Ainsi donc, la rue a fini par avoir raison de Roch Donatien Nagalo ,ci-devant ministre du Commerce du gouvernement Kyélem de Tambèla ,éjecté de son fauteuil avant même son installation, au motif qu’il aurait “ spolié “ certains commerçants en leur promettant monts et merveilles à travers une caisse de solidarité qui n’aurait jamais vu le jour, ce qui s’apparenterait selon les plaignants à de l’escroquerie pour ne pas dire à un détournement de fonds.
Sans prendre partie dans cette querelle de chiffonniers qui aura occasionné des scènes cocasses, on ne peut que s’étonner que cette “ affaire “ ait surgit sept ans après la commission des faits supposés et au moment où Roch Nagalo était porté à la tête d’un ministère prestigieux et stratégique comme celui en charge du commerce.
Ce d’autant que dans ce laps de temps “ l’accusé “ était toujours secrétaire général de l’une des faîtières les plus importantes de l’univers commercial. Que de grands gabarits de cet univers laissent un “ escroc “ gérer leurs affaires, voilà qui ouvre la voie à moult interrogations dont la première et la principale porte sur la moralité de ce milieu et plus généralement sur le degré de la conscience citoyenne des Burkinabè à l’étape actuelle de notre évolution sociopolitique.
Sur le premier point, il faut convenir avec le dicton qui veut que qui se ressemble, s’assemble, et en déduire que si Nagalo est un ‟ escroc ”, tous les membres de son syndicat sont du même acabit, eux qui l’ont laissé à leur tête pendant sept ans sans piper mot sur ses turpitudes. Et, comme cette hypothèse est inenvisageable ou à tout le moins tirée par les cheveux, on en arrive à la conclusion que nous sommes devant un procès d’intention jusqu’à plus informé.
Sur le second point, disons que tous les Burkinabè sont devenus des censeurs voire des procureurs depuis les événements d’octobre 2014, chacun voyant midi à sa porte et étant intolérant et vindicatif vis-à-vis de ceux qui ne partagent pas son point de vue .La faute à une classe politique qui a échoué dans son rôle d’éducation et de conscientisation des masses populaires, plus préoccupée qu’elle était par une gestion ploutocratique et népotiste de l’appareil d’Etat au point de ramener la conscience citoyenne au degré zéro et de creuser un fossé abyssal entre les élites et le pays réel qui entend désormais dicter sa loi.
Un pis-aller dont les conséquences peuvent être dévastatrices à terme, et qu’il convient de circonscrire hic et nunc par une gouvernance vertueuse et solidaire. Pour l’heure, le Burkina navigue entre émotion et raison et la moindre suspicion peut couper la tête d’un ministre de la République, sans que la justice ne soit rendue dans son cas, ce qui affaiblit l’état de droit. Et même si nous ne partageons pas le point de vue du chantre de la négritude voulant que ‟ l’émotion est nègre ”, il faut convenir qu’au Burkina, la raison semble être la vertu la moins partagée de nos jours.
Boubakar SY