Au cours d’une rencontre, le vendredi 9 décembre 2022 à Ouagadougou, avec l’ensemble des partenaires sociaux et du patronat, le gouvernement a proposé, entre autres, le prélèvement de 1% sur le salaire net des travailleurs du public et du privé afin d’alimenter le Fonds de soutien à l’effort de guerre. Dans ce micro-trottoir réalisé par Sidwaya, des travailleurs donnent leur avis sur la question.
Nestor Koama, imprimeur : « c’est une sage décision » « La lutte contre le terrorisme est une affaire de tous. Nous pensons que cette décision du gouvernement est la bienvenue en ce sens que le combat pour la reconquête et la restauration du territoire doit être endogène. Il faut travailler à libérer le pays et à redonner espoir aux populations. Et pour y parvenir, la contribution de tous les citoyens est nécessaire. Raison pour laquelle, le président de la Transition a renoncé à son salaire de chef de l’Etat et les membres de son gouvernement ont également consenti une partie de leur due de novembre 2022 à l’effort de guerre. La contribution des travailleurs du privé et du public était également attendue et nécessaire. D’où cette mesure de ponction sur les salaires. Cela participe également à la solidarité qui doit animer chaque Burkinabè. Quant à la saine gestion de ces fonds, nous sommes optimistes et confiants ».
Salif Traoré, enseignant : « la contribution ne doit pas être imposée » « La contribution à l’effort de guerre ne doit pas être imposée aux populations. Les souscriptions doivent être libres et volontaires. Car la grille salariale au niveau des fonctionnaires du public est déjà dérisoire et s’il faut encore prélever des taxes, l’UITS et autre contributions, cela met en danger le travailleur au risque de le clochardiser. Des sociétés d ’Etat et autres entreprises implantées sur le sol burkinabè peuvent être sollicitées pour financer l’acquisition de matériel de combat et assurer le versement des primes des combattants au lieu de couper systématiquement les revenus mensuels des travailleurs» .
Aïcha Tamboura, fonctionnaire du public : « nous allons obtempérer » « Le prélèvement de 1% sur mon salaire ne me pose pas de problème. Cette décision, selon moi, s’imposait. Notre pays a besoin de ses filles et fils dans cette lutte contre le terrorisme. C’est face à cette exigence que le gouvernement s’est tourné vers les travailleurs pour espérer inverser significativement la tendance sur le terrain. Sans la paix, la sécurité, aucun projet ne peut prospérer. Nous devons donc tous œuvrer pour notre sécurité. A mon avis, c’est plus que jamais le moment pour chaque citoyen de montrer son patriotisme et son engagement pour la cause nationale » .
Yacouba Younga, fonctionnaire à Dori: «je ne suis pas d’accord… » « Je ne suis pas d’accord sur la proposition de prélever 1% sur le salaire des agents du public et du privé pour l’effort de guerre pour plusieurs raisons. D’abord, les travailleurs du public et du privé payent l’impôt et l’IUTS sans oublier le prix du carburant qui a augmenté. Si les agents du public et du privé doivent encore sacrifier 1% de leur salaire, je crois que cela devient compliqué. En plus, le peuple burkinabè ne connait pas le budget annuel de son armée. Je crois qu’il serait intéressant que l’armée fasse un bilan de la gestion de son budget de sorte que la population sache comment sont utilisées les ressources financières allouées à sa sécurisation. Ainsi, tous les travailleurs du public et du privé pourront adhérer à cet effort de guerre. Les fonctionnaires, qu’ils soient du public ou du privé, payent triplement les effets de cette guerre parce qu’ils accueillent des Personnes déplacées internes (PDI), prennent en charge des parents qui n’arrivent plus à cultiver la terre pour se nourrir avec en toile de fond, l’augmentation du prix des denrées de première nécessité. Au regard de tout ce qui précède, il sera difficile pour les travailleurs du public et du privé de consentir 1% de leur salaire pour l’effort de guerre ».
Antoine Boro, agent à la SOFITEX/ Koudougou : « c’est une initiative à saluer » « C’est une initiative à saluer. Car nous voulons tous le retour de la paix dans ce pays et chacun doit contribuer à sa manière. Nous savons tous aujourd’hui, que la lutte contre le terrorisme et l’insécurité généralisée dans notre pays exige des ressources financières conséquentes. Les Burkinabè sont prêts à consentir des sacrifices mais il faudra leur offrir des garanties de bonne gestion des ressources qui seront collectées à travers le pays. Mieux à l’issue de la collecte, il faut communiquer sur le montant total et comment sera dépensé cet argent. Des Burkinabè disposant de moyens peuvent également dégager des fonds pour soutenir cet effort de guerre. Cependant, le manque de redevabilité sur l’utilisation de collectes antérieures tend à décourager ces derniers. Une chose est sûre, les FDS abattent un travail colossal au front et il est temps que les populations, au-delà des fonctionnaires, jouent leur partition financièrement ou à travers l’information et le renseignement ».
Abdoul Bassidou Saré, conseiller en communication d’orientation scolaire et professionnelle à Manga : « même (…) au-delà de 1%, nous devons accepter ce sacrifice » « Personnellement, je suis pour cette mesure. Quand la Nation est en péril, chacun doit apporter sa contribution pour la sauver. C’est le minimum que nous pouvons faire pour montrer aux FDS et VDP, qui donnent leur vie pour que nous puissions travailler, que nous sommes avec eux. C’est vrai, on reconnait que la vie est devenue plus chère aujourd’hui avec l’inflation des prix des produits de grande consommation et l’augmentation de l’UITS mais, malgré tout, céder 1% de son salaire pour soutenir la lutte contre le terrorisme est une cause noble à laquelle nous devons consentir. Même si la rétention allait au-delà de 1%, nous devons accepter ce sacrifice, pourvu que l’argent soit utilisé comme il a été dit. D’ailleurs, je pense bien qu’actuellement, la paix doit être la priorité absolue. Car, même si on augmentait aujourd’hui les salaires des fonctionnaires à 100% et qu’il n’y a pas de sécurité, je me demande bien ce à quoi cet argent servira. C’est cet esprit qu’il faut voir à mon avis. Nous savons, du reste, que cette mesure est temporaire et nous espérons véritablement que d’ici à quelques mois, nous retrouverons la sécurité tant recherchée ».
Soumaila Savadogo, conseiller en droits humains à la direction régionale de la promotion de la citoyenneté du Nord : « l’initiative du chef de l’Etat est très salutaire… » « L’initiative du chef de l’Etat est très salutaire, elle est même venue tardivement. Dans la situation actuelle de notre pays, chaque Burkinabè, quel que soit là où il se trouve, agent du public ou du privé, doit pouvoir contribuer d’une manière ou d’une autre dans cette guerre. Et le chef de l’Etat l’a bien souligné dans son message à la Nation, le 10 décembre dernier. La victoire dans cette guerre ne passera pas uniquement par les armes, mais aussi par le changement de notre comportement et le redressement de notre économie. Il y a des opérateurs économiques qui ont commencé à prouver leur bonne volonté avec des dons en nature et en espèces. Nous sommes prêts pour cette contribution, et j’invite tous les dignes filles et fils du Burkina à souscrire à l’initiative comme effort de guerre pour accompagner la Transition jusqu’ à la victoire finale ».
Inoussa Zongo, agent public à Dédougou : « je suis contre cette idée » « Cette contribution doit être volontaire et non forcée. Nous sommes déjà les meilleurs payeurs d’impôts à travers l’IUTS qu’on nous prélève. Si les autres Burkinabè se mettaient en règle facilement vis-à-vis de leurs impôts, le pays n’aura pas de problèmes. Personnellement, je suis contre cette idée. Mais, on attend d’abord ce que nos différentes organisations vont dire. L’Etat peut utiliser d’autres mécanismes pour mobiliser ces 100 milliards FCFA en question. On pense que 1% ne vaut rien, mais cela représente quelque chose pour de nombreux travailleurs. Beaucoup d’entre eux ont vu leur pouvoir d’achat fortement baissé avec l’inflation. Qu’est-ce que le gouvernement a fait de concret ? Par exemple, le kilogramme de riz qui s’achetait à 300 F est maintenant vendu à 500 F sur le marché. Le fonctionnaire burkinabè n’a pas eu une augmentation de salaire mais supporte impuissamment cette vie chère ».
Solange Silga, agent à la direction provinciale en charge de l’éducation du Bam (Kongoussi) : « le prélèvement de 1% sur le salaire net est peu » « C’est une bonne initiative, ce sera notre manière de participer de façon patriotique à cette guerre. Le prélèvement de 1% sur le salaire net est peu. Mais, c’est symbolique. Cependant, il faut que cette retenue s’arrête dès le retour de la paix car déjà le salaire du fonctionnaire burkinabè n’est pas suffisant face à ses problèmes ».
Boukari Ouédraogo agent au ministère de la Communication, de la Culture, des Arts et du Tourisme : « Les restes à recouvrir au niveau des impôts…peuvent représenter une importante manne financière » « J’approuve l’idée du chef de l’Etat, seulement la mesure devrait être étendue au secteur informel. Aussi, il faut faire appel aux opérateurs économiques qui sont bien plus nantis. Les restes à recouvrer au niveau des Impôts, du Trésor, et de la Douane réunis peuvent également représenter une importante manne financière. A mon avis, la lutte contre le terrorisme peut se faire de plusieurs manières. Outre ceux qui donnent leur vie sur le terrain, l’autre sacrifice peut également se faire à travers une contribution financière et/ou matérielle ».
Paulin Zombré, conseiller technique au ministère de la Réconciliation nationale : « Tout Burkinabè devrait se sentir concerné » « Cette initiative est une excellente idée. Tout Burkinabè devrait se sentir concerné par la question de soutien aux Forces de défense et de sécurité (FDS) pour la défense de la patrie. 1% du salaire pour la défense de la souveraineté nationale dans ce contexte, ce n’est pas trop demander ». Gisèle Nikiéma, agent du ministère en charge de l’emploi : « Nous, les fonctionnaires, payons déjà l’UITS » « C’est une bonne idée que nous saluons. Cependant, la mesure semble sélective. Nous, les fonctionnaires, payons déjà l’UITS avec des salaires qui peinent à couvrir le mois. Il était plus indiqué de trouver d’autres sources plus conséquentes pour financer la lutte contre le terrorisme ».
Propos recueillis par
Wanlé COULIBALY
Adama SEDGO Beyon
Romain NEBIE
Souaibou NOMBRE
Mamady ZANGO
Bassirou BADINI
Emmanuel BICABA
Augustin Irwaya OUEDRAOGO