ANALYSE : DU VOLTAÏQUE OUEZZIN COULIBALY AU BURKINABE THOMAS SANKARA, L’HERITAGE D’UNE INTEGRITE A PERPETUER
WUROTEDA IBRAHIMA SANOU, JOURNALISTE-AGENCIER ET ANALYSTE (AIB)
Ouagadougou, 16 nov. 2022 (AIB)-Suivez sur la WEB TV AIB, l’analyse de la semaine du journaliste-agencier et analyste de l’AIB, Wurotèda Ibrahima Sanou intitulé « Du voltaïque Ouézzin COULIBALY au burkinabè Thomas SANKARA : L’histoire d’une intégrité à perpétuer ».
Dans la situation d’impasse où se trouve le Burkina Faso, chaque composante de la société rejette malheureusement, la responsabilité sur l’autre, au lieu de faire sa propre introspection.
Pour les politiciens, les militaires sont responsables du bourbier actuel pour avoir dirigé le pays pendant plus de 48 ans.
Pour les militaires, c’est la mauvaise gestion des civils qui les a amenés au pouvoir et ils y sont restés longtemps à cause de l’irresponsabilité des mêmes civils.
En entendant de revenir à travers d’autres analyses, sur la responsabilité de chaque composante, nous allons évoquer aujourd’hui, la gestion de deux anciens présidents du pays, l’un civil et l’autre militaire qui restent des modèles d’intégrité à suivre.
Il s’agit des présidents Daniel Ouézzin COULIBALY et Noël Isidore Thomas SANKARA.
Le président Daniel Ouézzin COULIBALY est le premier président de la Haute-Volta et le président Noël Isidore Thomas SANKARA est le premier président du Burkina Faso.
Les deux présidents laissent comme héritage aux Burkinabè deux documents historiques mais très actuels, qui définissent la voie pour le développement du Burkina Faso et tout politicien d’aujourd’hui et de demain qui envisage diriger ce pays, doit aller à leur école.
Il s’agit du discours programme du président Daniel Ouézzin COULIBALY prononcé devant les députés voltaïques le 20 mai 1958 et du discours d’orientation politique (DOP) du président Noël Isidore Thomas SANKARA diffusé sur la radio nationale le 2 octobre 1983.
Le premier discours pose les fondements de la Nation voltaïque et le second s’enracine dans le premier pour davantage préciser la voie du développement du Burkina Faso.
Le président Daniel Ouézzin COULIBALY en 1958 dans son discours programme et le président Noël Isidore Thomas SANKARA en 1983, dans son discours d’orientation politique (DOP), déplorent la pauvreté du paysan voltaïque qui était pourtant le seul véritable créateur de richesses.
Le président Daniel Ouézzin COULIBALY affirme, « les paysans voltaïques (…) sont aujourd’hui, dans notre territoire, les seuls véritables créateurs de richesses. Or, le revenu annuel de ce paysan n’excède pas six mille francs. Ce chiffre se passe de tout commentaire et nous indique la gravité du problème ».
Le président Noël Isidore Thomas SANKARA affirme « il y a ces «damnés de la terre», ces paysans que l’on exproprie, que l’on spolie, que l’on moleste, que l’on emprisonne, que l’on bafoue et que l’on humilie chaque jour et qui, cependant, sont de ceux dont le travail est créateur de richesses ».
Les deux dirigeants accordent une place de choix au paysan voltaïque dans leur programme et engagent des actions concrètes pour lui redonner sa dignité.
Le président Daniel Ouézzin COULIBALY invite les paysans voltaïques à renoncer « à tout individualisme (et à se) regrouper pour effectuer tous ensemble, au même moment, les mêmes travaux, de manière à obtenir les meilleurs rendements possibles ».
Pour accompagner les paysans voltaïques, le président Daniel Ouézzin COULIBALY instruit le ministère de l’agriculture d’installer douze centres pour encadrer les masses rurales ainsi que trois autres centres, spécialisés chacun dans une culture importante.
Le président Noël Isidore Thomas SANKARA a lancé « une réforme agraire avec pour but : l’accroissement de la productivité du travail par une meilleure organisation des paysans et l’introduction au niveau du monde rural de techniques modernes d’agriculture ».
Pour l’atteinte de l’autosuffisance alimentaire en Haute-Volta, le président Daniel Ouézzin COULIBALY affirmait en 1958 « en Haute-Volta, le premier problème à résoudre est celui de l’eau. Si l’eau jaillit, la vie apparait ».
Pour cela, il s’est engagé pour l’aménagement des vallées de Niéna, de Dion-Kélé et surtout de la vallée du Sourou.
26 ans après cet engagement qu’il n’a pas pu réaliser car décédé quelques mois après, c’est le président Noël Isidore Thomas SANKARA qui a donné, le 26 avril 1984, le coup d’envoi des travaux d’aménagement de la vallée du Sourou dont l’objectif était l’irrigation de 16.000 hectares.
Pour le président Noël Isidore Thomas SANKARA, « il était primordial que ces genres d’ouvrages soient mieux construits, au regard des enjeux socioéconomiques et géostratégiques qu’ils incarnent ».
En 2018, la vallée du Sourou, avait un potentiel de 30.000 hectares aménageables, malheureusement, seulement 1/10e des terres de la vallée du Sourou représentant environ 3.000 hectares, était exploité en 2018.
En 1958, le président Daniel Ouézzin COULIBALY encourage la culture intensive du coton en Haute Volta et lance l’industrialisation du coton par la construction d’une usine moderne à Bobo-Dioulasso et à Ouagadougou.
Il affirme « Je pense que nous tenons là une culture industrielle d’exportation qui avait disparu de nos régions ; elle peut devenir la principale source d’argent, indispensable à l’élévation du niveau économique du paysannat ».
25 ans après, pendant la révolution d’août 1983, le président Noël Isidore Thomas SANKARA va imposer par décret le port des habits traditionnels fabriqués à base du coton burkinabè qu’il baptise Faso Dan Fani.
Le président Noël Isidore Thomas SANKARA affirme « Porter le Faso Dan Fani est un acte économique, culturel et politique de défi à l’impérialisme ».
En 1958, le président Daniel Ouézzin COULIBALY et en 1983, le Premier ministre Noël Isidore Thomas SANKARA évoquent le rôle que doit jouer la chefferie coutumière dans la république voltaïque.
Pour le président Daniel Ouézzin COULIBALY, « L’évolution du pays ne pourra pas se faire sans le concours de la chefferie Mossi. Mais elle doit aussi comprendre qu’à notre époque, (…) il faut savoir s’adapter, (…) et qu’un pays ne peut être guidé dans les voies du monde moderne que par des chefs aux conceptions modernes ».
En 1983, le Premier ministre Noël Isidore Thomas SANKARA affirmait aux chefs coutumiers :
« Nos traditions doivent nous servir de tremplin pour aller de l’avant et non devenir des chaînes qui entravent, compromettant de la sorte notre course au développement. (…) L’époque des despotes est désormais révolue. Le chef, le premier, doit mettre la main à la pâte pour encourager la troupe ».
En 1958, le président Daniel Ouézzin COULIBALY et en 1983, le président Noël Isidore Thomas SANKARA évoquent et regrettent le départ des jeunes voltaïques des villages vers les grandes villes à la recherche d’un hypothétique emploi.
Le président Daniel Ouézzin COULIBALY, déplore « que la jeunesse, trop souvent, désœuvrée déserte nos régions pour aller à la recherche d’un emploi bien problématique dans les grandes villes de la côte ».
Le président Noël Isidore Thomas SANKARA déplore en 1983 que « la jeunesse paysanne, (…) en arrive, dans un sentiment de révolte, à déserter nos campagnes, vers les grands centres urbains que sont Ouagadougou et Bobo-Dioulasso pour espérer trouver un travail plus rémunérateur et profiter aussi des avantages du progrès ».
Les présidents Daniel Ouézzin COULIBALY et Noël Isidore Thomas SANKARA incarnaient l’espoir, le rêve, la grandeur, la rage de vaincre et de réussite à travers leurs parcours, leurs combats pour les masses.
En 1958, le président Daniel Ouézzin COULIBALY affirmait « Les colossales pyramides d’Egypte, la grande muraille de Chine, les cathédrales gothiques de l’Europe occidentale ne doivent rien aux techniques industrielles modernes. Ces monuments élevés par le travail et la foi des hommes sont l’œuvre des sociétés dont le dénuement matériel était égal au nôtre. Méditons leur leçon, sachons que rien n’est impossible à l’homme de volonté animé d’un grand courage ».
Pendant la révolution, le président Noël Isidore Thomas SANKARA affirmait « L’esclave qui n’est pas capable d’assumer sa révolte ne mérite pas que l’on s’apitoie sur son sort. Cet esclave répondra seul de son malheur s’il se fait des illusions sur la condescendance suspecte d’un maître qui prétend l’affranchir. Seule la lutte libère ».
Les présidents Daniel Ouézzin COULIBALY et Noël Isidore Thomas SANKARA sont les deux seuls dirigeants de la Haute-Volta et du Burkina Faso qui sont morts au pouvoir, mystérieusement pour le premier et tragiquement pour le second.
Le premier a dirigé la Haute-Volta du 17 mai 1957 au 7 septembre 1958, soit un an 4 mois puis il est tombé malade et il est mort d’un mal mystérieux jamais élucidé à deux semaines du référendum constitutionnel français du 28 septembre 1958.
Le second a dirigé la Haute-Volta puis le Burkina Faso du 4 août 1983 au 15 octobre 1987 soit quatre ans plus deux mois. Il a été assassiné violemment avec des compagnons d’infortunes.
Peu avant leurs disparitions, ils tiennent des propos prémonitoires. Le président Daniel Ouézzin COULIBALY affirme « La lutte sera longue, les anciens disparaîtront. Mais vous serez là, vous les jeunes, pour poursuivre notre tâche » et le président Noël Isidore Thomas SANKARA, affirme « Cela va nous coûter la vie peut être, mais nous sommes là pour prendre les risques, nous sommes là pour oser et vous êtes là pour continuer la lutte coûte que coûte ».
Ces deux dirigeants majeurs de notre pays n’avaient pas de solutions miracles face aux défis à relever mais ils avaient le mérite d’être sincère, honnête et franc avec le peuple.
Ils nous ont laissé comme héritage, l’intégrité et un langage de vérité, indispensables pour le développement.
Un héritage que vient de raviver la semaine dernière le président de la Transition, le capitaine Ibrahim TRAORE à travers un message de vérité et d’espoir prononcé devant les partis politiques, les organisations de la société civile et les patrons de presse.
« Nous sommes responsables de ce qui nous arrive et nous serons entièrement responsables de ce qui va suivre, soit c’est du bon ou du mauvais, ça dépendra de nos comportements dans le futur ».
Nous sommes responsables de notre sort parce que nous avons rangé notre Burkina Faso, notre consensus national, notre patrie des Hommes intègres que nos devanciers, nous ont légués, au profit d’une patrie de l’argent, de la méchanceté, du régionalisme, de la mauvaise foi, de la trahison et de la traitrise.
Notre analyse de cette semaine prend fin avec la fin du message du capitaine-président Ibrahim TRAORE qui porte l’espoir « Chacun n’a qu’à donner le meilleur de lui-même, et je pense qu’on peut y arriver, je suis optimiste, j’ai foi et inch Allah, on va y arriver ».
Ouagadougou, le mercredi 16 novembre 2022
WUROTEDA Ibrahima SANOU
Journaliste-agencier-analyste
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Agence d’information du Burkina (AIB)