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Vaincre la pauvreté rurale

Au moment où des milliers de nos compatriotes sont jetés dans les rues et les campagnes du fait de la guerre impérialiste qui nous est imposée sous couvert du surgissement du terrorisme dans la bande sahélo-saharienne et alors que le capitaine Traoré a, dans son adresse à la Nation à l’occasion du 11- Décembre, marqué sa volonté de rompre avec l’ordre ancien, il n’est pas superflu de rappeler que l’une des tâches principales, pour ce faire, passe par la nécessité de vaincre la pauvreté rurale, si tant est que le diagnostic des capitaines d’août 83, décrivant le Burkina comme un Etat agricole et arriéré miné par des pesanteurs socioculturelles reste toujours d’actualité. En effet et en dépit des discours laudateurs tenus jusque-là tendant à faire croire que les conditions des masses rurales se sont améliorées du fait des politiques agricoles mises en œuvre, la réalité est tout autre, au regard du constat accablant sur le terrain.

Alors que la médecine affirme qu’il faut à un adulte, 28 000 grains de carbone et 1 330 grains d’azote par semaine pour le préserver des maladies causées par la famine , des Burkinabè sont réduits de nos jours à manger des feuilles pour survivre. L’examen de l’état des familles agricoles avant cette guerre ayant démontré qu’au moins deux tiers de celles-ci étaient en proie à la famine et à l’état de subsistance, on mesure la décrépitude physique, mentale et psychologique dans laquelle vivent certains des ruraux de nos jours. Quand on sait que le manque de nourriture suffisante est précédé de bien d’autres privations comme l’accès à la santé et à l’éducation, on mesure à quel point le tableau clinique est sombre et stressant. Une réflexion d’autant plus douloureuse qu’il ne s’agit pas là de la misère méritée par la paresse, mais des conditions matérielles de leur environnement. Outils de production « ancestraux”, maîtrise d’eau inexistante et prédation des cols blancs qui se « sucrent  » sur les intrants destinés à la paysannerie ont paupérisé et fragilisé celle-ci, avec comme conséquence, un attrait pour les produits illicites et les boissons frelatées pour combattre leur spleen et le développement d’une prostitution clandestine au sein de la gent féminine.

La bonne vieille morale de nos aïeux est ainsi flétrie par les classes possédantes des villes dont l’administration reste toujours le bras séculier dans cette exploitation éhontée. La question paysanne doit donc être l’alpha et l’oméga de tout gouvernement conscient et conséquent à cette étape du développement socioéconomique du pays, sans occulter ce nouveau combat qu’est la lutte contre le terrorisme. Un combat qu’il faut gagner pour éviter que les portes de l’enfer ne s’ouvrent devant nous selon la prédiction du professeur Bado, dont l’analyse prend certainement en compte d’autres variables à risque que nous n’évoquerons pas ici .On le voit, la route de « l’indépendance totale  » est parsemée d’embûches et de défis ; ce qui la rend plus exaltante ,dans la mesure où, à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire.

Boubakar SY

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