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Procès Thomas-Sankara : La défense plaide l’acquittement de ses clients

Les plaidoiries de la partie défenderesse se sont poursuivies, le mercredi 23 mars 2022, devant la chambre de première instance du Tribunal militaire, à Ouagadougou. La quasi-totalité des avocats de la défense ont demandé l’acquittement de leurs clients pour diverses raisons.

A l’ouverture de l’audience du procès Thomas-Sankara et 12 autres ce mercredi 23 mars 2022, les avocats de la défense se sont succédé à tour de rôle pour plaider la cause de leurs clients. Entre récit des évènements et résumé des dépositions devant le juge d’instruction, analyse des faits avec preuves à l’appui, le tout enrobé dans un style et un jargon juridique, les hommes et femmes en toge ont démontré la non culpabilité des accusés dont ils ont la défense.

Ainsi, Me Mamadou Sombié, avocat de l’accusé Nabonswendé Ouédraogo, ira jusqu’à déclarer dans sa plaidoirie que Thomas Sankara n’était ni un prophète encore moins un saint, mais il avait plutôt les traits caractéristiques d’un ange. « Il était très intelligent, très beau, jeune, mais têtu jusqu’à la mort. Il n’entendait pas ce que les humains lui disaient. Il n’entendait que ce que Dieu lui disait de faire. Il n’avait pas peur pour sa vie et nous a quittés au moment où nous avions le plus besoin de lui », a dépeint Me Sombié à propos du père de la Révolution d’aout 1983.

A l’entame de sa plaidoirie, maître Sombié a déclaré que le procès sur l’assassinat de Thomas Sankara et de ses compagnons est « un procès pour l’histoire et un procès du crime évident et des doutes ». Convaincu que ce procès n’aurait pas pu se tenir sans le sacrifice des insurgés des 30 et 31 octobre 2014 qui ont contraint le président Blaise Compaoré à quitter le pouvoir, Me Mamadou Sombié a tenu à leur rendre un vibrant hommage, tout en regrettant que ses confrères des parties civiles ne l’aient pas fait.

« Si la graine ne meurt pas, la plante ne germera pas », a enseigné l’avocat au passage. Après avoir rappelé brièvement le parcours de Thomas Sankara, Me Sombié a indiqué qu’il n’était pas un prophète, le prophète étant cette personne envoyée par Dieu pour révéler des choses cachées et accélérer la marche de l’histoire. Thomas Sankara n’était pas non plus un saint, selon l’avocat.

« Lui-même, il le disait à ses compagnons. Et d’ailleurs, je n’ai pas encore vu ses coreligionnaires entamer une procédure de sanctification pour lui », a-t-il indiqué. Il a également souligné qu’étant un ange, Thomas Sankara n’était donc pas « normal ». Sinon, il aurait écouté, selon lui, ses compagnons et sa famille qui l’avertissaient de l’imminence du danger. « Si j’étais Thomas Sankara, j’aurais écouté Boukari Kaboré dit le lion. Je serais allé au Ghana et de là j’aurais tenté de pourrir la vie de Blaise Compaoré.

Ou bien je serais allé à Cuba chez Fidel Castro. Je serais parti avec ma femme et mes deux enfants et j’aurais laissé derrière moi le Burkina Faso et ses problèmes de sous-développement », a indiqué l’avocat. Revenant sur l’organisation du procès, Maître Mamadou Sombié a indiqué qu’il a été « mal préparé et mal monté » par la justice militaire du fait de l’absence des « exécutants en chefs », ce qui laisse un goût d’inachevé.

« Il n’y a aucune audition de Blaise Compaoré dans le dossier alors qu’on pouvait l’entendre à Abidjan par la voie d’une commission rogatoire. La présence de Hyacinthe Kafando aurait pu décanter ce dossier aussi », a regretté l’avocat. Il reste convaincu que les accusés présents dans le box ne sont que du menu fretin. Pour Me Sombié Mamadou, le procès qui aurait dû être intitulé “Blaise Compaoré et autres” et non “Thomas Sankara et 12 autres”, est aussi celui du crime évident et des doutes.

Et sur la culpabilité de son client, il y a de sérieux doutes. Pour installer ses doutes dans l’esprit du tribunal, l’avocat a pris le soin de faire des photos non seulement des lieux où se trouvait son client pendant et après les évènements du 15 octobre 1987, mais aussi des véhicules de même type que ceux qui ont servi au commando qui a mené l’assaut. Le soldat de première classe Ouédraogo Nabonswendé, accusé de complicité d’attentat à la sûreté de l’état et de complicité d’assassinat, avait affirmé durant son audition, qu’il était en faction au domicile de Blaise Compaoré situé au sein du conseil durant les faits.

Et lorsqu’il a entendu les coups de feu, il s’est plaqué contre le sol avant de se mettre à l’abri toute la nuit dans des bassins d’eau à proximité. Le conseil de l’accusé a soutenu que son client n’est donc jamais monté dans aucun des deux véhicules qui ont transporté le commando, comme l’a affirmé Yamba Elisée Ilboudo. Et sur ce point, l’avocat a fait savoir que toutes les personnes averties qu’il a approchées, ont laissé entendre qu’il était impossible, au regard de la capacité de chacun des deux véhicules, de transporter un commando de 5 soldats avec leurs armements.

Des témoignages frelatés

Ce qui le fait douter fortement des propos de Yamba Elisée Ilboudo sur son client. Il a donc demandé au tribunal, au regard des incohérences de ce témoignage, de l’écarter du dossier. Me Sombié ira jusqu’à qualifier les déclarations des témoins qui chargent son client de « témoignages frelatés ».

Car, ce sont des dépositions associées, selon lui, à d’autres faits et des racontars entendus çà et là. « Tant que des pièces à conviction ne montrent pas la culpabilité de Nabonswendé Ouédraogo, si vous vous basez sur ces témoignages, vous risquez de rendre une mauvaise décision », a-t-il prévenu le tribunal. Au moment de clore sa plaidoirie, Me Sombié a rappelé que dans ce procès, que ce soient les innocents ou les coupables inculpés, tous ont déjà payé par l’opprobre jeté sur eux, mais aussi par les années de détention préventive qu’ils ont faites.

A l’encontre de son client, il juge incompréhensible que le parquet ait requis 20 ans d’emprisonnement. L’avocat a demandé purement et simplement l’acquittement de son client au bénéfice du doute. Et au cas où le tribunal le jugerait coupable, Me Sombié a demandé à ce qu’il lui soit accordé le sursis, car il a déjà fait 5 ans de détention préventive. A son tour, Me Maria Kanyili, avocate de Bossobè Traoré, a tenu à présenter son client. Elle a indiqué que Bossobè Traoré était soldat de première classe au moment des évènements du 15 octobre 1987, il faisait partie de la garde rapprochée du président Thomas Sankara.

Il est accusé de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat et de complicité d’assassinat. Il aurait participé à des réunions préparatoires du coup d’Etat du 15 octobre 1987 et aurait été celui qui a donné l’alerte au commando lorsque le cortège présidentiel a quitté la présidence pour le Conseil de l’Entente. De l’analyse de l’avocate, son client que l’on présente comme le “traître bandit”, n’est qu’une victime dans ce dossier.

De plus, il n’avait aucune raison de participer à l’assassinat du père de la Révolution car il l’appréciait beaucoup. « Le président Sankara et Bossobè entretenaient de très bonnes relations. Il avait beaucoup d’estime pour lui et Sankara aussi l’appréciait », a- t-elle dit. A l’en croire, son client était tellement attaché à Sankara, qu’en sa mémoire, il a conservé la tenue de sport qu’il portait le jour du 15 octobre 1987, tenue qu’elle a tenu à présenter au tribunal. Répondant au parquet qui dit que Bossobè Traoré se défend maladroitement, Me Kanyili a argué que cela ne saurait être un signe de culpabilité. Bien au contraire, les innocents se défendent très mal, car ils ont peur d’être jetés en prison.

« Si Bossobè Traoré se défend maladroitement c’est parce qu’il est innocent », a conclu l’avocate. Quant aux faits de complicité d’assassinat qui lui sont reprochés, le conseil de l’accusé a relevé le manque d’acte matériel de complicité. Sur le fait qu’il soit celui qui a donné l’alerte au commando, Me Kanyili a noté qu’il y a beaucoup de contradictions à ce niveau. Elle a affirmé que le parquet a laissé entendre que le commando qui a attaqué Thomas Sankara et ses compagnons était déjà au Conseil et l’attendait.

« Si le commando était déjà sur place, pourquoi avoir besoin de donner l’alerte ? », s’est interrogée l’avocate. Me Kanyili a terminé sa plaidoirie en invitant le tribunal à acquitter son client face au manque de preuves matérielles, au bénéfice du doute ou pour infractions non constituées. Au cas où le tribunal le reconnaîtrait coupable de quelques chefs d’accusation, l’avocate a plaidé pour que sa condamnation soit assortie de sursis car il a déjà fait 2 ans de détention et a tiré leçon.

Gérard COULIBALY

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