S’achemine-t-on vers une candidature à un 3e mandat du président gabonais, Ali Bongo ? Ce scénario semble très probable, au regard de l’appel lancé dans ce sens par le Parti démocratique gabonais (PDG), lors de son 12e congrès ordinaire clôturé, le samedi 24 décembre 2022, à Libreville. Pour le parti au pouvoir, Ali Bongo est le « candidat naturel », celui-là qui réunit les qualités pour défendre ses couleurs à la présidentielle d’août 2023. Les militants du PDG ont en connaissance de cause réaffirmé leur « soutien inaltérable » au « camarade distingué » qui n’a pas boudé le plaisir d’être adoubé par les siens. « J’ai entendu le message et vos nombreux appels (…).
Je les prends pour des témoignages de confiance. Vos appels ne sont pas tombés dans l’oreille d’un sourd », a réagi Ali Bongo. Du haut de ses 63 ans, le chef de l’Etat gabonais est en phase avec sa famille politique pour briguer un 3e mandat, n’en déplaise à ses détracteurs du Gabon et d’ailleurs. Ali Bongo devrait en toute logique annoncer prochainement sa candidature pour un nouveau bail, à moins qu’il nous surprenne en décidant de prendre une retraite. A la vérité, la recommandation du PDG à l’intention d’Ali Bongo n’est pas surprenante. Depuis des mois, des militants du parti au pouvoir, pour ne pas dire des inconditionnels du chef de l’Etat, n’ont de cesse de lui demander de se représenter, malgré son état de santé fragile. Ali Bongo a été victime d’un Accident vasculaire cérébral (AVC) en octobre 2018, un mal qui l’a physiquement et intellectuellement diminué. Ses apparitions publiques ont permis de se faire une idée des séquelles importantes de sa maladie. L’idée d’un 3e mandat pour Ali Bongo est-elle vraiment bonne ?
A l’évidence, une troisième candidature du locataire de la résidence de la Sablière ne pose pas juridiquement de problème, puisque la Constitution révisée de 2017 n’impose pas de limitation des mandats présidentiels. Toutefois, la personnalité d’Ali Bongo est clivante. Certains Gabonais redoutent à raison l’instauration d’une dynastie des Bongo. Il n’a pas échappé aux observateurs avertis, qu’Ali a succédé à son père, Omar, décédé en 2009, des suites d’un cancer. Ce passage du pouvoir de géniteur à fils, caractéristique d’une gestion clanique, est très mal perçu dans les rangs de l’opposition, s’il ne nourrit pas jusqu’à présent des rancœurs. On a souvenance que les présidentielles de 2009 et de 2016 avaient donné lieu à des émeutes, avec malheureusement des morts et des blessés. Au Gabon, les violences électorales constituent une tradition, qui remonte à la présidentielle de 1993, sous Bongo père. Si légalement Ali Bongo peut solliciter un 3e mandat, il n’en demeure pas moins qu’un tel projet revêt des risques sociopolitiques majeurs. Les ambitions présidentielles renouvelées d’Ali Bongo pourraient faire revivre des scènes de violences, ce qui n’est pas bon pour l’image du Gabon. Il marche sur des braises. Son clan qui travaille à le maintenir coûte que coûte au pouvoir, pour certainement jouir des privilèges y relatifs pendant des années encore, pourrait le regretter amèrement.
Ali Bongo détient l’appareil d’Etat, avec tout ce que cela implique comme avantages et puissance, pour se faire réélire, mais seul le peuple gabonais a le dernier mot. Sa gouvernance, encore moins le bilan de ses deux mandats, n’est pas reluisante. Le chef de l’Etat a pris des mesures économiques courageuses (l’interdiction d’exporter le bois en fait partie) et consenti des efforts pour réduire le train de vie de l’Etat, en témoigne, par exemple, la suppression des fonds communs. Ces acquis sont malheureusement plombés par la persistance du phénomène de la corruption, l’enrichissement illicite, le népotisme et autres tares. Ali Bongo ne peut pas se targuer d’avoir fondamentalement transformé la société gabonaise. Il a pourtant eu du temps pour le faire. A quoi bon vouloir alors d’un 3e mandat, avec des résultats loin d’être enviables et de surcroît dans un état de santé précaire ? Il faut être dans les secrets de Ali Bongo et de ses affidés pour le savoir…
Kader Patrick KARANTAO