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Education :des jeunes filles dans le piège de la mendicité

<p><strong>Au Burkina Faso&comma; plus de 5 000 écoles étaient fermées à la date du 31 octobre 2022&period; Cette situation engendrée par la crise sécuritaire a contraint des milliers d’élèves&comma; notamment les jeunes filles à une « déscolarisation forcée »&period; Exilées&comma; pour la plupart dans la capitale Ouagadougou&comma; hors du système éducatif&comma; elles sont poussées à la mendicité par leurs géniteurs&comma; ce qui compromet leur éducation…<&sol;strong><&sol;p>&NewLine;<p>Aïssa Dicko fait partie des plus d’un million d’enfants qui sont privés d’école à cause des attaques terroristes au Burkina Faso&period; Réfugiée au quartier Limorpèlga&comma; une zone non lotie dans l’arrondissement 6 de Ouagadougou&comma; Aïssa et les siens arrivent difficilement à survivre&period; Sans revenu&comma; la famille Dicko compte désormais sur la gamine Aïssa pour s’assurer un repas quotidien&period; Dès 6 heures&comma; ce mardi 29 novembre 2022&comma; elle commence à se faufiler entre les motocyclistes et les automobilistes de la cité Azimo pour espérer qu’un bon samaritain lui jette une pièce de monnaie&period;<&sol;p>&NewLine;<p>Agée de 11 ans&comma; Aïssa quémande&comma; depuis 2 ans&comma; la charité en face de l’école internationale « La Plénitude »&period; Tous les matins&comma; avec envie&comma; elle regarde les enfants de son âge rentrer et sortir de ce temple du savoir&period; Même si elle nourrit le désir de reprendre un jour le chemin de l’école&comma; son statut de « mendiante » l’extirpe rapidement de son rêve&period; « Je veux aller à l’école&comma; mais je ne suis qu’une mendiante&period; Mon père dit qu’il n’a pas l’argent pour me scolariser »&comma; lance-t-elle&period; Or&comma; dans la Stratégie nationale de l’éducation en situation d’urgence &lpar;SNEU&rpar;&comma; l’Etat s’est engagé à garantir gratuitement l’école pour tous les élèves déplacés&period; Ignorant&comma; depuis leur exil&comma; à Ouagadougou&comma; la priorité de son géniteur n’est pas de scolariser ses 7 enfants&period; Mais que chaque membre de la famille se « débrouille » pour s’assurer sa pitance quotidienne&period; Il est 10h20 mn à la rue Hamado- Paul- Yugbaré&comma; au quartier Azimo Ouaga 2000&period; Les rayons du soleil se font plus pesants sur la ville&period; Les pieds rougis par le sempiternel va-et-vient&comma; visage ruisselant de sueur&comma; la déplacée de Gorom-Gorom &lpar;324 Km de Ouagadougou&rpar; avoue que pour ses géniteurs&comma; il faut d’abord chercher à résoudre quotidiennement la difficile équation alimentaire avant de parler d’école&period; Dans sa petite paume qu’elle nous tend &colon; 100 F CFA&period; «C’est ce que j’ai eu pour le moment…&period;»&comma; lance-t-elle&comma; tout sourire&period; Rasmata Diallo partage les mêmes feux tricolores que Aïssa Dicko&period; Déscolarisée depuis la crise sécuritaire qui a frappé sa ville natale&comma; Gorom-Gorom&comma; en 2015&period; Cette mineure n’hésite pas à tendre la main aux usagers de la route&period;<&sol;p>&NewLine;<h2><strong>« Chaque soir&comma; je remets entre 300 et 500 F CFA à mon père…»<&sol;strong><&sol;h2>&NewLine;<p>Djeneba Diallo &colon; « nous sommes conscients que nos filles doivent aller à l’école&comma; mais&comma; il faut survivre d’abord parce que nous n’avons pas de boulot… »&period;<&sol;p>&NewLine;<p>Amaigrie&comma; les yeux pâles&comma; le déplacement massif des populations de Gorom-Gorom vers les zones où règne l’accalmie a entraîné la déscolarisation de Aïssa Dicko&period; En compagnie d’une dizaine de fillettes&comma; en âge de scolarisation et leurs mères déplacées internes&comma; la bande à Rasmata s’adonne à la mendicité aux abords des feux tricolores de l’avenue de l’Insurrection populaire et bien d’autres artères&comma; carrefours et ruelles de la capitale à la recherche de leur pitance quotidienne&period; Loin des salles de classe&comma; Rasmata et ses compagnonnes n’hésitent pas à s’agripper souvent aux véhicules au risque de leur vie pour glaner quelques pièces de monnaie&period; Sur cette avenue de l’Insurrection populaire&comma; Awa Diallo mendie aussi avec la bénédiction de sa mère&comma; Djénéba Diallo&period; Dame Diallo&comma; sans gêne&comma; pense que la priorité n’est pas d’aller à l’école pour une fille&comma; mais de survivre dans une ville où le statut de déplacé ne leur garantit même pas un gramme de riz&period;<&sol;p>&NewLine;<p>« Il faut survivre d’abord parce que nous n’avons pas de boulot… »&comma; justifie Djeneba Diallo&period; Composé d’une quinzaine de fillettes&comma; un nourrisson et deux majeures&comma; le Quartier général &lpar;QG&rpar; de Djeneba Diallo est installé devant une station-service à proximité d’un feu tricolore à la rue Hamado- Paul- Yugbaré&comma; au quartier Azimo Ouaga 2000&period; Pendant que les majeures du groupe s’adonnent à une partie de causerie&comma; les mineures&comma; arrachées de force des bancs de l’école&comma; servent d’appât pour espérer avoir une pièce de monnaie des passants&period; Démuni dans la capitale burkinabè&comma; Souaïbou Diallo compte aussi sur l’aumône collectée par sa fillette Rasmata Diallo pour subvenir à ses besoins&period; Au feu tricolore&comma; elle est obligée de braver le danger pour tendre la main aux usagers&period; Sa modique recette qui varie entre 300 et 500 F CFA est reversée chaque soir à son géniteur pour assurer le diner familial&period; « A notre arrivée à Ouagadougou&comma; mes parents ne m’ont pas scolarisée&period; Chaque matin&comma; ils me demandent de suivre notre voisine pour aller mendier&period; Le soir à mon retour&comma; je remets entre 300 F CFA et 500 F CFA à mon père»&comma; confie Rasmata pour qui l’école est devenue un vieux souvenir&period; Inadja Diallo aussi ne compte que sur les petites mains de sa fillette Salamatou &lpar;10 ans&rpar; pour s’assurer un repas journalier&period;<&sol;p>&NewLine;<p>« Chaque soir à mon retour à la maison&comma; je lui remets 300 F CFA »&comma; atteste Salamatou&period; Face à la précarité des ménages caractérisés par un sous-emploi prononcé et un effritement des liens de solidarité et d’entraide communautaire&comma; la mendicité apparait comme la solution pour subvenir aux besoins de la famille&comma; selon la spécialiste en protection et droits de l’enfant&comma; Roseline Soma&period; Elle relève ainsi des stratégies de survie dans lesquelles l’enfant&comma; obligé par ses parents à mendier pour compléter le revenu familial&comma; est utilisé pour apitoyer les passants&comma; déplore la spécialiste en protection et droits de l’enfant&comma; Roseline Soma&period; Selon une étude du ministère en charge de l’action sociale&comma; en 2018&comma; au Burkina&comma; plus de 10 000 enfants et jeunes étaient en situation de rue&period; Parmi eux&comma; 4 226 enfants étaient en situation de mendicité &lpar;activité la plus pratiquée&rpar; dont 10&percnt;&comma; âgés de 0 à 5 ans étaient généralement utilisés par leur mère&period;<&sol;p>&NewLine;<h2><strong>Abandonner à leur triste sort<&sol;strong><&sol;h2>&NewLine;<p>Les enfants sont en danger aux abords des voies&period;<&sol;p>&NewLine;<p>En situation de mendicité&comma; abandonnée à leur sort&comma; elles sont exposées à divers risques&comma; notamment les accidents &lpar;du fait qu’elles déambulent sur les voies&rpar;&comma; les violences et exploitations sous diverses formes physique&comma; morale et sexuelle&period; « Des personnes profitent de leur vulnérabilité pour abuser d’elles&period; Souvent&comma; on retrouve ces filles au bord des voies avec des grossesses&period; C’est encore plus grave»&comma; déplore le coordonnateur national de la coalition nationale pour l’éducation pour tous du Burkina Faso&comma; Tahirou Traoré&period; Pire&comma; dit-il&comma; en plus de n’avoir pas accès à l’école&comma; elles sont exposées à des maladies…« Les mères savent qu’en utilisant les jeunes filles&comma; facilement&comma; les gens peuvent être sensibles&period; Elles deviennent un objet de commerce »&comma; regrette-t-il&period; Saïbata Boly&comma; avec la bénédiction de son père&comma; a abandonné l’école pour se consacrer à la mendicité&period; « Souvent&comma; je lui demande de me scolariser&comma; mais il dit qu’il n’a pas l’argent »&comma; pleurniche la gamine&period; « Lorsque les populations se déplacent&comma; elles se disent que ceux qui peuvent toucher le cœur des gens pour avoir de l’argent&comma; ce sont les filles&period; Donc&comma; soit elles mènent de petites activités commerciales&comma; soit on les amène au bord des voies pour mendier ou dans les bars pour travailler»&comma; relate M&period; Traoré&period; Face à cette exploitation de l’ignorance et de la faiblesse des mineures à but lucratif&comma; Tahirou Traoré estime qu’il faut travailler à recadrer cette situation et surtout à temps&period; Pourtant&comma; la loi n° 029-2008&sol;AN portant lutte contre la traite des personnes et les pratiques assimilées réprime cette pratique&period; L’article 7 stipule que &colon;<&sol;p>&NewLine;<p>« L’exploitation de la mendicité d’autrui s’entend de quiconque organise ou exploite la mendicité d’une personne&comma; entraîne ou détourne une personne pour la livrer à la mendicité&comma; exerce sur une personne&comma; une pression pour qu’elle mendie ou continue de le faire&comma; se fait accompagner par un ou plusieurs jeunes enfants en vue d’en tirer directement ou indirectement un avantage financier&comma; matériel ou tout autre avantage » et l’article 8 précise &colon; « Est coupable de l’exploitation de la mendicité d’autrui et puni d’un emprisonnement de 2 à 5 ans et d’une amende de 500 000 à 2 000 000 de F CFA ou de l’une de ces deux peines seulement&comma; quiconque commet l’un des actes prévus à l’article 7 de la présente loi »&period; Malgré ces dispositions&comma; les efforts pour la scolarisation des jeunes filles sont en train d’être sapés par cette situation&period; Très désespéré&comma; il avoue que la mendicité a des conséquences négatives sur l’éducation des jeunes filles&period; « Cela les amène à refuser d’aller à l’école&period; Toute chose qui accroit la déscolarisation surtout que le taux d’achèvement des filles&comma; notamment au secondaire est déjà faible&period; Si elles ne vont pas à l’école&comma; elles sont exposées à des maladies&comma; et&sol; ou à des grossesses non désirées…<&sol;p>&NewLine;<p>Nous nous battons pour que ce taux s’améliore et si nous retrouvons encore ces filles aux abords des voies&comma; cela ne peut qu’encourager la déscolarisation des filles&period; Elles sont abandonnées à leur sort&period; Ce qu’elles deviendront&comma; personne ne le sait&period; Pour moi qui connait le rôle de la femme dans la société&comma; c’est inacceptable »&comma; s’indigne Tahirou Traoré&period; Depuis des années&comma; confie-t-il&comma; la coalition se bat dans les villes et campagnes à travers des sensibilisations&comma; des plaidoyers auprès des autorités… pour améliorer les taux bruts de scolarisation et d’achèvement des filles à l’école&period; « Les élèves de 6 à 7 ans qui entrent au primaire&comma; environ 68&percnt; des filles achèvent leur cycle et pareil au post- primaire&period; Ce travail a porté fruit&comma; mais c’est à partir du secondaire qu’il y a problème&period; Si cette situation de mendicité s’en mêle&comma; naturellement&comma; cela va saper nos efforts parce que le nombre de filles qui ne vont pas à l’école s’accroit de jour en jour »&comma; regrette-t-il&period; De facto&comma; soutient la spécialiste en protection et droits de l’enfant&comma; Roseline Soma&comma; plusieurs de leurs droits sont ainsi mis en péril du fait de la mendicité&comma; notamment des droits généraux tels le droit à la vie&comma; à la survie et au développement&comma; le droit à la protection&period; Ceux-ci visent à promouvoir des envi-ronnements sûrs pour l’épanouissement des enfants et des adolescents&comma; à l’abri de toute forme de violence&comma; d’abus&comma; de négligence ou d’exploitation&period;<&sol;p>&NewLine;<h2><strong>L’éducation&comma; un droit<&sol;strong><&sol;h2>&NewLine;<p>Selon la spécialiste en protection et droits de l’enfant&comma; Roseline Soma&comma; malgré la gratuité de l’école et son caractère obligatoire jusqu’à 16 ans&comma; des enfants sont encore dans les rues&period; Elle estime que cela dénote sans doute d’un dysfonctionnement dans le système éducatif ou de l’insuffisance de structures étatiques tendant à assurer un encadrement ou une prise en charge de ces enfants… Pour preuve&comma; confirme le coordonnateur national de la coalition nationale pour l’éducation pour tous du Burkina Faso&comma; Tahirou Traoré&comma; dans la SNEU&comma; la plupart des engagements pris par l’Etat ne sont pas respectés&period; « Nous avons recensé 19 actions que le ministère de l’éducation s’est engagé à mettre en œuvre relatives à la sécurisation des espaces scolaires&comma; au renforcement des capacités des enseignants&comma; de la protection des enfants…&period;toutes les actions sont en souffrance à commencer par le budget&period; On ne peut pas réaliser l’éducation inclusive avec un budget qui n’est pas conséquent&period; L’Etat&comma; dans le plan d’action 2020&sol;2022&comma; prévoit 10 milliards F CFA &sol;an pour l’éducation inclusive&comma; mais il n’a même pas le 1&sol;10 »&comma; s’insurge M&period; Traoré&period; Si les ressources ne sont pas disponibles&comma; les actions planifiées seront difficilement mises en œuvre&period;<&sol;p>&NewLine;<p>« Il faut que les enfants bénéficient de leur droit à l’éducation&period; Et généralement&comma; ce sont les filles qui en pâtissent »&comma; regrette-t-il&period; Selon le rapport statistique mensuel de données de l’éducation en situation d’urgence du secrétariat technique de l’éducation en situation d’urgence&comma; à la date du 31 octobre 2022&comma; le nombre d’établissements fermés est passé de 4 258 à 5 709&comma; soit une hausse de 1 451 structures éducatives&period; Ces fermetures représentent environ 22&percnt; des structures éducatives du Burkina&period; Elles affectent 1 008 327 élèves&comma; soit 490 622 filles &lpar;48&comma;66&percnt;&rpar;&period; Pour assurer la continuité éducative&comma; dans la région du Centre&comma; 573 établissements d’accueil ont été ouverts pour 5 843 élèves dont 2 727 filles inscrites&period; Mais de nombreuses jeunes filles errent toujours dans la rue pour mendier&period; La perche pour réintégrer l’école n’a jamais été tendue à Awa Diallo &lpar;15 ans&rpar;&period; « Depuis une année que je suis à Ouagadougou&comma; je n’ai pas eu d’offre pour réintégrer l’école&period; Voilà pourquoi&comma; je suis toujours dans la rue »&comma; lance-t-elle&period; De l’avis de M&period; Traoré&comma; en tant que promoteur de l’éducation pour tous&comma; c’est toujours avec un cœur meurtri qu’il voit ces jeunes filles mendier dans les rues&period; Réintégrer l’école Pour ramener ces jeunes filles dans le système éducatif&comma; il faudrait développer des plans d’actions ou programmes de lutte spécifiques aux enfants mendiants et incluant leur retrait et leur réinsertion dans le système éducatif&comma; précise Mme Soma&period; « La réinsertion sociale de ces jeunes filles en situation de mendicité ne peut être uniquement faite par leur retour à la scolarisation »&comma; estime Roseline Soma&period; Mais&comma; cela passe&comma; selon le coordonnateur national de la coalition nationale pour l’éducation pour tous du Burkina Faso par une sensibilisation des mères pour qu’elles sachent que la place des fillettes&comma; c’est dans les salles de classe&period;<&sol;p>&NewLine;<p>« Il faut une bonne campagne de sensibilisa-tion des communautés pour qu’elles comprennent l’impor-tance de l’éducation des jeunes filles »&comma; soutient M&period; Traoré&period; Djeneba Diallo qui mendie sur le même trottoir avec ses deux fillettes et deux nièces de déclarer &colon; « j’ai à ma charge mes deux enfants et les deux orphelines de mon frère&period; L’école privée à proximité de notre cour m’a demandé 35 000 F CFA par enfant&period; Sans revenus&comma; je ne peux pas payer leur scolarité&period; Donc&comma; notre priorité&comma; c’est de garantir notre pitance quotidienne »&period; Si elles n’ont pas les moyens de scolariser leurs enfants&comma; il faut que l’Etat leur trouve des écoles pour poursuivre les cours comme les autres enfants&comma; propose Tahirou Traoré&period; Awa Diallo ne veut plus subir les humiliations&comma; railleries… aux abords des voies&period; « Si on me propose de m’inscrire à l’école&comma; je ne vais pas hésiter à accepter »&comma; susurre la gamine&period; Salamatou&comma; Djeneba&comma; Awa…souhaitent aussi quitter les trottoirs&period; Leur rêve aussi est d’avoir une chance de reprendre le chemin de l’école… –<&sol;p>&NewLine;<p><strong> Abdel Aziz NABALOUM<&sol;strong><&sol;p>&NewLine;<p><strong>emirathe&commat;yahoo&period;fr<&sol;strong><&sol;p>

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