquatiques, des formations denses, des savanes, des termitières, des collines, etc. Autant d’habitats il y a dans une forêt, autant de possibilités de formes de vie on y trouve. Or, plus une forêt renferme des formes diversifiées de vie, plus elle possède des capacités de séquestration du carbone. Dans une formation monospécifique constituée uniquement d’une espèce comme le manguier, la quantité de carbone séquestrée est naturellement liée à la capacité du seul manguier à séquestrer le carbone. Par contre, si une formation renferme plusieurs espèces végétales, chacune ayant une capacité différente de séquestration du carbone, il y aura plus de possibilités pour accroitre la quantité de carbone séquestré, avec des possibilités de compensation entre les espèces. Et, plus le carbone séquestré sera important dans une forêt, plus sa contribution à la lutte contre le changement climatique est importante.

S : Quelles sont les contraintes à la gestion durable des forêts villageoises ?

A.T. : La contrainte majeure est liée à la pauvreté. Vous avez beau sensibiliser les populations, si elles ne peuvent satisfaire leurs besoins existentiels quotidiens, ne leur demandez pas de penser à demain ! Le deuxième élément tient au niveau d’instruction, de compréhension de certains phénomènes climatiques au niveau des populations. Une autre contrainte est relative à la politique environnementale. On peut avoir une bonne politique, mais s’il n’y a pas un accompagnement et un encadrement conséquents, très rapidement, les premiers acteurs de conservation vont se lasser. Enfin, la dernière contrainte est celle liée à l’occupation des terres. En effet, des plans d’aménagement des terroirs existent, prévoyant des espaces agricoles, pastoraux, forestiers… Force est de constater aujourd’hui que pratiquement toutes les terres sont prises, soit pour l’agriculture, soit comme zones d’habitation, privant ainsi les animaux d’un espace adéquat pour s’alimenter. Ainsi, de nombreuses forêts villageoises se trouvent être désormais des zones pastorales ; toute chose qui engendre une forte dégradation de ces forêts et des conflits entre éleveurs et promoteurs de forêts villageoises.

S : Les acteurs des forêts communautaires peuvent-ils accéder au marché carbone ?

A.T. : Oui, mais encore faut-il qu’ils soient encadrés et accompagnés. Car, l’accès au marché carbone suit un processus extrêmement complexe ! Le Burkina Faso dispose de structures qualifiées et compétentes pour accompagner les différents promoteurs de forêts villageoises à tirer profit des efforts de conservation à travers le marché de carbone. Toutefois, cela nécessite un accompagnement conséquent et la mise en place d’une clé de répartition claire et transparente des retombées au profit des communautés. Si des initiatives supplémentaires ne sont pas vite trouvées pour mieux récompenser les efforts consentis dans la conservation, j’ai bien peur qu’à court ou moyen terme, ces forêts disparaissent.

S : Concrètement, que doivent faire l’Etat et les collectivités locales ?

A.T. : On ne peut pas promouvoir ce qu’on ne connait pas. L’Etat et tous les autres acteurs doivent développer des stratégies pour connaitre réellement le potentiel qu’il y a dans ces forêts villageoises. Sans études conséquentes, il est difficile d’accéder au marché carbone. Mieux vous avez des connaissances précises sur votre forêt, plus les retombées financières sont conséquentes. La bonne connaissance de la forêt passe, par exemple, par la description de toutes les espèces qui s’y trouvent, ainsi que les classes d’âge des individus constitutifs, car la séquestration du carbone dépend fortement, entre autres, de ces paramètres. Les structures techniques du ministère en charge de l’environnement pourraient venir en aide aux communes et aux villages abritant ces forêts communautaires. En outre, les communes devraient à leur tour intégrer ces forêts dans leurs plans d’aménagement et leurs plans d’actions afin de mieux accompagner les gestionnaires dans les efforts de conservation de ces forêts. Elles devraient également développer des stratégies pour garantir des retombées financières et matérielles au profit des populations riveraines de ces forêts. Enfin, les gestionnaires devraient également mettre en place un mécanisme de gestion efficace des retombées en orientant l’essentiel des bénéfices vers la conservation de la forêt elle-même. Pour cela, ils devraient adopter une clé de répartition consensuelle avec une implication réelle de toute la communauté. Si les communautés se rendent compte qu’en termes de retombées, elles ne perçoivent rien de substantiel, n’attendez pas à ce qu’elles continuent de consentir des efforts à travers leur implication dans la gestion.

Interview réalisée par Mahamadi SEBOGO Windmad76@gmail.com

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