La Côte d’Ivoire est résolument engagée dans un processus de réconciliation nationale. Ce pays se reconstruit, à son rythme, après la crise postélectorale de 2010-2011 qui a fait plus de 3 000 morts. Tout comme des centaines d’exilés politiques, deux figures importantes de la scène politique ivoirienne, poursuivies et acquittées par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes contre l’humanité, ont tour à tour regagné le bercail. Il s’agit d’abord de l’ancien président Laurent Gbagbo et de son homme de main, Charles Blé Goudé.
L’ex-chef de l’Etat ivoirien a retrouvé la terre de ses ancêtres, le 17 juin 2021, après 10 ans d’absence. Ayant bénéficié d’une grâce présidentielle de son successeur, Alassane Ouattara, il mène une vie tranquille à Abidjan depuis son come-back. Ceux, qui espéraient voir l’ex-chef de l’Etat ivoirien purger sa peine de 20 ans de prison, dans l’affaire du braquage de la BCEAO pendant la crise post-électorale ivoirienne, ont dû se perdre en conjecture. Laurent Gbagbo, qui jouit des honneurs dus à son rang, a même marqué son retour en politique. L’enfant terrible de Mama a lancé, en décembre 2021, son nouveau mouvement, le Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI).
A la tête de cette formation, qui pourrait devenir l’une des principales forces d’opposition, il aurait en ligne de mire la présidentielle de 2025, selon toute vraisemblance. Plus ambitieux que jamais, malgré ses 77 ans, l’ancien président ivoirien a tourné le dos au Front populaire ivoirien (FPI), parti qu’il a fondé et porté de tout son être, pour une autre aventure politique. Charles Blé Goudé, lui, est rentré au pays, le samedi 26 novembre 2022. Un accueil triomphal lui a été réservé par ses partisans.
Le leader de la galaxie patriotique ivoirienne n’a pas encore évoqué son avenir politique, mais on imagine mal Blé Goudé mener une vie dans l’anonymat total. N’a-t-il pas déjà promis un meeting politique dans les semaines à venir ? L’ex-chef des jeunes patriotes avait été condamné à 20 ans de prison, en décembre 2019, par la justice ivoirienne pour actes de torture, homicides volontaires et viol. Il ne devrait pas logiquement être inquiété par cette condamnation, les autorités ivoiriennes étant focus sur la réconciliation nationale.
L’épouse de l’ex-président, Simone Gbagbo, respire aussi l’air d’Abidjan sans stress, ses ennuis judiciaires relevant du passé. Condamnée à 20 ans de prison pour atteinte à la sûreté de l’Etat, en août 2018, elle a été amnistiée par le président Ouattara. En matière de réconciliation nationale, il faut saluer la vision du locataire du palais de Cocody, qui n’a de cesse de multiplier les gestes d’apaisement, pour le bien de la Côte d’Ivoire.
Le président Ouattara a beau avoir ses limites, il faut reconnaitre sa volonté de restaurer la cohésion sociale. La création d’un ministère en charge de la réconciliation nationale, tout comme d’autres entités structurelles, telle la Commission nationale pour la réconciliation et l’indemnisation des victimes (CONARIV), témoignent de cet engagement salutaire. Il reste au président Ouattara à faire revenir son « fils» entré en dissidence, Guillaume Soro, pour compléter le tableau. La Côte d’Ivoire, en bonne place sur le chemin de la prospérité, doit absolument prendre ses distances avec les vieux démons. Il y va de la consolidation de ses acquis.
Kader Patrick KARANTAO