Et on reparle du bras de fer entre la France et le Mali, qui s’inscrit désormais dans la routine. Le nouvel épisode de ce feuilleton politico-médiatique n’a pas échappé à ceux qui suivent l’actualité sociopolitique malienne. En réaction à l’annonce par Paris de couper ses aides au développement au Mali, la junte au pouvoir, dirigée par le colonel Assimi Goïta, a interdit toute activité des ONG financées par la France. La réponse du berger à la bergère n’a pas tardé, les deux pays étant dans une dynamique de défiance. Après les désaccords dans la lutte contre le terrorisme, marqués par le départ des soldats français du sol malien, la guéguerre s’est déportée sur le terrain de l’humanitaire. D’après les experts, le Mali bénéficie chaque année et ce, depuis 2013, de plus de 100 millions d’Euros d’aide publique au développement et d’aide humanitaire française. De toute évidence, ce soutien financier est important pour l’assistance aux personnes en détresse au Mali, pays en proie au terrorisme. C’est pour cette raison qu’il faut regretter la mesure française. Le Mali, classé parmi les pays pauvres au monde, va perdre des ressources importantes suite à la décision de Paris, à un moment où il en a vraiment besoin.
La mesure de Bamako d’interdire toute activité des ONG financées par la France est également à déplorer. Elle va freiner, voire compromettre, la mise en œuvre des projets y afférents dans un pays en difficulté. Cette décision n’est pas à l’avantage des Maliens dont un grand nombre manque de tout, à cause des attaques terroristes. Plus de 7,5 millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire au Mali en 2022, soit 20 % de plus que l’année dernière, selon la Commission de l’Union européenne. Si la brouille entre Paris et Bamako nourrit les orgueils de part et d’autre, elle a malheureusement son lot de conséquences désastreuses. A quand la fin de ce bras de fer ? Personne ne peut le prédire. Depuis l’arrivée au pouvoir de la junte militaire, plus rien ne va avec l’ancienne puissance coloniale. Paris n’a pas apprécié, que les autorités maliennes sollicitent l’aide de Wagner dans la lutte contre le terrorisme. Le recours au groupe de sécurité privée russe a mis la France, partenaire de longue date, dans tous ses états. Alors que les gouvernants maliens qui n’assument pas publiquement ce choix œuvrent au renforcement de leur coopération avec le pays de Vladimir Poutine. Cette option n’est pas du goût de l’Hexagone qui exclue toute collaboration entre le Mali et Wagner, sur fond de rivalité avec la Russie en Afrique. Bamako qui réaffirme sa souveraineté, n’en a cure. Les relations entre les deux pays sont plus que jamais tendues, de telle sorte que l’on redoute une rupture diplomatique totale. Les passes d’armes se multiplient à la face du monde.
De la tribune de l’ONU au récent forum de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique, tous les cadres d’échanges sont mis à profit par les officiels des deux pays pour se clasher. Le gouvernement malien, engagé dans une vision d’émancipation, accuse Paris de jouer à un double-jeu, en soutenant à la fois l’armée régulière et en fournissant des armes et des renseignements aux groupes terroristes. Aussi a-t-il promis d’apporter les preuves des accusations avancées. Remonté à bloc, Paris reproche à la junte malienne de se battre pour sa survie, plutôt que de travailler à contrer les groupes armés. Cet argument a été balayé du revers de la main par le pouvoir malien qui milite pour des relations France-Afrique, sincères et dénouées de tout paternalisme. En somme, un partenariat gagnant-gagnant. Dans un tel contexte, un rapprochement entre Paris et Bamako est difficilement envisageable. Et ce n’est pas demain la veille…
Kader Patrick KARANTAO
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